J'ai dû me cacher et déménager tous les ans

Témoignage Publié le 22.01.2017

Fotolia 121937 SMadame la députée, Monsieur le député,

Le 12 janvier 2017 vous voterez la proposition de loi sur la réforme de la prescription pénale.

Je ne comprend pas pourquoi vous refusez de rallonger la prescription des crimes et délits sexuels sur mineurs. Rallonger c'est protéger nos enfants contre des prédateurs qui n'arrêtent pas leur carrière avec le temps, qui font de nombreuses victimes. Tous les arguments contre ce rallongement ne tiennent pas face aux avancées scientifiques qui prouvent pourquoi les victimes sont dans l'incapacité de porter plainte rapidement.

L'inceste fait 4 millions de victimes en France, vous devez agir pour enrayer ce fléau de santé publique, rallonger la prescription pour protéger nos enfants.

Je vous invite à lire l'argumentaire des onze associations de protection de l'enfance ici. Réfléchissez à l'impact de ce rallongement de la prescription, non pas en termes de cout pour la justice, mais de vies sauvées, d'économies pour notre budget santé.

Personnellement, je pense qu'il faut rallonger la prescription car j'ai moi-même été victime d'inceste et de maltraitance entre l'âge de 4 ans et demi et 14 ans avant la signature de la convention internationale des droits des enfants. Mais, justement en raison des prescriptions de faits et du fait que ma mère avait refusé de signer la plainte que j'avais réussi à déposer à 14 ans pour protéger ma petite sœur alors âgée de 2 ans, mon père n'a jamais été jugé coupable de ce crime aux assises comme cela aurait dû normalement se produire. J'ai dû me cacher et déménager tous les ans tant que mon père a été en vie car il voulait me tuer et me cherchait.

Je n'ai pas eu le droit de changer de nom pour me protéger de cette situation. La police et la justice attendait de sa part une agression grave avant d'agir. Autant vous dire que sans avoir procédé ainsi, je serai morte.Lorsque l'on est enfant et adolescent, il est très difficile de se protéger d'un adulte agresseur qui est celui sensé supposé nous aimer et nous protéger. Malgré des années de psychothérapie, je n'ai toujours pas achevé ce deuil dont la justice m'a privée car mes parents sont décédés, pour mon père en 1998 (60 ans) et ma mère en 2014 (68 ans).

Je suis mère d'une petite fille de 9 ans et s'ils avaient vécus plus longtemps, j'aurai dû me battre pour la protéger d'eux car les grands-parents biologiques peuvent demander un droit de visite sur leurs petits-enfants. Ma mère biologique avait fini par découvrir son existence peu avant sa mort. J'ai dû quitter la France avec ma fille pour la protéger de ma mère en 2012. Aujourd'hui, je suis une expatriée et je ne sais pas si je pourrai revenir un jour en France. Si ce genre de loi persiste, je ne reviendrai pas.

Veuillez agréer, Madame la députée, Monsieur le député, l'expression de mes respecteux sentiments.

Christiane

Suite à ce témoignage envoyé à plusieurs députés, Christiane a reçu une réponse de l'un d'entre eux:

Je tenais à vous préciser que j’ai pris connaissance de votre témoignage avec beaucoup d’émotion et que je partage votre position. C’est la raison pour laquelle j’ai pris la décision de cosigner trois amendements de mon collègue Claude de GANAY. Le premier vise à étendre le délai de prescription de vingt à trente ans pour tous les crimes, notamment sexuels, commis contre des mineurs. Les deuxième et troisième amendements visent quant à eux à étendre le délai de prescription de dix à vingt ans pour tous les délits commis contre des mineurs, notamment dans les cas de proxénétisme à l'égard d'un mineur ou de recours à la prostitution d'un mineur.

Restant à votre disposition, je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées.

C'est la preuve que la mobilisation de nos adhérents est utile et efficace pour faire avancer la cause des enfants. Pour que plus personne n'ait besoin de se cacher de sa propre famille comme Christiane, restons mobilisés contre la prescription pénale.