Victime d'inceste à 12 ans, l'agresseur étant mon frère ainé âgé de 24 ans.
A mes 14 ans, ma mère révèle avoir été victime d'inceste (ainsi que sa soeur) dans sa petite enfance par son père ; sa mère (ma grand-mère que je n'ai jamais connue) a pris partie contre ma mère et l'a exclue de la famille. J'ai découvert ce jour-là les conséquences douloureuses pour les victimes d'inceste qui tentent de parler et de l’opprobre (honte) jeté sur elles. J'avais à l'époque déjà subi l'inceste de mon frère et devant d'une part, la souffrance de ma mère vis-à-vis de son histoire, et d'autre part, sa certitude que nous ses enfants avions été épargnés de l'inceste, il était impossible pour moi de parler.
Au décès de ma mère, mon frère était marié et père de famille. Je me sentais totalement illégitime à révéler les faits et craignais de vivre également une exclusion familiale. J'ai deux filles. L'année de leurs 12 ans a été très difficile pour moi, de constater qu'elles étaient encore des enfants, dans leurs têtes et dans leurs corps, et cela m'a plongé dans l'incompréhension des violences sexuelles dont j'ai été victime. La libération de la parole ces dernières années a été un soulagement, de comprendre que la responsabilité ne me revenait pas, que la honte ne devait pas être de mon côté, que j'étais encore une enfant qui ne comprenait pas les intentions et les gestes incestueux de mon frère.
J'ai parlé, d'abord à mon conjoint : ensuite à mon père, qui me relayait les dénigrements et les attaques de mon frère à mon encontre (qui ont commencé étrangement une fois le délai de prescription achevé...). J'ai écrit un mail à mes frères, dénonçant mon vécu, sans nommer mon agresseur : je n'ai reçu aucune réponse de leur part. Ils font corps autour de l'agresseur, qui a mené depuis trois ans une telle campagne de dénigrement contre moi que tout rétablissement de la vérité me semble impossible. A part mon père, nous n'avons plus aucune relation avec ma famille.
Mes filles ne connaissent pas mon histoire, je sais qu'il faudra leur en parler. Briser la chaîne est un acte difficile. J'ai appris récemment que ma grand-mère (mère de ma mère) aurait vraisemblablement elle aussi subi l'inceste de son beau-père. J'ignore où débute la chaîne des violences sexuelles intrafamiliales dans ma famille, j'ai juste l'espoir d'avoir été le dernier maillon - mais savoir que ma mère a partagé ce même espoir, et que cela n'a rien empêché malgré tout, me glace terriblement.