Je viens apporter mon témoignage dans ce contexte où je trouve que les affaires qui se succèdent sont d'une banalité affligeante et déprimante.
En février dernier mon fils âgé de 4 ans et demi était chez mes parents pour les vacances et ma mère m'a annoncé comme ça qu'elle partait pour le week-end le laissant seul avec mon père. Je me suis effondrée comme un mur qui me tombait dessus. Et à ce moment là tout m'est apparu clair et net, ce que je me cachais depuis tout ce temps.... j'ai enfin réalisé que ce qu'il m'avait fait subir à l'âge que mon fils avait.
J'ai toujours su qu'il s'était passé quelque chose, ça a affecté ma vie entière sans que je m'en rende vraiment compte, des années horribles, de mortifications personnelles, d'échecs sentimentaux, de boissons, de scarification jusqu'à la tentative de suicide et 3 mois d'hôpital psychiatrique et toujours l'idée d'être un monstre qui ne mérite pas de vivre et qui ne vaudra jamais rien. Je l'ai dit à ma sœur quelque temps plus tard et sa réaction a été très étonnante pour moi ; elle m'a dit que ça expliquait tout... et elle a plein de souvenirs du contexte glauque et répressif.
J'ai convoqué mes parents au mois de juin et leur ai tout dit, qu'il m'avait violée quand j'avais 4 ans et jusqu'à 12 ans - je n'ai pas de souvenirs précis des faits, mais je me rappelle exactement du contexte, des lieux d'une manière très précise et d'un sentiment de terreur extrême et d'un blanc total. Je n'ai que de très rares souvenirs de mon enfance et c'est toujours dans des contextes de peur et de frayeur et qu'il était là près de moi. Lorsque j'ai parlé à mes parents, au bout de 3 minutes ma mère a levé la main et a dit qu'elle le savait, qu'elle avait eu des gros doutes, qu'elle avait eu peur que ça soit également arrivé à ma sœur (ce qui n'est pas le cas), elle m'a dit qu'elle était contente que je l'ai avoué même si sa vie était maintenant fichue (!) et comment je pouvais lui pardonner.... le jour même elle repartait avec lui. Deux jours plus tard elle m'écrivait une lettre dans laquelle elle voulait s'expliquer sur ce qu'elle avait dit et qu'en fait elle avait voulu dire qu’elle y avait pensé à un moment précis lorsque j'avais plus de 30 ans… lorsqu'elle avait surpris une scène où j'étais en train de lire à la maison et que mon père me regardait et qu'elle s'était demandé si je n’étais pas en train de l'aguicher.... et que ça pouvait expliquer mes bizarreries.... Bref du coup maintenant je suis devenu le monstre qui a brisé sa famille, qui s'est fabriqué des faux souvenirs, qui empêche ses enfants de voir leurs grands-parents, et qui les force à mentir pour justifier de leur absence…
J'ai porté plainte contre mon père, en juillet, j'ai été entendue par la brigade des mineurs mon mari également, j'ai vu une psychologue experte. Ma sœur va être entendue dans les mois qui viennent et ensuite, ça sera mes parents. Apparemment il y n'y aurait pas prescription (j'ai 41 ans) mais je n'ai pas de grands espoirs sur les suites et je ne suis même pas sûre de le vouloir, ce que j'aimerais, c'est pouvoir les faire descendre de leur piédestal, les mettre devant leur responsabilités et qu'ils souffrent un peu quand même et surtout je pense aux autres enfants qu'il côtoie ou a pu côtoyer, ancien enseignant et actuel élu d'une commune. Je sais que la vengeance n'arrangera rien, mais bon...
En me renseignant sur le sujet, j'ai découvert un monde affolant et tellement récurrent où les justifications des proches suivent le même schéma, le déroulement des faits également. J'ai du mal à concevoir que cette parole ne soit pas entendue ou tellement minimisée que les victimes se retrouvent exclues et fustigées. Bref voilà. Il y a des jours ou cela me désespère surtout en pensant qu'il y a tous les jours des enfants qui subissent ça et qui auront peut-être pas la chance de s'en tirer aussi bien que moi au final.
Voilà, désolée de la longueur de mon message et bon courage à tous ceux qui vivent des moments difficiles