Je suis "M.", 57 ans, surnommée "la fille du fou de Montesson", survivante d'une histoire hors norme.
Une histoire marquée par la barbarie et la violence, mais aussi par une force intérieure qui m'a permis de transformer la douleur en engagements. J'ai subi les séquestrations, les sévices, l'emprise, l'inceste, l’esclavage, les abus, les actes de cruauté, jusqu'à l’effacement et la réification. J'ai été formatée comme un soldat, élevée dans un bunker moderne, dans un univers de terreur, rempli d’armes à feu et de fosses enterrées. Dès la naissance, les violences psychologiques, physiques, sexuelles, les injonctions et les ordres abscons ont été mon quotidien. Dans ce contexte dysfonctionnel, à l’identique d’un établissement psychiatrique fermé, à la gestion carcérale, certains me nommaient : le package, le dommage collatéral, la sans nom ; d’autres : mon petit soldat ou l’autre folle suivant leurs besoins d’utilisation. Il n'y avait pas d'échappatoire, pas d'oreille pour entendre mes cris, pas de justice pour nous protéger. Ce que j'ai vécu est à l'image des pires affaires criminelles connues, mais les victimes comme moi restent souvent invisibles et condamnées au silence. Il s'agit d'un mix de l'affaire Fourniret et de l’affaire Sauvage, faisant état de plusieurs dizaines de victimes féminines (mineures et majeures, françaises et gabonaises), mais également de nombreux protagonistes, dont des complices, encore en vie, n’ont jamais été inquiétés.”
M. a grandi dans un environnement familial dominé par la violence, le contrôle, la négligence et la survie. Son enfance a été marquée par des abus dès son plus jeune âge. À 2 ans, un souvenir marquant surgit dans son esprit : un trajet en camion de pompiers après avoir perdu connaissance à cause d'une forte fièvre. Bien que les signes de maltraitance étaient évidents, personne n'est intervenu. À l'hôpital, M. a été frappée par la gentillesse du personnel médical, un contraste saisissant avec l'atmosphère oppressive de sa maison. Elle n'a jamais eu de chambre ni de jouets, partageant le lit de sa mère sous l'emprise de son père, Pierre, qui instaurait une terreur constante. Armé et imprévisible, il la forçait à manger seule dans les toilettes du garage et la punissait sévèrement pour la moindre désobéissance, l'enfermant parfois dans la cave pendant des heures, voire des jours. La maison était une prison verrouillée de l'intérieur. Les voisins s'inquiétaient, ils n'ont cessé de porter plainte. Malgré 3 interventions des forces de l'ordre, celles-ci sont restées infructueuses. Certains des voisins, harcelés et terrifiés, ont fini par déménager. Pierre poussait la cruauté à l'extrême, obligeant M. à creuser sa propre tombe pour elle et sa mère sous la menace d’une carabine chargée, pointée sur sa tempe ou dans sa bouche. Ses seuls réconforts étaient les animaux errants qu'elle recueillait, mais son père les abattait sous ses yeux pour la punir ou bien quand elle refusait de l'aider à commettre des crimes. À l'école, elle était surnommée "la fille du fou". Ses blessures et ses bleus étaient visibles, mais personne n'a osé poser de questions. Conditionnée par la peur, résignée à mourir à tout moment, elle restait silencieuse par souci de représailles pour autrui.
Sa mère, Jeanne, sous emprise, elle-même victime de son mari depuis leur rencontre, semblait avoir abandonné toute tentative de protéger sa fille. Parfois, elle se contentait de suivre les ordres de Pierre, allant même jusqu'à utiliser M. pour apaiser sa colère ou à livrer son enfant pour éviter d’avoir à subir les viols conjugaux. Les séquelles physiques de ces années de violence sont nombreuses : M. souffre de problèmes pulmonaires, articulaires, de douleurs chroniques, de nombreuses fractures, ainsi que de troubles de la vision, de l'audition et de pathologies sévères sur des civils, en état de stress post-trauma complexe de guerre. Vers l'âge de 6 ans, Pierre confia sa fille à Suzanne, (qui faisait partie de son cheptel de femmes sous emprises au même titre que d'autres victimes, ainsi que des mineures françaises et gabonaises), qui l'abusa pendant près de deux ans sous des prétextes mensongers. Ce fut une période de silence imposé par Pierre, qui couvrait ces violences. Dans ce “bunker” psychiatrique, chaque jour était à l'identique d’un véritable champ de bataille d’où explosait : conflits, armes à feu, déviances sexuelles, dégâts humains et abus en tout genre.
À 17 ans, M. prit conscience du danger imminent lorsque son père menaça de franchir une ligne qu'elle ne pouvait tolérer. En 86, elle organisa alors sa fuite durant 3 ans, créant son premier réseau et gardant toujours un couteau sous son oreiller. Le déclic se produisit lorsqu'elle croisa une jeune femme en détresse : Lina, une prostituée qu’elle va aider à prendre la fuite ; ce qui la motiva à planifier sa propre évasion. En 88, elle réussit à s'échapper, à une semaine d'accoucher ; grossesse le corps bandé. Puis en 91, elle créa un second réseau pour aider sa mère à fuir également, la cachant durant 2 ans, le temps de faire prononcer le divorce aux torts exclusifs de son père. Pierre chercha à la retrouver, mais c'est en le faisant intimider par des amis de Clichy que M. l’obligera à cesser d'essayer de les tuer : elle, son fils et sa mère. Extrêmement intimidé, il acceptera les règles de M., mais en retour elle devra s'occuper de lui quasiment jusqu'à la fin de sa vie par devoir de filiation, de secours et d’assistance à ascendant. Malgré des excuses maladroites de Pierre, les blessures laissées par ces années de violences et d’abus restaient profondes et indélébiles. Elle pensait enfin être en paix, mais l'enfer continuait.
À 26 ans, en devenant mère, elle développa une polyarthrite sévère, la rendant handicapée, paralysée et entraînant près de 4 ans d'hospitalisations jusqu'au fauteuil roulant. Pendant cette période, sa mère, Jeanne, profita de sa vulnérabilité pour reprendre le contrôle, devenant la "mère" de ses propres enfants. Elle les empêcha de voir leur mère, manipulant les enfants et leur inculquant la peur, ce qui créa une forme d'aliénation parentale. À son retour, M. se retrouva face à des enfants terrifiés par elle, manipulés par les mensonges de leur grand-mère, qui la repoussaient constamment. Elle était désormais réduite à reprendre ses fonctions d’esclave familial pour l’ensemble, contrainte au silence permanent, afin d’éviter à sa mère de répondre de ses complicités pédocriminelles (telle que Monique Olivier). Jeanne avait initié une telle emprise sur les enfants de M. qu’à la moindre tentative de tout dire ses propres enfants s’insurgeaient contre elle. M. tenta de se reconstruire, ses souffrances l'ont laissée polyhandicapée, nécessitant 27 opérations, de lourdes médications dont une décennie de chimiothérapie adaptée, mais elle se retrouva à nouveau piégée. Elle a vécu dans le dévouement total envers ses proches, isolée, sans aucun soutien familial, ni aidant. Elle devait s'occuper seule de ses enfants tout en prenant en charge ses tortionnaires vieillissants : son père mourant, ses grands-parents maternels et sa propre mère (tous handicapés : traumas guerres et séquelles), 4 domiciles à charge, sans reconnaissance, ni salaire, 24h/7j, sans congés, ni vie privée. Ce qui l'a plongé dans le surmenage, l’effondrement physique, à ne plus pouvoir travailler et dans le surendettement.
Le décès de Pierre marqua un tournant, mais raviva également les souvenirs traumatiques liés à son enfance. Vider la maison de son père et découvrir encore et toujours d’autres crimes, revoir toutes les armes de son enfer sur terre, provoqua en elle des crises post-traumatiques intenses, entraînant des années de burn-out, de souffrance, d’addictions (geek et technologiques, opiacés anesthésiants, …) En tout 15 sorties d'amnésies traumatiques depuis 2005. Le décès de son père donna lieu à une guerre psychologique et financière de la part de son frère aîné, avide de contrôler l'héritage et de s’accaparer tout le patrimoine familial bâti sur de l’esclavage au féminin. Il multiplia les accusations mensongères, les plaintes sans fondement et les manipulations pour s'emparer des biens familiaux. Ce frère savait tout depuis des années et avait sciemment refusé de porter assistance aux nombreuses victimes, jusqu'à faire obstruction aux enquêtes et à la bonne application de la justice, notamment en faisant disparaître des preuves criminelles majeures. Malgré ses nombreuses démarches juridiques, M. ne parvint à obtenir l'aide d'aucun avocat, ces affaires étant jugées trop complexes et peu rentables. Ce n'est qu'après des années de lutte qu'elle parvint à attirer l'attention de deux juges des tutelles, profondément choqués par la situation. Pourtant, bien qu'ils décidèrent de placer sa mère sous curatelle renforcée, ils ne la protégèrent pas des malversations financières de son fils, laissant celui-ci poursuivre ses agissements jusqu'au décès prématuré de leur mère, épuisée par 61 ans de violences intrafamiliales masculines (époux et fils).
Le coup le plus cruel fut la trahison de ses propres enfants. Conditionnés par les mensonges de Jeanne, ils rejetèrent leur mère, refusant de croire à son calvaire. Lorsqu'elle tenta de protéger Jeanne en la plaçant sous curatelle, ses enfants l'accusèrent d'être une ingrate, une crevarde et cherchèrent même à la faire interner. La violence atteignit son paroxysme lorsque ses enfants la frappèrent, la volèrent et l'empêchèrent de revoir sa petite-fille, qu'elle avait pourtant élevée pendant trois ans pour la protéger des violences. Le rejet atteignit des sommets lorsque l'un de ses enfants se fit tatouer sur l’intégralité de sa cuisse le portrait de l'un de ses bourreaux, symbolisant ainsi la rupture totale avec la vérité de M.. Aujourd'hui, à 57 ans, M. est consciente que sa famille ne la reconnaîtra jamais comme victime.
Le délai de prescription a effacé toute possibilité de justice pénale, et plusieurs de ses bourreaux sont morts (4 sur 6). Les agissements de son frère et de sa belle-soeur restent impunis. Certains faits criminels sont encore en cours (notamment les abus financiers) mais le tribunal de Béziers fait la sourde oreille depuis 2012, ayant pour seules réponses des violences secondaires à son encontre : interpellations, auditions malmenantes, classements systématiques de plaintes, dénis de justice (...) Étonnamment, depuis 2020 à ce jour, les dépôts de plainte au pénal disparaissent, s’égarent, ne sont pas enregistrés. L’ensemble semble se nécroser toujours davantage dès lors qu'il s’agit de faire toute la lumière sur la partie du dossier pédocriminel. Sans investigation judiciaire, sans jugement, sans avocat (82 refus), M. est contrainte, depuis 20 ans, à des obligations financières, sans aucun accès à RIEN, à la précarité imposée par voie de notaire ; tout en continuant à subir les abus et les violences économiques et financières de la part de son frère aîné. Soit 57 ans pour M. d’abus et de violences intrafamiliales masculines, subies de la part de son père et de son frère, tous deux jamais inquiétés ; sans aucune interruption et sans aucune assistance judiciaire, malgré 20 ans de signalements auprès des tribunaux.
Pourtant, elle refuse de sombrer. Elle a consacré sa vie à aider et à porter assistance, bénévolement, à d'autres survivants de violences (emprise, viols, incestes, traumas, handicaps,...) ; accompagnant plus de 240 familles de victimes. Lors de situations d'urgence, M., secouriste, a même sauvé la vie de plusieurs d'entre elles. Elle pratique la médiation animale, inspirée par sa profonde connexion avec les chiens de garde qu'elle a dressés dans son enfance. Son fidèle compagnon : Mr D3, un berger belge malinois, que M. a formé et spécialisé : sécurité, cynothérapie, médiation animale post traumas complexes et assistance handicaps, a été un soutien essentiel dans son processus de résurrection ; sauvant même sa vie lors d'une agression. Dotée d'une grande résilience, M. continue de se reconstruire à travers des ateliers thérapeutiques : l'art-thérapie, la pleine conscience et souhaite mettre à l’honneur le soutien des soignants exceptionnels qui l’accompagnent depuis 35 ans. Son parcours témoigne de l'importance de la protection de l'enfance, de la transmission des traumatismes à travers les générations et des prises en charge médicales, voire thérapeutiques (toutes générations confondues). Malgré les épreuves, elle reste debout et engagée, déterminée à transformer son histoire en force pour les autres. Elle a créé trois réseaux d'entraide pour soutenir les oubliés de la société, comme les victimes de violences, les anciens combattants, les soignants, les polyhandicapés et en unités protégées Alzheimer et cérébrolésés (EHPAD). Diagnostiquée tardivement, à 55 ans, neuro atypique (HPI, HPE, Hyperempathique par survie), M. adapte désormais sa vie aux douances qui font aujourd'hui ses forces. Bien que ces dernières aient été jadis considérées, par les siens, tels des handicaps inexpliqués qu’il fallait faire taire, tordre, détruire, redresser, réduire au silence par tous les moyens inhumains. =======
“J'ai toujours agit en mon âme et conscience. Depuis 40 ans, je porte assistance à ceux que la société oublie. J'ai fondé trois réseaux d'assistance bénévole, toujours dans l'ombre, loin des projecteurs, pour préserver l'anonymat, l'efficacité des actions, mais aussi pour la propre sécurité des représailles. Avec mon binôme canin, Mr D3 du Domaine des Éclaireurs, nous avons sauvé des vies, apaisé des âmes, redonné espoir là où il n'y en avait plus.” ======
Son histoire témoigne des ravages des violences intra-familiales transgénérationnelles et de la difficulté à briser le cercle infernal de la maltraitance. M. le répète : tant que l'enfant n'est pas protégé, il souffre, et il risque de reproduire le seul schéma qu'il connaît : celui de la violence. Forte de sa résilience, elle continue de se reconstruire chaque jour et porte un message d'espoir et de persévérance en faisant sa part de Colibri. ======
[ Déposé en 2021, son témoignage a été enregistré à la CIIVISE en 2023, parmi les 27.000 autres récits innommables ] #JeTeCrois #PlusJamaisÇa Remerciements : texte original rédigé et publié par l’association engagée : Silence Allows Violences - Mars 2025 // Complété par E. L. pour le présent témoignage sur la plateforme F.A.I. D’autres témoignages sont disponibles sur les réseaux sociaux notamment sur France 2 - ça commence aujourd’hui (émission du 20/112019 - 30 ans de l’adoption de la convention internationale des droits de l’enfant - thème : inceste maternel, maltraitance : elles lèvent le tabou)