La vie plus forte
que l'inceste
En commençant à écrire ce témoignage je retourne 10 ans en arrière en regardant le chemin qui a été parcouru durant toutes ces années. A l'âge du début de l'adolescence j'ai vécu la chose qui a bousculé ma vie. A l'âge de 11 ans mon frère aîné de trois ans de plus que moi m'a violée durant plusieurs mois au sein même de la maison familiale. J'étais devenue au fil des jours et des semaines son objet, sa marionnette, je devenais vide jour après jour.
Les quatre années qui ont suivi, tous ces souvenirs se sont cachés dans une partie de ma mémoire, ce qu'on appellerait "la mémoire traumatique". A partir du début des viols ma vie est devenu un enfer. On ne se souvient pas mais on sais que l'on va mal, on se sens vide, sale, sans savoir les raisons et c'est peut être la chose la plus difficile à gérer et à comprendre. J'ai vécu mes années du collège dans une dépression, refusant toute autorité des adultes, en alternant prise de poids et perte de poids sans plus aucun respect de mon corps qui de toute façon avait était meurtri et détruit. La mort était devenu une envie qui revenait, pensant que la seul solution était de partir pour pouvoir échapper à une vie sans sens. Quelle erreur d'avoir pu penser cela.
A la suite de la mémoire traumatique viennent les souvenirs et la c'est le début de tout mais surtout le début de la reconstruction. Évidemment on ne décide jamais quand les souvenirs reviennent, pour ma part ils sont revenue lors d'une soirée trop alcoolisée. Une de ces soirées ou j’essayais par tout les moyens de ne pas penser. Les souvenirs sont revenus d'un seul coup et évidemment dans l’esprit ça fait effet d'un tsunami comme si sa vie s'écroulait. Et d'un jour à l'autre les sentiments de honte sont en permanence présents avec des questions telles que "Mais pourquoi j'ai pas dit non ?", "J'ai pas le droit de me plaindre, c'est mon frère", toutes ces questions résonnent et sont permanentes. Évidemment le sentiment de honte, la peur de bouleverser et détruire sa famille, la peur des représailles. Toutes ces questions ont hanté ma vie durant plusieurs années.
En plus de ces questions suivent les répercussions qui sont présentes chaque jours, la peur de dormir, la peur de la nuit, la peur des autres, de la sexualité, la confiance en soi perdue, le dégoût de soi-même. Viennent aussi plus tard la colère de l'autre et l'envie de se venger, pour ma part. Car il faut savoir que pendant les agressions subies, le corps se déconnecte entièrement de toute émotion pour se protéger de l’agression, de ce fait des années plus tard il reste très difficile de gérer ces émotions dans la vie se partageant entre une grande sensibilité et une colère prête à sortir.
Comme je l'ai dit précédemment ma reconstruction a commencé par le début des souvenirs. Ce qui est très difficile pour la reconstruction c'est de voir le tabou du sujet dans notre société, ce qui rend encore plus difficile l'évocation du sujet. Pour ma part j'ai choisis de vivre, j'ai choisis de me battre pour me reconstruire après la vie qu'on m'a détruite quelques années en arrière. Le chemin a été très long, entre moments où je ne trouvais plus de sens à ma vie et moments de désespoirs. Il m'a fallut affronter les révélations familiales, les tabous et une remise en question permanente de moi même. J'ai eu la chance d'être entourée par les bonnes personnes dans ma vie et en particulier une personne qui m'a toujours poussée vers la vie en essayant au maximum de me sortir de mes démons du passé. Je pense que la clé de la guérison est d'être très bien entouré et surtout d’accepter l'aide qu'on vous apporte, que ce soit par le biais d'une thérapie ou par une personne proche à son cœur.
Après ces années difficile de reconstruction je peut le dire maintenant : je suis heureuse, j'aime la vie et je veut en profiter chaque instant. Cette épreuve m'aura rendue encore plus forte et encore plus reconnaissante du bonheur que je peut avoir. Il me parait important de dire que l'on oublie jamais, qu'il restera des moments encore très difficile dans notre vie, qu'une partie de nous est partie et que c'est un combat de chaque jour mais il est essentiel dans ces moments d'oser parler et réussir a demander de l'aide pour ne pas retomber.
Mais la vie est importante et elle est précieuse, je pense que la plus belle revanche que l'on peut prendre est d'être heureux dans notre vie et d'être épanouie.
J’espère que mon témoignage pourra aider certains d'entre vous et n'oubliez jamais que l'on peut y arriver.