Par Roselyne Rabin pour Dialogues, revue Face à l'inceste
Mari comblé d'une cadre dynamique, papa proche de trois enfants heureux à l'école, en amitié et en amourettes, Joël, 45 ans, retient son émotion en témoignant pour Dialogues. Il vient récemment de sortir d'une procédure judiciaire à l'encontre de son beau-père, homme bien sous tous rapports, père et grand-père aimant ... qui a agressé sexuellement une de ses filles.
Dialogues : Comment est venue la révélation ?
Joël : Le premier signal, a eut lieu lorsque j'étais en vacances avec ma femme et mes enfants. Ma fille prenait son bain et comme la pièce était serrée, moi je sortais de la douche, je me suis caché pudiquement,et elle m'a dit : “Pourquoi tu caches ton zizi ? J'ai déjà vu celui de papi.” Ma fille avait 6 ans. Suite à cette révélation, j'ai appelé mon beau-père et ma belle-mère et il m'a relaté une sortie du lit où elle l'avait vu nu. J'avais considéré l'affaire comme résolue. Je n'étais pas allé plus loin sur le coup. De 2001-2003, j'ai été muté sur l'île de la Réunion, et j'ai dû rester seul avec mes enfants pendant plus d'un an. Un soir, ma fille revient de l'école en pleurant et elle me dit : “Tu sais, c'est pas bien ce qu'il m'a fait papi”. C'était en 2003, trois mois avant le retour. On a supposé que c'était la peur du retour. Et là, elle m'a révélé des délits sexuels. J'étais plus proche de mes enfants car ma femme est cadre. Au retour, j'ai révélé l'histoire de ma fille et ma femme a révélé qu'elle avait été victime du même homme. Elle croyait être la seule. Ca été difficile au départ.
Dialogues : Ca s'est passé comment après ?
Joël : Nous sommes allés voir la gendarmerie pour le dépôt de plainte. En 2003, quelques semaines après, ma fille a été convoquée pour être entendue avec la procédure Mélanie. Suite à cet enregistrement, elle a été convoquée par un psychiatre expert de justice et le contact s'est très bien passé, elle a révélé d'autres éléments. A la lecture de ces nouveaux éléments, la gendarmerie a souhaité les réenregistrer. Ensuite nous n'avons plus eu de nouvelles pendant près de 2 ans. Après ces 2 ans, nous avons eu un appel de la gendarmerie d'Amiens, nous signifiant la garde à vue du grand-père et nous demandant des détails sur l'endroit de la révélation : il voulaient le nom de l'institutrice, des voisins, etc... pour aller les interroger. On a appris qu'une ex-voisine avait été victime également de cet homme et qu'une procédure au civil était en cours car il y avait prescription. C'est nous qui avons fait ce genre de recoupement... De nouveau pendant 18 mois, on a eu aucune nouvelle. C'était en 2007, mon épouse et mon fils sont convoqués par la gendarmerie pour être entendus une première fois. Et on apprend que le gendarme en charge du dossier est allé interroger la voisine qui a porté plainte au civil. Le prévenu a été remis en garde à vue et nous avons donc été convoqués pour un procès qui a eu lieu le 19 janvier 2008.
Dialogues : Comment ça s'est passé avec la famille ?
Joël : On a subi des menaces de toutes parts aussi bien à destination de ma fille que de nous par des appels nous demandant de retirer la plainte. Les frères et soeurs de mon épouse ont presque complètement coupé les ponts avec nous seulement. Ma propre famille a explosé à cause de ça. Ils accusaient ma femme de ne pas avoir protégé sa fille. Le contact commence seulement à se renouer. On était seuls pour le procès. Ils nous ont menacé de non-assistance à personne en danger. Maintenant on revoit mes parents mais peu mes frères et soeurs.
Dialogues : Et les enfants ?
Joël : Ma fille victime a été suivie par une psychiatre dès le début. Malgré quelque fois où elle était mal, elle a bien passé les épreuves. On me disait : “ta fille n'a rien”. Elle refusait la confrontation directe sauf au procès où elle a tenu tête à son agresseur de façon courageuse et forte. La psy ne voulait pas qu'elle y aille mais on a suivi son avis à elle et ça lui a fait du bien. On a passé sous silence beaucoup de choses, surtout pour ma petite. Le grand savait tout même si on évitait le sujet au maximum. Aîné et se sentant responsable, il a tenté de se suicider.