Maman, pourquoi
je dois faire ça ?
Je décide d'écrire ceci, car l'idée même qu'une mère abuse de son fils est socialement inacceptable.
En regardant il y a un certain temps un documentaire sur youtube, où trois femmes, représentant la justice et les soins, évoquaient avec une grande gêne : « il peut arriver, dans certains cas de grave perturbation mentale, qu'une mère abuse de son enfant ». Par contre, il n'y aura en général aucune gêne à dire qu'un père a abusé de son enfant.
Pourquoi ? Pourquoi ce mensonge ? Mon histoire de vie commence à 11 ans. Presque aucun souvenir avant. Jusqu'au jour où...
Je croyais avoir eu une enfance heureuse, sans tenir compte de la détresse majeure que j'ai ressentie toute mon enfance. Quelques vagues souvenirs, des bribes. Rien de bien original, des tentatives de suicide dès l'âge de 8 ans, puis à nouveau à 13 ans, 15 ans, 17 ans. 17 ans ! Départ de la maison. 10 francs en poche, une grosse pièce jaune. Aucun plan en tête. Juste une certitude : il me faut partir, sauver ma peau. Pas de mon père, mais d'elle.
Une vie quelques temps en SDF, ou plutôt en jeune qui « fait la route ». Une belle aventure ma foi. Apprendre à faire la manche, à trouver un endroit pour dormir, plein d'amis, une véritable amitié qui naît du besoin, de cette mise en marge que la société impose à ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas travailler.
Un retour à la « normalité », quand j'ai pris conscience que sans argent, j'allais galérer sans cesse. Des études supérieures après plusieurs années de petits boulots. Une vie « normale », même marié un temps, et un enfant. Jusqu'au jour où...
Lors d'un câlin avec mon amie de l'époque, où je me laissais faire, une sensation, une émotion d'une puissance immense, et un cri terrible dans ma tête : « Maman ! ». Suivent des images dans la douche, le gant de toilette que maman tient, et qui frotte et frotte entre les jambes. Et ce même plaisir, et ce pic de sensation. Trop impensable d'imaginer que ce soit voulu de sa part. Et quelque temps plus tard, dans un moment de détente, où je me laissais rêver, à nouveau, un cri de désespoir dans ma tête : « Maman, pourquoi je dois faire ça ? ». Mais là, c'était un cri d'une telle détresse, je savais que c'était vrai. Aucun doute n'est possible. Mais que c'était-il passé ? Aucun souvenir, aucune image, rien. Juste ce cri de total désespoir. Et peu à peu, des sensations, des paroles. Toujours pas d'images. « Mets ta mimine dans ma grotte ». L'impression que ma main gauche est enfouie quelque part, et l'esprit engourdi. Et des va et vient forcés de ma main. Elle : « N'en parle pas, c'est notre secret à tous les deux ».
Une ou deux images. Le corps de maman. Jeune. Beau. Moi : « Maman, quand je serai grand, je t'épouserai ». Papa qui arrive, qui hurle. « Mais qu'est-ce que tu fais !?!? ». Bien sûr, c'était à ma mère qu'il parlait, mais je croyais que c'était à moi.
8 ans : « Maintenant, tu es trop grand ». Et plus rien après. Plus que des claques, des fessées...
Et tout un travail thérapeutique, pour guérir. Depuis des années maintenant. Les pièces du puzzle se mettent en place. Ma vision des femmes. Je commençais à comprendre pourquoi, quand je faisais l'amour, il y avait le visage de ma mère à la place de celui de ma compagne, et le corps de ma mère. Pourquoi une telle colère contre ma mère. Heureusement, ou malheureusement, tout ceci est arrivé après son décès, et celui de mon père.
Tout cela s'inscrit dans un ensemble d'abus, et une vie qui aurait pu être un enfer, sans le soutien d'amis tout au long de ma vie. Merci merci merci à tous ces amis, et surtout à l’un d’entre eux, qui m'a toujours soutenu et encouragé.
Depuis que j'ai retrouvé ces souvenirs (il en manque encore beaucoup), ma vie a changé. Beaucoup de peurs et de culpabilités, que je ne comprenais pas, sont parties. Je comprends ce que j'ai vécu. Je me réapproprie ma vie. Cette femme qui a été ma mère, je ne lui dois rien. Elle a des circonstances atténuantes. Son père l’a probablement violée, comme il l’a fait sur moi à 4 ans. Et la torture qu'elle a subi pendant la guerre. Sans aucune aide ensuite. Je n’ai plus de colère contre elle, car cette colère me détruirait. Mais je n’ai plus rien à voir avec cette personne. Le secret, c’est ce qui fait que les abus se perpétuent. Le silence. La honte, la culpabilité.
Ceci est mon témoignage, que j’écris également pour me libérer, pour que l’on sache.
Merci à toi qui a lu ce témoignage.