Je souhaite témoigner du fait que j'ai été abusée par ma mère lorsque j'étais bébé et enfant, lors de la toilette.
Elle me faisait passer en même temps qu'elle à la salle de bain lorsque j'avais autour de 5 ans et elle se masturbait sous la douche. Je ne comprenais pas ce qui se passait et c'est seulement lorsque les images sont revenues en thérapie que j'ai réalisé que sa manière de se laver n'était pas normale. Elle a aussi stimulé de manière inappropriée mes parties génitales en faisant ma toilette lorsque j'étais plus petite encore.
De ceci je ne peux pas avoir de souvenir visuel précis, mais je porte les stigmates dans mon corps, dans mes émotions, dans le fonctionnement de mon cerveau, dans ma capacité à être en relation. C'est après des années de thérapie, de relations amoureuses destructrices et instables, et suite au choc du décès de mon père il y a deux ans, que j'ai eu accès à cette origine première de ma difficulté à vivre, de mon incapacité à sortir de la peur, des cauchemars récurrents, de la honte, de la culpabilité, de la colère que ce vécu avait inscrit en moi à mon insu.
Mon processus de guérison suit son cours. Je me libère petit à petit de ce passé là. Comme tant d'autres, j'ai été confrontée au refus d'entendre dans ma famille. Ne pouvant plus voir ma mère dans tous les sens du terme, je me suis trouvée isolée et exclue de ce qu'il restait du cercle familial. J'ai eu autour de moi de belles personnes, aussi, pour m'aider à guérir. Je souhaite apporter ce témoignage, à 58 ans, pour des faits dont je n'ai connaissance que depuis 2 ans, car je pense que la maltraitance des mères sur leurs filles, leurs pratiques incestueuses ou incestuelles, ambivalentes, possessives et rejetantes à la fois, sont particulièrement destructrices et aliénantes. Cela reste un sujet particulièrement tabou, encore invisible aujourd'hui où la parole se libère sur l'inceste.
La domination masculine passe aussi par la maltraitance et les abus des mères sur leurs filles. Cela doit être dit, vu, entendu, reconnu, et prévenu. Ces abus-là s'inscrivent dans des lignées, je suis remontée jusqu'à mon arrière-arrière-grand-père, celui que j'appelle l'ogre. Dont certains mots cruels ont été transmis à travers les générations, travestis en mots de compassion. Pour guérir, on a besoin de se reconnaitre dans le témoignage des autres. Pour pouvoir penser qu'on n'est pas folle, que c'est bien arrivé, qu'on a le droit de le dire, et d'être cru. Que la vérité soit dite et reconnue.
Je souhaite courage, persévérance, sincérité et lumière, aux personnes qui me liront et qui ont traversé ces épreuves-là. On n'en revient pas indemne, et certaines personnes n'en reviennent pas. Merci d'avoir qualifié de 'survivant' le statut des personnes qui témoignent ici. Merci pour ce que vous faites.