Capucine
Voici un drôle de témoignage, en forme de récit, parfois de poésie. Parfois un peu décousu. A l'image de ce qui s'est déchiré dans mon âme d'enfant. Je voulais rester au plus près de l'enfant que j'ai été, lui donner la parole à elle. Elle ne savait pas du tout que ce qu'elle vivait s'appelait de la pédocriminalité. Pas de mots, pas d'existence à son martyr. J'ai mis des mois et des années à comprendre et nommer mes souvenirs. Mais la mémoire vive de l'enfant insoumise est là, à jamais avec nous. Avec ses mots à elle, et sa compréhension à elle, ceux qu'elle ne pouvait pas dire, qu'on lui interdisait de dire, sous peine de mort.
Capucine.
Si vous cherchez des fous dans la tête d'un enfant
Vous y trouverez le bonheur radieux têtu sanglant
Jacques Prévert
Il y avait un jour une enfant… une petite fille comme toutes les petites filles du monde. En écrivant, j’ai l’impression que ce n’est pas moi. Et pourtant, oui, voilà, c’est moi.
Ca commence comme un conte de fées, une petite fille blonde dans une famille, avec sa maman, son frère... son papa. Là, vous pouvez déjà partir en courant. Le conte de fées est fini. Il n’aura pas duré longtemps pour la petite fille, pas plus longtemps que pour vous. Se dire, tiens, une jolie petite fille blonde, oui, et alors ?
Alors, la petite fille fut emmenée, un jour de Décembre, sur un bateau. Le conte de fées est fini, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Parce qu’elle dut y rester sur son bateau, elle ne sait pas vraiment combien de temps. Comme elle était très petite, pas même trois ans, elle crut que c’était un affreux cauchemar et quand elle revint dans la maison de sa maman avec son papa qui redevint son papa, elle crut qu’elle revenait dans la vraie vie.
Les très petites filles sont ainsi.
Dans sa maison, elle avait un frère, un ours et un lapin gris en peluche, un lit à barreaux en bois et des bonnes choses à manger. D’autres moins bonnes qui lui faisaient faire la grimace. On n’écrit pas une histoire sur ce que les petites filles aiment manger.
Je ne suis pas sûre non plus qu’on écrive une histoire sur ce que les petites filles subissent sur les bateaux du port. Mais ça, ça ne fait rien. Si ça ne se fait pas, je décide aujourd’hui que ça se fait. Et si d’autres êtres humains me lisent, alors après on saura que ça se fait.
Ce que j’aimais manger, j’ai un peu oublié. Ce qui m’est arrivé sur le bateau, j’ai complètement oublié. Très longtemps. Et un jour, la mémoire m’est revenue. Pas d’un coup, non, par petites touches pendant des mois, puis le jour de mon anniversaire, ça m’a envahie. J’ai tremblé, j’ai bégayé, j’ai balbutié comme j’ai pu.
J’avais quarante-cinq ans.
Ce qui prouve que les petites filles ne meurent jamais, et que ça peut être très gênant pour les papas. Le mien n’avait rien à craindre, Lui. Il était mort. Sinon jamais ma mémoire n’aurait donné le feu vert. Les mémoires sont très compatissantes. Elles sélectionnent suivant les besoins du moment. Et l'épisode du bateau avait été relégué dans les inutilités totales, les considérations dangereuses, et pour plus de sûreté l’oubli absolu, cadenassé. Pas la moindre petite allusion dans ma mémoire jusqu’à la mort de ma mère. Si mes parents étaient restés vivants plus longtemps, plus « normalement », mon père pouvait être tranquille, j’oubliais consciencieusement, avec la même conscience qui m’a rendue si sage les années suivantes.
Seulement, j’ai un cœur. Permettez qu'il batte pour l’enfant que j’ai été, et qui a été ensevelie là, sur ce bateau, un froid Samedi de Décembre.
Comment je sais que c’était un Samedi ? Je me suis réveillée en hurlant la date, une nuit d’enfer où ma mémoire a replongé. J’ai senti qu’à l’intérieur de moi, j’avais compté les jours parce que je l’avais décidé. L’enfant est morte ce jour-là d’une certaine façon, elle savait ne pas pouvoir survivre dans un tel monde. Juste un tout tout tout petit espoir : « Attends que je sois grande… » C’est à cause de cet espoir-là, espoir fou, que je ne suis pas morte vraiment, et que mon cerveau a prudemment isolé les événements avec une porte blindée et un camouflage.
L’air va vous manquer de lire tout cela. J’en suis désolée, je cherche dans ce qui est devenu ma nuit, d’autres humains qui me fassent signe. Mes sanglots ne tariront jamais, ni ne s’effaceront les marques infâmes dans la mémoire de mon corps.
Alors j’ai dessiné. Pas des dessins d’art, des témoignages, des traces quand mon ventre voulait raconter mais qu’il ne trouvait pas le chemin. Comme le Prince Charmant se fraie un sentier dans les ronces, à coups d’épée, pour pénétrer dans le château de la Belle au Bois Dormant. La réveiller, la ramener à la vie.
On dit dans le conte qu’il faut le baiser du Prince. C’est sans doute vrai, mais il y faut aussi un chant. Le Prince doit savoir chanter au-dessus du corps inerte de la Belle, une longue mélopée d’amour, des notes de désir infini pour que l’âme de la Belle revienne à la raison du monde. Un désir haut, exigeant, pas un désir d’hormones qui lui fouette le sang à la vue d’une si belle personne. Un désir d’union, de sens, fracassant le silence assoupi du château.
Dans les années qui ont suivi ce terrible naufrage, j'ai vécu comme toutes les petites filles du monde, et même assez joyeusement, car j'étais entourée d'une grande famille aimante. Ma maman était tout mon univers, ma déesse, mon refuge, je lui vouais cet amour des tout-petits qui refusent toute ombre sur leur idole. Ils ne la voient jamais.
L'événement avait pourtant installé en moi une part d'âpre solitude, qui était en menace de me pétrifier. Les adultes que je chérissais étaient solides à mes yeux, comme des rocs, mais parle-t-on à un rocher ? Mon silence pesait et me rendait parfois semblable à un minéral lent et lourd, au creux duquel rien ne se passe jamais. Allais-je grandir ainsi, comme incluse dans la glace ? J'avais trop de vitalité et je recevais trop de soins aimants pour cela. Instinctivement, j'ai creusé de longues galeries dans mon imagination, là où la vie peut s'en donner à coeur joie. Et même à corps joie. En moi est né un paysage de neige à l'infini, que je retrouvais en jouant. Là, je pouvais devenir bonne femme de neige, rencontrer des amis animaux, pleins de compassion et de compréhension.
Ainsi vint le harfang des neiges. Je l'avais aperçu en photo dans un magazine. Un majestueux hibou blanc, avec juste quelques traces brunes sur ses plumes. Il pouvait devenir invisible sous la neige, camouflé par ses couleurs. Son plumage était si duveteux et pneumatique qu'on aurait pu le croire fait de neige. Sa tête était ronde comme celle des enfants, et ses paupières retombaient tranquillement sur ses yeux paisibles.
Tout son être était douceur, accueil, sagesse millénaire empreinte de silence. Etait-il un simple tesson de mon âme éclatée ? En tout cas il me toucha si fort que je veux croire qu'il m'ouvrit les portes du dire.
Maintenant que je me rappelle, que la petite fille que je fus a accepté de revivre son chemin de croix dans mes bras, ce n'est qu'auprès de lui qu'il me vient la force de laisser la parole à l'enfant qui fut moi.
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Cher hibou des neiges.
Te voilà. Regarde-moi. Regarde-moi bien. Je n'ai pas peur de toi. Je suis une petite fille courageuse. J'ai vécu mille vies et bien plus de peines, et tu vois je suis là, bien plantée sur mes jambes, et je te regarde.
Aime-moi, hibou, s'il te plaît. C'est facile, j'ai des yeux verts et je suis seule. Tu ne seras pas embêté. Moi, je t'aime déjà. Je t'aime tellement et si fort que je vais te dire tous mes secrets, et tu les emporteras dans tes plumes. Si tu pars pas pendant que je te racontes, ça voudra dire que tu m'aimeras, bien sûr. Sinon c'est la neige qui entendra et qui emportera, seulement la neige ça fond, il restera
plus rien. Ou alors le vent. Mais je t'aime plus que le vent, car tu es chaud et doux, et tes grands yeux me plaisent. Tu veux bien ? Vraiment, hibou ?
Ö mon hibou, il faut beaucoup de neige, tu sais, pour recouvrir mes paroles. Beaucoup de neige et de vent. Je veux juste être là et te dire, et ça se perdra dans la neige, et personne sera embêté. Tu pourras l'emporter dans tes plumes, mais seulement si tu es fort, et même très fort, mon hibou.
Ecoute, écoute, mon hibou, ce que les papas et les mamans ne savent pas entendre.
C'était un bateau, sur le port de notre ville.
Je me souviens. Une maison avec de l'eau en-dessous, et des tables attachées par terre. Facile à voir, j'étais très petite, tu sais, mon hibou, si petite, à peine plus haute que les tables. Il y avait une grande scène aussi, avec un spectacle, des hommes déguisés en femmes, des sortes de monstres pas très méchants, parce qu'ils restaient sur leur scène, tout occupés à chanter. C'était l'après-midi. Mon père et mon frère étaient là. Mon frère, il est juste un peu plus grand que moi, mais pas beaucoup, je crois. Je dirais pas qu'ils étaient avec moi, parce que je savais pas encore très bien que j'étais moi. J'étais moi-mon frère, moi-ma maman, moi-mon papa. C'est comme ça quand on est petit, je sais pas si c'est comme ça chez les hiboux, mais chez nous, si. Alors, moi-mon frère-mon papa, que je croyais qu'on était, je regardais cet endroit si bizarre que j'étais pas sûre qu'il existe en vrai. Il y avait un spectacle mais pas beaucoup de monde. Avec mon frère, on pouvait courir entre les tables attachées, elles risquaient pas de tomber. On risquait pas de faire des bêtises. Enfin, en te disant ça, je commence à avoir un petit peu peur, peur de faire des bêtises. C'est-à-dire, je suis embêtée, parce que se souvenir, c'est une bêtise ...
Oh mon hibou, j'ai été tout à coup dans les bras de mon papa, une femme brune que je détestais a posé ses yeux sur moi, je crois que j'ai bu un médicament. Je déteste les médicaments, tu sais. Toi aussi, peut-être. Les hiboux, ils ont des médicaments ? Et puis, ça c'est un secret terrible, mais tu vois, je te le dis tout bas, j'ai vu des billets. Des billets pour payer. Je crois bien que mon papa les a pris, mais j'aurais préféré avoir fermé les yeux, très fort, comme quand on joue à cache-cache et que c'est toi qui colles. Et alors on m'a emmenée, on m'a emmenée, mon hibou, t'y peux rien, tu vois, parce que mon papa était plus mon papa, et ça après personne est plus fort que ça. On m'a emmenée dans un couloir, et une toute petite chambre avec une fenêtre toute ronde. Derrière, la mer. J'ai envie de vomir...
Je me souviens plus très bien, mais quand même un peu. Tu diras rien à personne ? D'ailleurs, tu sais pas parler, c'est pour ça que je te dis tout. Et tu restes avec moi, avec moi. Alors je vais te raconter tout le secret. Attends, il faut que je respire.
Ca a fait comme ça à l'intérieur de moi :
Chose choc de son. Choc chose de son. Choc choc choc par le hublot rien qu'un hublot. Je vois la mer. De la mer, de la vitre. Des poissons peut-être. Glou glou. Quand on est sur la mer on est prisonnière. On est comme un poisson qui coule.
Y avait des monstres, ceux-là très très très très méchants. Ils faisaient des choses de monstres, mon hibou. Euh, dans moi. Dedans. Oui oui mon hibou, des choses de monstres que je comprenais pas, mais c'était très... vilain. Très... rien, c'était rien, moi je sais pas raconter ça, tu sais. Pas du tout. C'est triste d'être un enfant. On sait rien... Et moi j'étais toute mélangée et toute cassée et tu sais, je savais plus où j'étais. Non, j'étais plus, j'étais plus. Que du mal. Pourquoi, pourquoi, ça disait tout le temps ça dans ma tête, pourquoi il fait ça, je suis méchante, très très méchante, très très très méchante. Et puis je pouvais pas sortir, bloquée, blo b l oochoc, bang, ouaïe, ça fait si mal mais j'ai pas le temps, pas le temps de rien, c'est eux qui savent.
Alors tu vois, comme je pouvais pas être avec eux, qu'ils avaient tout pris, moi j'ai cherché un endroit où me cacher. Je pouvais pas bouger, je pouvais pas m'en aller de moi, non plus, alors j'ai cherché et puis j'ai trouvé. C'était difficile parce que j'étais plus moi, mais quand même, comme y avait plus de moi seulement un bout de bois, ben je suis allée à l'intérieur. Tout à l'intérieur, là où les monstres ils pouvaient pas y aller. Parce que, tu sais, c'est très vilain, mais ils étaient partout dans moi où ça rentre et ça sort, le manger, alors j'ai été au milieu, dans l'estomac je crois. Là ça faisait une petite grotte toute tranquille. Enfin, ça secouait beaucoup et j'avais très peur que la mer et l'eau des monstres elle arrive jusque là, mais quand même non. Ils pouvaient pas venir ou alors un tout petit peu, comme des vagues quand la marée elle monte. Nous l'été on va à la plage et on attend, et alors la mer elle monte, et si il y a un petit coin avec des rochers, elle va là. Tout mouillé c'est après. Et moi j'étais déjà toute mouillée mais je pouvais pas pleurer ni rien, alors cachée tout au fond de ma grotte, j'ai attendu qu'ils s'en aillent. Mais quand je pouvais pas fermer les yeux, que je les ouvrais un petit peu, je regardais la fenêtre toute ronde et la mer avec les vagues et je voulais y aller, mais j'avais peur aussi. Mon papa il était plus là pour m'y emmener, même que c'était lui qui... qui... attends, non, ça doit pas être ça, mon papa et moi c'est pareil, c'est moi aussi les monstres ? leurs figures elles sont horribles des figures de morts, mais je m'en rappelle pas parce que si je me rappelle j'ai trop peur. Leurs figures elles étaient si terribles que ça a tout cassé ma tête, ma tête elle les a cassées en mille morceaux c'est mieux. On peut quand même pas être obligé de se rappeler tout le temps tout, hein mon hibou ? Ou alors c'est fini voilà. Ô mon hibou j'ai trop peur, tout est mort mais je voudrais plus respirer. Je pars loin loin loin dans le ciel qui est plus là, très très loin ... Au fond de la grotte de mon ventre, toute seule toute minuscule minuscule je pars dans le ciel où qu'il se passe rien. L'embêtant c'est qu'un bout de moi est resté dans le ciel. Bout de moi bout de bois.
Et alors les monstres, ils m'ont attrapée comme si j'étais plus qu'une tête au bout d'un bâton. Y avait plus que le bâton. Je savais pas que quand on a mal très fort, on devient un bâton, et comme mes yeux se sauvaient par le hublot, j'étais un bâton qui dérive au fil de l'eau. Tu te demandes comment je fais pour dire des jolis mots comme ça ? Qui dérive au fil de l'eau. C'est dans le livre d'histoires que ma maman me raconte souvent, où les mots ils se mettent ensemble pour faire comme de la musique, alors je m'endors avec comme si c'était une chanson. Et ça rentre, ça rentre jusque dans là où je me souviens. Au fil de l'eau. C'est joli, hein, mon hibou ?
Oui, je trouve. Mais je te disais quoi ? Ah oui, ben tu sais, là, à ce moment-là, plouf, j'ai plus eu peur du tout, parce que ma peur a tout tué ma peur. C'est devenu pas pareil.
Viens-là, mon hibou, je veux mettre mes bras autour de ton cou. Un petit peu. Je te ferai pas mal.
Du vert c'était. Du vert de gris. Plus de vert. Pus de vert. Vert de pus. Rouge. Rouge. Sous ma peau dans mon sang tape tape à ma tête mes oreilles ont très mal. Ma bouche ouverte, elle va se casser par les bêtes, ils ont mis des bêtes vivantes dans ma bouche.
Elles croient qu'elles sont chez elles prennent toute la place.
ma maman maman si loin. Maman ne me reverra jamais. Je suis le monstre qui bouge dans ma bouche qui respire à ma place rouge rouge dans ma tête de l'autre côté je suis partie. Mes rêves ont encore la couleur du sang. Brun rouge brun marron sang ça tape ça tape. Il pleut sur ma figure de la gélatine qui pue. Au loin la petite fille aux socquettes blanches.
je ne serai plus jamais une petite fille qui part sur la route en tenant la main de sa maman, avec des socquettes blanches et des souliers vernis.
maman maman mam......maman an
plus rien rien r i e n. r i e
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Quand je me réveille, je suis dans mon joli petit lit à barreaux avec la colombine peinte dessus . Ma maman a tiré le drap si beau et si propre qui sent si bon.
J'ai de la fièvre, mal à la gorge.
Ma maman sa main sur mon front.
Le cri de terreur au fond de moi n'est jamais sorti. Jamais.
Maman à la figure blanche avec des petites taches de son. Mur du son. Maman que j'aime incroyablement beaucoup très fort.
Je suis revenue. Les monstres ont fait des cerceaux de fer tout autour de mon corps, bien autour de moi. Comme le drap tendu dans mon lit. Ma tête bascule,
j'ai tellement de fièvre. Mes yeux se ferment et je ne vois plus le blanc, tout le blanc du beau drap, blanc comme le silence sur ce qui m'est arrivé.
Maman, maman, tu vas être fâchée, je suis devenue les monstres.
Le silence au fond de ma gorge fait atrocement mal, le silence et la rémission. Au fond de ma gorge ils sont les monstres.
Un jour je le tuerai.
Mais après, je me suis levée. Je me rappelais pas bien, tu sais, parce que dans ma maison de ma maman, c'est pas comme ça, ça sent bon et puis c'est comme ma maman. Alors je crois que la vie des monstres et la vie de ma maman, c'est pas pareil. Tu comprends. Peut-être y a deux terres, une pour les monstres et une pour ma maman, et c'est juste, euh... Ce papa qui sait comment on fait pour aller chez les monstres. Alors j'ai très peur de ce papa. Mais le papa de ma maman, celui sur la terre de ma maman, lui je l'aime beaucoup. C'est mon grand papa très fort. Enfin je crois. Je sais pas. Je suis fatiguée, mon hibou. J'ai mal à la tête. Et il fallait rien dire à ma maman, ou alors les monstres ils pourraient venir. Tu te rends compte, si ils prennent ma maman, ma pauvre maman, et après nous on serait tout seuls et ça serait ... ça serait ma faute. Ça me fait très mal dans la gorge, quand je te dis ça.
Ma maman avec les monstres. Elle sait même pas qu'ils existent, qu'ils sont dans moi qu'ils sont tout moi, petit bout de moi. Petit bout de bois. Mais si je dis rien et si je suis bien sage, ils bougeront plus jamais. Peut-être. Et puis si j'y pense plus du tout, si je serre bien mes poings sur mes yeux, tu sais quand ça fait des couleurs après... Heu, attend, les hiboux, ils ont pas de poings. Tu peux pas serrer tes poings sur tes yeux, surtout qu'ils sont grands tes yeux, et t'as des petites pattes, ça me fait rire, mon hibou. Est-ce que tu vois des tas de couleurs avec tes yeux ? Et même des couleurs que moi je vois pas peut-être... C'est dommage, tu peux pas me prêter tes yeux, c'est pas des lunettes. Mon frère et moi on a des lunettes en plastique qui sont pas de la même couleur, alors on se les prête. Moi j'ai les jaunes et lui les bleues, mais des fois je mets les bleues et lui il met les jaunes. On échange. Dommage.
Ah oui, attend, je te parlais de ma maman, mais je sais plus quoi. Les monstres... Oh la la, vaut mieux pas parler d'eux. Non.
Je voudrais bien caresser tes plumes.
Elles sont si belles, toutes blanches. Ou alors m'endormir dans tes plumes, ça sera mon oreiller, jusqu'à demain matin, jusqu'à ce que... Tout ça soit fini.
Mais tu sais, aussi, y avait Capucine. Capucine, c'est mon poisson rouge. Elle habite avec Casimir. Ils ont un petit bocal tout rond et puis eux aussi ils tournent en rond et ils s'amusent. Ils sont peut-être mariés, Casimir et Capucine, dans leur bocal. Ou alors Casimir c'est son frère à Capucine. Casimir, c'est le poisson rouge à mon frère, mais Capucine c'est moi. Euh, Capucine c'est mon poisson rouge. Je l'aime, Capucine, elle est rouge un peu orange aussi, et puis elle brille parce qu'elle est toute mouillée, et puis elle a envie de vivre mais elle tourne tout le temps dans son bocal. Des fois, je voudrais qu'elle vienne s'amuser avec moi, mais elle peut pas, Capucine. Faut bien qu'elle reste dans son bocal, hein, mon hibou.
C'est comme moi avec mon hublot.
Qu'est-ce qui y a ? T'as pas entendu ? Non, mais j'ai rien dit aussi. Je te parlais de Capucine. Faut que je fasse bien attention à elle. Ma maman elle me l'a confiée. Tous les jours, je lui donne des petites graines et Capucine elle vient me faire un bisou sur mon doigt en mangeant les graines. Ca c'est très important. Et puis aussi faut changer l'eau du bocal quand elle est toute sale parce que Casimir et Capucine il font caca dedans, tu te rends compte ! C'est rigolo quand même. Mais ça c'est maman qui le fait, de changer l'eau, parce que c'est drôlement dangereux et moi j'ai très peur pour Capucine qui peut plus respirer. Et puis elle peut pas parler, Capucine, si elle mourt et que personne s'en aperçoit, même pas ma maman, ben elle peut pas appeler au secours. Alors moi je reste bien avec elle quand maman elle retire toute l'eau et qu'elle met Capucine dans le lavabo. Y a un moment, un petit moment mais quand même, où maman vide l'eau du bocal et puis elle remplit le lavabo, et ben Capucine elle a plus d'eau, que de l'air mais les poissons si ils avalent de l'air ils mourrent. Alors moi je regarde bien fort Capucine pour tout deviner et moi non plus je peux plus respirer, vite vite ,mais heureusement maman elle fait tout presque bien et elle jette Capucine dans l'eau du lavabo. Ouf. Quand même ça fait peur mais Capucine et moi, comment tu veux qu'on parle et qu'on appelle au secours puisqu'on peut plus respirer. Elle a très peur Capucine, elle remue très vite avec sa queue et moi je deviens comme un bout de bois, parce que Capucine c'est un petit bout de moi, je le vois bien quand elle a mal et que j'ai mal aussi pareil.
Mais tu sais, mon hibou, ben un jour Capucine elle a mouru dans son bocal, elle nageait sur le côté, elle bougeait plus et puis Casimir aussi. Alors ma maman elle a pris le bocal et elle a jeté Capucine dans les toilettes et elle a tiré la chasse d'eau et Capucine elle est partie dans le trou. Et puis Casimir pareil. Moi j'ai crié très fort, non, non, faut pas le faire, mais maman a dit ça fait rien, ils sont morts. Je détestais très fort mam ma ma maman et j'avais très peur d'elle. Je voulais pas croire qu'elle était devenue une sorcière, et puis j'ai plus rien senti alors comme c'était pas possible, tout ça, je suis allée dans mon lit, j'ai attendu très longtemps et j'ai plus rien mangé. Parce que Capucine et moi c'est pareil et si même ma maman elle sait pas ça alors c'est plus la peine. Je suis allée dans le ciel où y a rien. Laissez-moi tout le monde.
Maman elle a dit que Capucine de toute façon elle est au ciel. Tu sais, moi je le connais, le ciel, c'est là où y a rien quand les monstres ils viennent. Mais en même temps tu peux être dans la grotte de ton ventre, si tu veux. Je sens ça quand je m'endors le soir. Ya un point de moi qui part loin loin loin très très haut dans le ciel, et en même temps un point qui vient sur moi, il m'écrase mais je suis bien cachée. Après je m'endors, j'ai l'habitude.
Alors puisque Capucine elle est au ciel, je suis sûre qu'elle est aussi dans la grotte de mon ventre, c'est obligé. Ca va ensemble, c'est accroché. Et ben maintenant je sens tout le temps que j'ai un bocal dans l'estomac. Mais rigole pas, mon hibou, c'est Capucine, elle est là. Ca me fait mal à l'estomac, ça me gêne parce que c'est lourd et que ça bouge, ça frétille, et que ça m'empêche de penser bien à tout, alors je mange beaucoup pour plus rien sentir. Voilà. Et puis comme ça ça va. Et puis Capucine elle a à manger aussi. Faut y penser.
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Voilà, mon hibou, tu sais tout. Tu es toujours là, tu bouges pas du tout sur la neige à côté de moi. Tu veux pas que j'ai peur. C'est parce que tu as caché mon secret dans tes plumes que tu fais un petit peu bouger tes ailes ? Attends, pars pas tout de suite. Tu sais, bientôt, je vais tout oublier. Je le sens bien, c'est obligé. Obligé comme ce qui m'est arrivé, tu comprends. Il arrive des choses comme ça quand ton papa oublie d'être ton papa et que des monstres viennent. Ma tête est trop fatiguée, mon hibou. Tout est désastreux. Je veux juste vivre avec ma maman, mon frère, mon grand-père, et mon nounours.
Mais tu sais ce qu'on va faire ? On va laisser un sablier ici. Comme celui des oeufs à la coque. Faut que tu le retournes quand il a fini, quand y a plus de sable en haut. Tu y fais attention ? Tu vas le surveiller ? On va le faire très grand, un géant sablier, pour que le sable il mette très longtemps à tomber, pour que t'aies pas à le retourner tout le temps. Ca serait pas gentil. Il va compter les jours jusqu'au jour où je serai assez grande pour tout me rappeler très bien. C'est comme ça quand on est grand. Et ce jour-là, je reviendrai te voir et j'aurai qu'à compter et je saurai très bien le nom du jour où tout m'est arrivé. Et alors je serai plus grande et plus forte, et je pourrai faire ce que je voudrai. Je les tuerai tous, tous, pour qu'ils ne fassent plus jamais de mal à un petit enfant. Peut-être il faudra des soldats, tu ne crois pas ? Il iront sur le bateau, ils seront très forts comme un papa, et même encore plus forts parce que ça sera des soldats, et ils emmèneront tout le monde avec leurs armes, tous les monstres sortiront et marcheront sur la passerelle avec les mains sur la tête, pour aller dans une prison de monstres. Je sais pas du tout comment c'est, une prison de monstres, mais sûrement que c'est comme une grande cave noire et mouillée où on voit rien, où on reste très longtemps, et où on a très peur. Et ça sera bien fait pour les monstres.
Et pour lui aussi... Parce que tu sais, mon hibou, ça c'est le pire des pires des secrets, tu le dis pas, mais lui aussi c'est un monstre des fois. Ben oui. Et celui-là de monstre, il est sur la terre de de de de ma ma mammaman. Mais il faut pas le savoir du tout, pour pas mélanger les deux terres, alors j'oublie tout le temps, quand ça arrive, je sais bien que je suis sur l'autre terre, celle des monstres, et que ça va finir. On tombe dedans des fois c'est comme ça. J'attends dans le ciel où y a rien, et dans ma grotte et je le dis pas. Et puis c'est mon papa alors il m'apprend à être très courageuse, c'est normal. Avec lui, je deviens très forte, je laisse passer tout le temps où j'ai mal, mais ça passe et je suis fière et aussi je sais qu'il m'aime et si je comprends pas c'est parce que je suis petite. Il m'apprend à être grande. Et à rien dire à ma ma mamaman pa pa parce qu'elle va être fâchée. C'est très triste comme un trou noir, ça, alors je peux pas y penser. Je sais bien que c'est mal ce qu'on fait mon papa et moi. Mais sur la terre des monstres, c'est normal. Et puis tout d'un coup je suis sur la terre de ma maman et il s'est rien passé du tout, sur cette terre-là, tu comprends. Alors c'est bien. Ma tête est fatiguée. Elle a mal. Elle guérira jamais peut-être, parce que maman le sait pas. Faut que je devienne grande.
Je te l'ai dit pour mon papa mais il faut vite tout oublier, hein, mon hibou, sinon ils viennent les monstres et la dame et ils emportent tout le monde. Même toi. Tout le monde. C'est mon papa qui me l'a dit. Ben oui... Il sait tout, mon papa, même il connait la terre des monstres alors il faut l'écouter sinon on est puni très fort et tout, il peut mourir comme Capucine. Tu te rends compte ?
Tu m'attends, hein, tu veux bien ? Longtemps ? C'est longtemps du temps jusqu'à ce que je serai grande. Tu tournes bien le sablier ? Ô mon hibou, c'est toi que j'aime le plus. Pour toujours.
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Ce jour de ma vengeance n'est jamais venu, je dois dire. Ce désir si fort s'est dissout dans les années qui ont passé. Quand je me suis rappelée, les trompettes n'ont pas sonné. Pas retenti l'heure de la délivrance.
Tout a été happé par les jours mornes de l'indifférence. Les maisons les fleurs le travail des gens. Et moi rien. Après la grande vague de souvenirs qui m'a tenue tremblante et bégayante pendant quelques semaines, tout a repris son cours naturel. Mon histoire n'intéresse personne, on me suggère de ne plus y penser. Mon père est décédé de toutes façons, la vie a passé, il est trop tard pour une action en justice, qui pourrait assouvir ma soif d'enfant à la recherche de sa dignité perdue. Tout le monde se détourne, tout le monde a peur, et les monstres qui sont restés au fond de moi rigolent bien, font la ronde, éclatent leur sarabande dans ma tête. Ils croient qu'ils ont gagné pour toujours, que je ne peux plus exister sans eux.
J'avais choisi de vivre dans l'espoir de prendre ma revanche, de régler cette affaire une fois grande. Comme cela a été difficile d'admettre que mon statut d'adulte ne m'octroyait rien de plus, que le monde adulte n'avait aucun remède ! Que les adultes en fait avaient surtout peur de ce monde infernal que je trimballais dans ma musette. Quand tout cela est arrivé, je n'avais pas choisi de mourir ; je me le suis reprochée quarante ans plus tard, tant il est vrai qu'on ne se sait pas d'âge.
Mon rêve d'enfant s'est brisé mais je ne suis plus à ça près. Comme une grande porte ouverte sur l'espoir, seule demeure l'énergie du désespoir. Elle se cogne comme une chauve-souris aveugle à l'incompréhension des autres, mais son radar n'en finit pas de chercher dans la nuit un signe de vie, de sens, de renouveau.
Oui je suis grande, oui je vivrai.
Je rentrerai dans le cercle de la chaleur humaine, et les monstres ne trouveront plus domicile en moi.
Dans ma bouche ils ne sont plus.
Dans ma bouche des baisers pleuvent.
Dans ma bouche explosent mes mots.
Petite fille qui fus moi, je t'ai veillée toute ma vie sans le savoir.
Près de toi, toute recroquevillée dans ta terreur, j'ai été comme un chien fidèle, animalement attachée à ne pas te perdre. Je ne savais plus que j'étais ce chien, je ne savais plus que j'étais toi, mais j'étais là, dans toute la force de ma retraite, attentive à te garder jusqu'à ce qu'enfant je te retrouve. Jusqu'à ce qu'enfin je te retrouve.
Dans ton tout petit corps de coton blanc, si fragile, tu voudrais dériver. Tu voudrais devenir nuage tellement tu as mal, t'aérer et te disloquer comme les nuages qui s'étirent et se défont, en se gorgeant de lumière. Tu voudrais.
Mais tu n'es qu'un coton imbibé de sang, de sperme, de salive, et de toute la crasse du lieu où on t'a jetée, comme dans un bocal. Un coton utilisé oublié dans un bocal.
Alors je reste, moi, près de toi, obstinément, dans ma fidélité absolue de chien. Aussi sidérée que toi, aussi emmurée que toi, mais laissant très très lentement un corps de mère renaître depuis mon coeur qui bat. Il n'existe plus pour toi de mère que moi. J'ai accueilli en mon sein l'enfant hurlante, dans un silence à blanc, et l'ai bercée de tout mon être. Tu es mon enfant, dans une alliance farouche, ta douleur reste ma loi.Je ne peux pas t'abandonner. Je ne peux pas nous anéantir, m'anéantir, du monde des humains et des vivants.
Quel animal dans son gîte ferait subir ça à son petit ?
Et il me semble parfois être sans bras, mais mon regard se pose sur mes ailes blanches... Ma tête est ronde et mes paupières retombent tranquillement sur mes yeux paisibles...
Le harfang m'offre une pause dans son corps de douceur, offre un répit à la mémoire de ma chair. Je suis lui et il est moi, retirés en apparence du monde, mais tout entiers tournés vers cette toute petite fille qui ne mérite pas de ne plus exister.
Mais on ne peut vivre sa vie dans l'imaginaire.
Je ne sais que trop bien n'être pas le harfang.
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Alors autrefois, sur ma route, heureusement, j'ai découvert les grottes, vestiges sûrement de mon repliement d'enfant. Il ne s'agissait plus de me terrer en moi, mais dans de vraies cavernes, sur notre bonne vieille terre. C'est dans la spéléologie que j'ai trouvé une paix surprenante. Ces moments furent un vrai bonheur, et c'est sans peur que je m'aventurais en rampant dans les boyaux resserrés, sans lumière. Je ne faisais qu'un avec eux.
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J'y suis bien. Couchée à plat ventre dans la fraîcheur de l'argile, enduite de terre mouillée, dans l'obscurité de pierre, je respire à pleins poumons un détachement inouï, magnifique. Je sens que je pourrais mourir là sans crainte, mon âme s'élèverait droit au ciel, je traverserais sereinement les parois de la caverne. Comme si le mystère était au plus profond tout autant qu'au plus haut.
Comme si...
Puis vient le moment de sortir de la grotte, au bout de plusieurs heures de reptation au fond, et c'est si fort. Plus on avance vers la sortie, plus on se redresse, plus on sent la chaleur du dehors , mêlée à la lumière qui se tamise encore. Et soudain, c'est l'ouverture, la grande bouche de la terre qui nous avale dans des torrents de senteurs. Ca sent le terreau, l'herbe, les fleurs, et surtout ça sent le soleil. Instant simplement extatique.
Les grottes ont laissé en moi une trace indélébile, comme un germe de pureté retrouvée, et un sentiment de liberté sur l'existence, qui me seront précieux à jamais.
Il restera toujours dans la mémoire de ma peau, un peu d'une argile qu'on ne trouve qu'à cet endroit. Virginale, comme une chair d'enfant. J'en ramène dans mes mains comme dans un tabernacle. J'en ramène dans mon coeur, souvenir d'une simple douceur, quand je me faufilais dans ces boyaux si étroits que ma peau frottait contre la terre mouillée, lisse et douce comme une muqueuse .
Dans l'obscurité toute accueillante, mon épiderme frémissait à la fraîcheur de la paroi de feutre.
Ô Argile, Argile, accueille mes mots, accueille ma voix et mon chant, afin que sur ton socle soient recueillies mes larmes jamais versées. Sur toi seule je veux déposer mes sanglots.
Argile, pure et fraîche comme une enfance intacte.
Ô Argile, si seulement ces larmes à toi unies pouvaient devenir un baume puissant sur les corps meurtris de tous mes petits frères et soeurs en souffrance ! Et sur leurs âmes perdues qui errent sans plus se trouver jamais.
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N'y a-t-il pas ici-bas un lieu où je pourrais les retrouver, mes petits frères et sœurs en souffrance ? Dans un silence qui ne serait plus celui de la terreur.
Nous n'irons pas tous ensemble dans la fraîcheur des grottes...
Un lieu pour venir se recueillir, lieu de Requiem pour tous les enfants violés du monde, où chacun pourrait s'arrêter en silence, avec ses croyances, ou non, mais surtout avec son cœur, retisser doucement les liens à l'humanité.
Aucun mémorial pour notre martyre, nos cris se dissolvent dans la nuit de tant de solitude enfantin.
Créons-le, cet endroit, je nous en conjure, créons cette arche de tous les petits Noé, qui auraient bien voulu cacher quelque part la beauté du monde, pour venir la rechercher sans qu'elle ait été souillée. Après le naufrage. En réalité, elle est toujours à l'intérieur de nous, mais elle ne trouve plus son expression. Elle se terre. Nous n'imaginons pas combien de maillons se sont disloqués dans la grande chaîne humaine, à cause de tous ces viols, et combien des nôtres manquent à la vie, et nous manquent sans le savoir !
Ai-je la force de revenir du fond de la grotte ? Il y a tant de façons d'y rester !
Oui, je rêve d'un lieu de Mémorial quelque part dans le monde, où des artistes plasticiens, des architectes, des musiciens, des poètes, viendraient offrir leurs œuvres inspirées aux enfants violés, un lieu où ce ne serait pas l'horreur qui leur serait dédiée, mais la reconnaissance de leurs souffrances et de leur isolement... Puis le lien aux autres et la beauté du monde.
Le viol des enfants est un crime contre l'humanité. Perpétré chaque jour. J'ai tellement mal en disant ça, parce que je sais que c'est la vérité.
L'enfance massacrée n'a aucune frontière, et c'est à l'intérieur de tous, dans l'âme humaine, que son silence nous anéantit. Un crime contre l'humanité ronge en secret tous les hommes, surtout quand il s'agit des plus petits d'entre nous !
Puisse cette colère blanche se changer en musique ! En couleurs !
Que cela donne un peu de force et de clarté aussi à tous ceux qui luttent contre la pédocriminalité.
Je réclame un lieu de Requiem pour l'enfance torturée.
4 ans après, Vika, je trouve mon texte et ton commentaire. Merci à toi.Je croyais que je n'avais pas été publiée. il y a encore très loin avant que la pédocriminalité soit vraiment débusquée en France et dans le monde. Mais les choses s'accélèrent, et j'espère un jour participer à ce projet-là, à ce lieu de Mémorial.
Merci pour ton témoignage, j'ai l'impression de vivre exactement la même chose.
Moi aussi je rêve d'un mémorial, d'une reconnaissance pour les 34 ans de peur.
Moi aussi j'ai eu 3, 4 et 13ans...
C'était mon père mais ma mère et ma grandmère étaient au courant. Mais quand la mémoire est revenu, mon père et ma grandmère venaient de mourir. Pas de vengeance, pas de justice.
On parle de la guerre, de la faim au monde, mais on ne parle pas des enfants qui ont peur, tellement peur, qu'ils n'ont même plus peur. Et "ça" ne s'arrète jamais...
Construisons tous ensemble un lieu de vérité, pour montrer notre souffrance, pour que les autres nous accueillent, pour reconnaitre ce que nous avons réussi à survivre!
Je te témoigne tout mon respect et admiration, on mérite tous une médaille!