On dit tous et toutes la même chose;je doute, je me sens coupable, j'ai du mal à vivre, à dormir ,à manger, trop ou pas assez. Moi aussi, je suis comme çà. Et pourtant, je n'y crois pas tout à fait.
Mon père était mort quelques heures auparavant. J'avais passé la dernière nuit avec lui. Etrange de dire cela. Ne suis-je pas coupable de ce lien? Comment se fait-il que je cherchais sa présence? Mon père était donc mort depuis quelques heures.
Mes frères et soeurs ne voulaient pas le veiller. A vrai dire moi non plus. Ma soeur ainée disait qu'il le fallait. Alors je me suis retrouvée embarquée dans cette histoire. J'avais passé déjà cinq jours à faire mes" quarts ", comme les autres membres de la famille. J'avais passé la dernière nuit avec lui, je le faisais pour mes frères et soeurs.Pour leur faire plaisir, pour qu'ils m'aiment, qu'ils m'acceptent dans la famille. J'avais l'impression à l'époque, qu'il y en avait une. Et voilà mon père était mort. Et il fallait le veiller, un dernier effort. Je suis entrée dans la chambre, et j'ai cru que j'allais vomir. L'odeur, la mort. J'avais envie de hurler. J'avais déjà passé plusieurs nuits dans cet hôpital. J'étais effrayée. Je me disais "j'ai promis de le veiller, mais je n'y arriverais pas ""Pourquoi ai-je promis cela ? "Mon mari est arrivé.Si tu ne peux pas le faire, je le ferai à ta place. Ouf! "Je n'aimais pas ton père.Cela ne me fait rien qu'il soit mort". La nuit de l'agonie ,j'ai dit à mon mari comme une automate :"Tu sais ,mon père n'était pas un bon père. C'était une ordure."L'infirmière m'avait entendue, et j'avais honte. Surtout quand elle m'a demandé sans ménagement :"comment faut-il l'habiller? "Je n'avais pas compris. Elle m'avait dit : "Ca rédit vite ". Les corps, les morts. Horreur! M'aurait-elle parlé ainsi si elle ne m'avait pas entendu dire que mon père était une ordure? J'ai honte encore maintenant.C'est pour cela que je raconte cela maintenant.Ca m'étouffe. Je continue. Mon mari veille mon père. Je suis dans la salle d'attente, à côté. Ma soeur arrive en pleine nuit. Elle me dit : "que tu es blanche, petite soeur! Est-ce que tu as froid ?" Puis, après un silence, elle dit :"On va lui planter un pieux dans le coeur pour être sûrs qu'il ne revienne jamais. "
Bonjour,
Ton témoignage, outre le fait de ta souffrance que je n'oublie pas, est très intéressant sur le plan symbolique: une dernière nuit. Ca me fait penser à une chanson de Mike Brant: "Laisse-moi t'aimer, toute une nuit". C'est beau la nuit en général, c'est un moment de calme intense. Mais là, c'est la veillée funèbre de... Dracula!
Lorsque ma grand-mère qui m'a élevée et que j'adorais, est morte, je suis restée deux jours avec son cadavre dans notre maison à la montagne. C'était l'été, on crevait de chaud, on avait fermé les volets, mais l'obscurité n'était pas totale. Pour aller à la salle de bains, il fallait passer par la chambre où elle reposait. Je lui ai parlé longuement, je l'ai embrassé, j'ai caressé ses mains, je les ai tenu dans les miennes. Je n'ai jamais senti de mauvaise odeur (pourtant elle est décédée d'un cancer du gros colon). Je l'aimais, voilà pourquoi ça ne m'a pas dérangé de lui faire mes adieux.
Le mois dernier, c'est mon psy que je connaissais depuis 30 ans qui est décédé (lui aussi d'un cancer; mais du pancréas). Je suis allée à ses funérailles, je me suis recueillie devant son corps sans vie, je lui ai parlé, je lui ai dit au revoir. J'ai posé ma main sur sa poitrine et j'y ai déposé un petit coeur en fleurs (qui est parti avec lui dans la crémation). Il était mon père spirituel, je l'estimais beaucoup. Il m'a sauvé la vie lorsque je suis allée le voir la première fois.
Tout cela pour dire, qu'il me semble qu'on ne redoute pas la mort de ses proches d'âme, de coeur et d'esprit. Je ne dirai pas que cela est un plaisir de les voir morts, mais ce n'est pas un calvaire non plus.
Mais pour toi, c'était la nuit de trop. On ne peut pas veiller quelqu'un que l'on hait. On ne peut pas lui rendre un dernier hommage. Surtout une nuit... La nuit est faite pour les gens qui s'aiment, pour les rêves, éclairés par les étoiles et la lune qui veillent sur notre sommeil et nos amours.
J'espère tout simplement que cette expérience ne te dégoûtera pas de la mort. Qu'elle ne te fera pas peur quand quelqu'un de cher autour de toi disparaîtra. La mort fait partie intrinsèque de la vie. C'est même la seule certitude que nous avons en naissant: le fait de savoir que nous mourrons un jour.
Pourquoi as-tu eu honte de ton sentiment de haine? C'est cela que tu dois comprendre pour te libérer de ce père... qui n'était pas un bon père.
Le mien n'était pas non plus un bon père (il n'était pas un mauvais père non plus), il n'était tout simplement pas un père. Quand il est mort, j'étais jeune, on a pas voulu que je le vois dans son cercueil. Je l'ai toujours regretté.
Bonne continuation.
Amicalement