J’ai 14 ans et pendant mon enfance, ma sœur me faisait monter dans sa chambre.
Nous faisions alors des sorte de « jeux », elle me touchait les parties intimes et je touchais les siennes. Je n’ai jamais voulu le faire, mais c’était ma sœur, on s’entendait super bien et il fallait que je la suive. Je n’ai jamais oublié ce qu'il s’était passé, et je n’ai jamais ressenti un traumatisme concernant ces événements. Maintenant je sais pourquoi. Mon cerveau a voulu me protéger de ce que j’avais subi, il a donc choisi d’isoler ce souvenir. Je m’en souvenais, je savais ce qu’était de l’inceste, et si un ami m’avait dit exactement cette situation j’aurais été capable de lui dire que c’était de l’inceste, mais là j’en étais incapable.
J’ai subi les conséquences de cet inceste : j’ai eu beaucoup de mal à me faire des amis, et je me suis sentie à l’écart de mes camarades. Je n’étais pas acceptée. Seuls les professeurs m’aidaient et m’écoutaient, donc c’est vers eux, et vers le travail, que je me suis réfugiée. Devant les camarades, j’ai développé un masque social. Ils me voyaient comme l’élève parfaite, qui a des super notes, une super famille et une super vie, et je ne les ai jamais contredits. C’était pour moi la seule chose qui me restait. Le fait d’être à part m’a fait beaucoup de mal. Une seule élève m’acceptait : mais à côté de ça, elle me rabaissait souvent et me faisait faire tous les travaux de groupe seule. J’ai réussi à ne pas être dans la même classe qu’elle, grâce à une stratégie de choix d’options. Et cette année, j’ai beaucoup souffert au début, à cause d’une fille qui refusait que je me fasse des amis. Elle m’isolait. Mais au fond de moi, ce qui me faisait le plus de mal, c’est de commencer vraiment à réfléchir. N’étant plus étouffée par mon autre amie, j’ai réfléchi aux diverses situations de harcèlement que j’avais vécues (en CM2 et 6ème) et à d’autres choses comme mon attachement pour les professeurs et non les élèves.
C’est cette année également que mon cerveau a décidé de me révéler la vérité. Avant, je croyais que ce que j’avais vécu par ma sœur était une bêtise, mais une bêtise comme quand on vole des bonbons, il faut pas le faire, c’est dégoûtant, mais pas grave en soi. Et là un soir (il y aura bientôt trois semaines) alors que je réfléchissais je me suis souvenue de tout ça et j’ai réussi à être objective et à me dire : ce que j’ai vécu, c’est un inceste ! La semaine qui a suivi, j’ai été vraiment sensible. Je pleurais souvent, même si c’était amplifié par le deuil d’un ami décédé il y a plusieurs mois. C’était pendant les vacances. Et depuis la rentrée je sens que je me referme. En cours j’ai du mal à participer.
J’y pense souvent et j’ai pris ma décision. Je vais garder ça pour moi, et en parler sur ce forum. Je ne le ferai qu’une fois. Depuis les faits ma relation avec ma sœur a changé. Pendant longtemps nous nous sommes moins parlées, mais depuis à peu près 2 ans nous nous rapprochons. Et je ne veux pas perdre ça. Je ne sens pas de traumatisme des événements, donc comme beaucoup je ne veux pas détruire ma famille. Enfin pas de traumatisme : je ne suis pas dans une situation où les souvenirs me font du mal ; c’est le fait de comprendre mes souffrances qui est douloureux. Tous les jours je repense à quelque chose et je me dis : ça, c’est à cause de ce que j’ai subi. Mon rapport étrange à la sexualité, depuis que je suis petite, je me frotte le sexe sur des meubles quand je suis angoissée. Le fait que j’ai refusé de grandir, que j’ai refusé de porter une brassière jusqu’à la troisième… je n’aimais pas l’idée de devenir adulte. Des tas et des tas de choses comme ça.
Et surtout je culpabilise. Là ça va mieux mais pendant ces semaines je me suis dit : ce n’est pas elle, c’est nous deux les coupables. Nous n’avions que deux ans de différence ! Jusqu’à ce que je réussisse à dater à peu près les faits. Ça a commencé quand j’étais en CP, et elle en CM1, et ça a fini quand j’étais en CE2 et elle en 6ème. Je me suis alors rendue compte qu’en CM2, elle a travaillé sur la reproduction, avec un peu de sexualité. En CM2 on savait tous ce qu’était un viol. On a presque 10 ans. Elle savait ce qu’elle faisait. C’est dur à accepter, mais elle a utilisé le fait que je ne sache pas ce que c’était. Cependant je vais garder ça pour moi. Il va falloir du temps pour l’accepter. Mais si je parle, il va m’en falloir encore plus. C’était il y a longtemps en plus. J’en arrive même à remettre mes souvenirs en question, mais je sais bien que ça s’est passé. Pour ceux qui ont vécu la même chose voire pire (pour moi il ne s’agissait que d’agressions sexuelles, enfin bon que…), je tenais à vous envoyer tout mon soutien dans cette épreuve.