A près de 42 ans, je commence tout juste à m'autoriser à vivre sereinement. Pendant très longtemps j'ai eu peur. Peur, sans confiance en moi, complexée, me sentant coupable de tout et de rien...Tout a commencé à 5 ans, un jour d'été. Je joue avec ma soeur dans le jardin de mon grand-oncle et ma grand-tante paternels. Lui est très malade, perd la tête. Elle, se sent submergée par la situation. Régulièrement, notre grand-mère sa soeur vient l'aider à s'occuper de son mari. Mes parents, ma soeur et moi venons la distraire le dimanche. Sauf que cet après-midi là, elle va perdre la tête.
Elle dit vouloir jouer à cache-cache avec nous. Nous dit qu'elle est le loup et de nous cacher. Elle ne va pas chercher ma soeur mais moi uniquement et m'entraîner dans la cave où elle abuse de moi sans que je comprenne ce qui se passe. Je me souviens de ma terreur et qu'après le monde est devenu sans aucun sens. Elle a recommencé de nombreuses fois. Elle se servait toujours du jeu pour m'approcher et me toucher le sexe. Elle avait un sourire sadique en me masturbant. Elle-même s'appelait le cobra qui mange les petites filles...Cet enfer s'est terminé un dimanche après-midi où elle m'a masturbée quasiment devant mes parents. Ma mère a réagi violemment. J'étais terrifiée. Cela faisait 2 ans que je subissais cela. Personne n'avait rien dit, rien vu.
Après cela, pas de jugement ni de condamnation. Mais j'ai développé après des masturbations compulsives dès que j'étais angoissée, terrorisée.
Et c'était souvent car notre père était assez violent verbalement et nous terrorisait psychiquement ainsi que notre mère qu'il frappait. A 12 ans, maman est tombée très malade. J'ai dû m'occuper d'elle comme d'une petite fille. Je prenais les coups à sa place, les vexations aussi.
La grand-tante est morte, j'avais 13 ans. Je pensais que tout ça n'avait été qu'un cauchemar. Je me suis forcée à oublier qu'une femme de 75 ans avait abusé sexuellement la petite fille de 5 ans à 7 ans que j'avais été. J'ai mis tout ça de côté jusqu'à une nuit où mon père m'a violée. J'avais 17 ans. Je souffrais à l'époque d'une épilepsie sévère et ne pouvait me mouvoir que très difficilement tellement les crises me tétanisaient les muscles. J'avais dû abandonner mes études momentanément en attendant un traitement médicamenteux adapté. Il a abusé de moi sans que je puisse me défendre. De nuit. L'impression d'un étranger comme s'il s'était brutalement dédoublé. Exactement comme lorsqu'il avait des crises de violences. D'un coup avec cette agression, tout est revenu du passé traumatique de mes 5 ans. J'étais terrorisée. J'avais l'impression d'attirer ces malheurs. J'ai eu le réflexe de parler du viol à un psy en hospitalisation mais à l'époque, les droits de l'enfant n'existaient pas et divulguer un inceste en milieu aisé, dénoncer un notable, c'était très grave. Alors il y a eu un consensus pour que ma soeur aînée s'occupe de moi jusqu'à ma majorité sans voir mes parents.
Deux ans après, ma soeur et moi sommes revenues chez nos parents pour Noël. Le soir, pétage de plombs paternel, il prend un couteau et nous poursuit avec dans la rue. Il y a de la neige, il fait froid. Nous nous réfugions dans une grange. C'est surréaliste de passer la nuit de Noël en ayant peur d'être tuées. Après cet épisode, les rencontres familiales ont été très rares.
J'ai choisi par la suite de faire des études loin d'eux. Je travaillais un peu, ma mère m'aidait un peu financièrement, mon parrain aussi. J'ai conquis mon autonomie et rompu le contact avec mon père en fin d'études. Entre temps ma soeur m'a fait comprendre qu'elle avait subi la même chose au même âge. Mais elle n'a jamais pu en parler à une personne que moi. Elle adorait notre père et dénoncer ce viol pour elle, ça serait comme le trahir.
Maman a fini par partir et se séparer de corps d'avec notre père après qu'il ait tenté de la tuer.
Elle a pris un appartement à 100kms.
Il est mort en 2005 dans des conditions étranges, sans doute empoisonné par des gens qui en voulaient à son argent. Il avait adhéré à un mouvement intégriste catholique et légué via une fondation liée à ce mouvement, une grande partie de ses biens et de ceux de notre famille. Ce groupe intégriste a tenté de nous spolier de notre héritage, spolier maman de la pension de réversion. 5 ans de combat juridique, de luttes. L'impression d'une double-peine et que cet inceste, ces maltraitances auront duré encore post-morterm.
Je n'ai pas trouvé le courage de faire graver son nom sur la pierre tombale, là où il est enterré. Je ne suis pas allée à son enterrement. C'était au-dessus de mes forces.
Peu de temps après le viol, il m'avait dit m'avoir marquée au fer rouge. Que j'étais sa chose.
Je n'ai cessé de me battre pour conquérir le bonheur auquel j'aspire.
J'ai compris au fil du temps que mon père avait été abusé par sa mère et sa tante. Femmes qui sans doute avaient subi cela aussi lorsqu'elles étaient enfants. Et avaient reproduit cela sur leurs fils .
Ma soeur n'a jamais pu avoir une vie amoureuse ni une vie sociale à cause du viol paternel.
Elle est toujours célibataire et depuis deux ans, elle a pris en charge notre mère très malade et dépendante.
De mon côté, j'ai réussi à me stabiliser avec un homme depuis 15 ans, même si ce fut assez difficile. Et actuellement, même si c'est tardif, j'attends un enfant. C'est une sorte de victoire sur l'anéantissement vécu. Même si de par ce vécu lourd, je ne suis pas très rassurée par cette naissance. J'ai refait une thérapie pendant 2 ans pour soigner une tokophobie primaire apparue durant une première grossesse quand j'avais 32 ans. Et qui s'était soldé par un avortement tant ce début de grossesse me donnait des pulsions suicidaires.
Aujourd'hui, tout se passe bien. Le travail thérapeutique semble avoir porté ses fruits. Je vais me faire aider et assister au plan psy pour l'accouchement et la fin de la grossesse parce que j'ai conscience que le personnel médical ne comprendra pas certaines de mes réticences et peurs encore ancrées du fait de ce double inceste. J'espère que je saurai être une maman à la hauteur et que j'aurai vraiment vaincu l'inceste familial. J'ai envie d'être heureuse et de transmettre du bonheur et de la joie à mon enfant.