J'avais réussi à quitter ma famille, ma région, début 2004 après plus de vingt ans d'atteintes sexuelles subies par ma mère, de mal-traitances, de négligences, de manipulations perverses...Je demandais à ce qu'on m'oublie, qu'on me laisse enfin vivre en paix mais elle m'a cherché et sait aujourd'hui que j'ai deux enfants pour lesquels elle veut faire valoir ses droits de grand-mère !!! Alors pour eux, pour les protéger de cette femme qui a détruit tant d'années de ma vie, pour qu'ils n'aperçoivent jamais ne serait-ce qu'un seul jour de ce que moi j'ai vécu, je viens de déposer plainte contre elle...
Voici un petit bout de mon histoire...
Mes premiers souvenirs sont si précis que j'en ai presque l'impression de les avoir vécus hier. Le tout premier est un moment chez ma grand-mère. Je marchais seule mais j'avais moins de deux ans. Elle et ma mère étaient dans la cuisine où j'ai voulu les rejoindre. J'ai alors surpris une conversation pleine de reproches dont je ne comprenais pas grand-chose sauf ce sentiment de malaise, de peur et de chagrin que cela m'inspirait et aussi mon prénom souvent prononcé. On me reprocha vivement mon irruption dans la pièce. Ce jour-là, je n'ai pas mangé et suis restée seule toute la journée jusqu'à la nuit tombée. Cette angoisse, cette peur d'être en faute et abandonnée me suivra longtemps.
Mes souvenirs bondissent ensuite au temps de mes 3-6 ans, lorsque ma mère vivait chez un expert-comptable divorcé prénommé Gilbert. J'ai toujours dormi dans leur chambre où j'assistais à tout de leur vie de couple, de leur violentes disputes et de leurs ébats sexuels. Je me souviens de ces images avec précision. Ces derniers, leurs ébats me faisaient peur, je me réfugiais sous ma couverture et ne parvenait à me détendre et m'endormir que lorsque la lumière s'éteignait enfin dans la chambre et qu'il ne régnait que le silence et la lueur de la cigarette que je suivais des yeux.
Je me souviens également de ce placard qui avait sa porte sur le palier de l'appartement et qui avait également une porte commune avec la chambre à coucher. On m'y enfermait quand il y avait du monde. Ma mère le faisait souvent dans la journée me disant que c' était pour faire des choses d'adultes. Je ne devais pas savoir, pas en parler. Il n'y avait pas de lumière dans cette pièce, la fenêtre était condamnée et calfeutrée. Je me souviens d'une grande armoire et d'un amas de cartons, j'avais aussi une couverture sur le sol. Ma source de lumière venait de la chambre (du contour de la porte et de la serrure) où j'entendais ces bruits «familiers» mais parfois trop de voix différentes. Elle avait alors des relations sexuelles avec plusieurs personnes en même temps. Difficile alors de comprendre, c'est bien plus tard que l'on met des mots sur ces 'réunions'. Il arrivait que Gilbert rentre du travail et que ma mère m'ait oubliée dans le placard alors pour justifier de cette punition, elle inventait des bêtises et il venait me réprimander. Il me faisait peur.
J'ai le souvenir qu'elle prenait souvent des photos de moi, majoritairement nue. Photos que je n'ai pas pu récupérer en totalité, je n'en ai que peu. Quand on recevait le fils de Gilbert pendant ses jours de garde, il l'enfermait beaucoup dans 'mon' placard, on le forçait à manger ce qu'il détestait et on nous mettait au bain ensemble pour que chacun 'apprenne' le corps de l'autre. C' était leur raison à eux.
C'est à cette époque que j'ai développé un asthme sévère et un souffle au coeur, que ma mère n'a jamais fait surveiller ou traiter. La seule chose dont elle s'est soucié sont mes allergies car elle répétait ne pas vouloir se contraindre ni se gâcher la vie avec ces conneries.
J'ai aussi développé des peurs, on peut même parler de terreurs à cette époque: l'eau, le noir, les chiens, le vide. Je ne supportais pas de monter sur une simple chaise, j'étais terrorisée et Gilbert voulait me monter sur ses épaules... Il en très était amusé de me voir si effrayée pour si peu... Elle aussi... A chacune de mes peurs, elle m'exposait violemment car pour elle, c'est la seule façon de guérir, du moins c' était son prétexte mais en fait, cela l'amusait beaucoup. Cela m'a tout aggravé. Pour le tonnerre, c' était un jeu, elle disait qu'on pouvait mourir, même à l'intérieur et quand je partais en courant me réfugier sous un lit ou dans une armoire, cela la faisait rire. Pour les araignées, elle disait en avoir plus peur que moi et me forçait à les toucher, les tuer pour elle. Chacune de mes peurs ont ainsi grandi pendant des années.
C'est à cet âge que je me souviens du début d'attouchements sexuels. Elle s'exhibait, s'excitait contre moi, me touchait surtout dans le bain prétextant la toilette...
Mon refuge à cette époque? L'école, l'apprentissage. L'école car cela me faisait sortir et je m'y occupais des 'plus faibles', des enfants de la classe d'handicapés. Ils m'aimaient simplement et sincèrement et ça me faisait du bien. De plus, je me sentais utile et c' était inhabituel. L'apprentissage car chez moi, on me tenait à l'écart de tout alors que tout me passionnait, me rendait curieuse de savoir, de comprendre. J'avais une réelle facilité d'apprendre mais au fil des années, ma mère se sera si bien appliquée à me briser pour me posséder entièrement que je laisserai tomber. Si je parlais de métiers rêvés, elle trouvait toujours les arguments pour me dire que je ne pourrais jamais y arriver. Elle m'a tant répété ça, et que l'école et les diplômes ne servaient à rien... encore... encore... et encore... Inlassablement.
Mes amies? Une copine d'école, mes amis handicapés, et le cochon d'inde qu'elle m'offrit. Avec lui au moins, je ne demandais pas à sortir de la maison. Elle me fit miroiter d'avoir un chien à moi mais quand ce chiot est arrivé, elle se l'est approprié. Je n'avais que le droit et devoir de nettoyer ses excréments.
Lorsqu'elle s'est séparée de Gilbert, ce fut le défilé d'hommes à la maison et le début de l'enseignement qu'elle voulait m'inculquer. Elle ne me cachait rien, ni en actes avec ces hommes, ni en mots crus pour me le commenter, elle me parlait du sexe à sa façon, me disait que tous les hommes sont mauvais et infidèles, que sa place était la meilleure car les épouses les supportent tous les jours, elle n'a que le sexe et l'argent. L'homme est violent et ne doit servir qu'à nos intérêts... Tel était son discours. Les attouchements continuèrent. Alors, je passais mon temps dans ma chambre. Je me perdais dans mon imaginaire en m'inventant une autre vie. Quand il m'arrivait d'écrire un peu tout ça, je détruisais tout, j'avais trop peur qu'elle ne le voie.
Je me souviens d'avoir eu des jeux avec mes poupées qui me mettaient fort mal à l'aise mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Mes poupées avaient souvent une mère dangereuse, elles risquaient leur vie, un homme venait les sauver et les agressait sexuellement. Des fois entre elles. Cela dura deux ou trois ans, je ne voulais ensuite plus faire ces choses, je les sentais sales...
Je devais avoir neuf ou dix ans quand elle m'offrit un grand poupon et me fit croire qu'il était vivant et pouvait se mettre très en colère. Je sortais de ma chambre et quand j'y revenais, le poupon avait changé de place, soi-disant tout seul... J'étais terrifiée mais elle m'obligeait à le garder sous prétexte qu'il lui avait coûté trop cher. A contrario, les années qui suivirent, régulièrement, quand je rentrais de l'école, elle avait détruit ou jeté quelque chose à laquelle je tenais, sans autre raison que son bon vouloir, son envie de contrôle absolu sur moi.
Pour ce qui est du reste de ma famille, j'ai toujours été tenue à l'écart. De plus en plus avec les années. De leur côté, ils fermaient tous les yeux sur les actes de cette femme. Ils ne voulaient se compliquer l'existence avec elle, je l'ai su bien plus tard. De son côté à elle, elle me disait qu'ils ne m'aimaient pas, qu'ils disaient que j'étais une 'mauvaise' fille. Plus j'ai grandi, plus elle allait les voir seule (frère, soeur, tante, cousins, grand-mère... tout le monde). Elle n'a jamais voulu répondre à mes questions concernant mon père, ce qui fut difficile pour moi. Elle me disait qu'il fallait nous cacher de lui car il était très méchant. Je vécus des années dans la peur qu'un homme vienne m'enlever ou me faire du mal. J'appris plus tard qu'il était décédé très tôt dans mon enfance.
Vers dix ans, elle me fit regarder un film d'horreur qui me tétanisa pendant de longs mois au point de ne plus pouvoir aller aux toilettes seule. C'est seule que je finis par contrôler cette peur car elle la ridiculisait sans cesse, me culpabilisant.
Et elle continua ses rencontres multiples avec de nombreux hommes pendant toutes les années que je vécus avec elle, tout comme les attouchements durèrent jusqu'à mon adolescence où sa méthode changea quelque peu.
Un jour, elle rencontra une femme comme elle avec qui elle amplifia toutes ses 'activités'. Nous devions déménager tous les ans afin de ne pas être trop ennuyées. Elle m'envoyait de moins en moins à l'école et je les accompagnais toutes les deux: soit au bar mal-famé du nom de 'l'arrache-coeur', soit dans leur tournée des magasins où elles avaient l'habitude de voler. Elles tenaient des comptes dans un cahier pour tenter de battre leurs propres records, jusqu'à 10000 francs par semaine en cosmétiques, sous-vêtements, bijoux, chocolats, foie-gras...
A mon adolescence, ses rencontres se firent encore plus nombreuses. Il y a eu entre autres, notre voisin de palier, adepte de l'échangisme et autres pratiques sexuelles. J'avais douze ans à cette époque, je jouais à la console de jeux, ils étaient sur le canapé à côté de moi et elle l'a masturbé devant moi. Ca les faisait pouffer de rire. Trop gênée, je me suis retirée dans ma chambre. Peu de temps après, ce même homme tentera de me violer mais, étant à son habitude trop alcoolisé, je réussi à me sauver avant la pénétration totale. Mais je restais terrorisée de sortir de ma chambre. Quand je réussi à le dire à ma mère, elle fut d'abord en colère et jalouse puis me répondit qu'on ne me croirait pas et que je n'avais qu'à pas aller chez lui ni lui ouvrir quand elle n'était pas là. Elle n'a rien fait pour moi. Par contre, lorsqu'elle a voulu rompre et qu'il l'a menacée, elle est allée voir la police mais n'a rien dit pour moi. Elle veut toujours être la seule victime.
Plus tard, je l'ai vu se prostituer par jeu et amour de l'argent. Pour le plaisir car l'argent ne servait qu'à ses petits plaisirs, pas pour notre quotidien. Elle passait vingt minutes à l'hôtel pendant que j'attendais devant la porte et en sortait avec cinq cent francs. Pour ensuite, avec son amie, aller sur les lieux de travail de l'homme pour en tirer davantage, c' était un jeu.
Elle a connu des hommes qui levèrent la main sur moi (oeil au beurre noir, descente de voiture en marche, menace, coup sur un poignet cassé...) mais elle fermait les yeux pour garder les cadeaux de ses amants, les restaurants, les sorties. Pour elle, je devais oublier et n'avais qu'à m'isoler lorsqu'ils venaient à la maison.
Mes moments de répit dans tout ça étaient lorsqu'elle partait régulièrement dans ses séjours en maisons de repos et psychiatriques. Elle me laissait seule durant ces périodes dès l'âge de onze ans. Elle partait deux semaines ou un mois plusieurs fois par an. C' était des moments de délivrance absolue pour moi, malgré les problèmes engendrés avec une bande de délinquants du quartier, du fait que j'étais jeune, et seule. Là encore, lorsque j'évoquais ces problèmes, elle me disait que si je ne les cherchais pas... ils ne viendraient pas après moi. Pour elle, tout a toujours été de ma faute.
Durant ces absences, à l'âge de seize ans, je connus un premier petit ami, Joaquim. Elle ne voulait que je le voie qu'à la maison, obligatoirement dans ma chambre et elle nous espionnait, espérant nous surprendre en intimité. C'est à partir de là qu'elle m'interdisait de fermer la porte de la salle de bains pour pouvoir venir m'observer nue à volonté, soi-disant que c' était normal entre mère et fille. Elle ne fermait pas la porte des wc lorsqu'elle y allait, se promenait nue le soir, toutes occasions y étaient bonnes pour écarter les jambes sous mes yeux. Elle voulait qu'avec mes mains, j'aille lui montrer où se trouvait son 'point G', me disant qu'elle n'avait jamais connu le plaisir et que je pouvais lui aider. Je refusais toujours, l'idée même me dégoûtait.
Pourquoi ne pas partir? Je m'en sentais incapable. Elle m'a rabaissée depuis toujours, me faisait du chantage au suicide, me disait que le monde lui voulait du mal (même notre famille) et que je devais m'occuper d'elle, ou alors elle faisait des crises de nerfs à la moindre contrariété. Me déstabilisant aussi très souvent avec des sautes d'humeur et des changements de caractère imprévisibles, elle devenait cruelle et violente. Quand cela me détruisait trop, elle me laissa boire, fumer (tabac et cannabis) à volonté à la maison, devant elle, et elle me donnait l'argent pour ça. C'est encore une fois de moi-même que j'ai laissé cela de côté, cela me détruisait encore davantage.
La liberté qu'elle me laissa fut quelques concerts avec un ami qui faisait partie d'un groupe, me harcelant pour que je la présente au 'beau monde' comme elle disait. Il y a eu aussi la patinoire, un loisir dont j'avais besoin et qu'elle m'accorda car elle sentait son influence sur moi commencer à décroître...
Mais durant tout ce temps de loisirs accordés, elle s'est appliqué à me répéter que je n'arriverai jamais à rien et qu'elle savait que je n'avais aucune autre solution que de me suicider: «Je sais très bien que tu veux mourir! Tôt ou tard, tu vas le faire. Qu'est-ce que tu pourrais faire d'autre? Alors, je cache mes médicaments, tu sais, celui que si tu en prends juste une boîte, t'es morte... Juste une boîte... Alors, je le cache. Parce que je sais que c'est ton futur, tu vas te suicider»... C'est ce qu'elle me répétait.
Et puis, j'ai connu un homme de vingt ans mon aîné et elle s'est mise en couple avec un ami de ce dernier bien plus jeune qu'elle... Ce qui ne l'a pas empêché d'avoir une relation intime avec mon ami et voulait me persuader d'avoir des relations tous les trois ensemble, elle, lui et moi. J'ai réussi à m'y opposé et elle nous a séparé. De ce jour, elle est partie chez son nouvel ami, je n'existais plus pour elle, j'allais aussi être à la rue du coup, sans ressources aucunes. Elle est allée jusqu'à me répudier pour Noël et refuser de signer un papier pour que j'ai droit à un plus gros colis aux 'restos du coeur' . Ne me sentant pas capable de devenir sdf (pas de rmi, ni diplôme, ni revenu), j'ai accepté de retourner avec cet homme de vingt ans mon aîné qui souhaitait quitter la région. Nous sommes partis pour Perpignan sans laisser d'adresse. J'ai coupé définitivement tout contact avec elle, me reconstruisant enfin. Je quittais ensuite cet infidèle, buveur et violent par moments pour enfin construire ma vie, aujourd'hui comblée, équilibrée et heureuse.
Et maintenant un long chemin commence, une route vers la vérité de mon passé, pour qu'elle ne nuise plus, je l'espère... Pour mes enfants...