MERCI MAMAN POUR MA BELLE ENFANCE
Quelques souvenirs de mes jeunes années
Mon prénom est Véronique, mais je préfère Véro. Je suis née, non désirée, des amours furtives d’une jeune XXXX et d’un jeune YYYY et, à peine conçue, j’étais responsable de leur mariage.
Je dédie ce texte à ceux qui me sont proches et qui m’ont donné de l’affection. Vous savez tous que je parle rarement de moi et de ma vie. Certaines de mes attitudes ou de mes réactions vous ont parfois surpris . Vous croyez me connaître mais vous ne me connaissez pas vraiment.
J’espère qu’après m’avoir lue vous me comprendrez mieux, vous continuerez de m’aimer et vous aurez quelque indulgence.
Mon petit frère est né peu après moi. Mon père préférait aller au café plutôt qu’au travail et ne pouvait résister à un jupon qui passe. Le mariage s’est rapidement détérioré. J’ai très peu de souvenirs de cette époque, sinon des cris et des pleurs.
Après le divorce, maman a gardé mon frère près d’elle. J’ai été confiée à mes grands-parents maternels. J’ai alors vécu les moments les plus heureux de ma vie.
Grand-père était grand, imposant, toujours actif, parfois sévère mais il savait être affectueux avec moi. Grand-mère était toute douceur et avait l'intelligence du cœur. Elle tenait à moi comme à tout l'or du monde. Elle m’a d’emblée adoptée et dans ses bras j’ai trouvé tout l’amour que je pouvais souhaiter. Je n’oublie pas mon oncle Pierre, presque un adulte alors, qui me faisait jouer avec toute l’attention d’un grand frère. Les promenades sur son scooter restent un merveilleux souvenir.
Je voyais maman et mon frère de temps à autre mais ils ne me manquaient pas. J’étais comblée dans cette maison.
Tout a une fin. Grand-mère est tombée malade : un cancer incurable. Ses forces l’ont abandonnée peu à peu. Grand-père était davantage à la maison et s’occupait de moi. Le mal a progressé très vite. Elle a souffert de plus en plus. Ses cris de douleurs me réveillaient la nuit. C’est alors que j’ai su qu’un jour, je serai infirmière. J'avais à peine sept ans.
Après la mort de grand-mère, ma mère m’a reprise près d’elle. Nous vivions dans un taudis de trois pièces : une pièce en rez-de-chaussée et deux pièces au second. Maman et mon frère étaient très proches et ce dernier n'était pas heureux de mon arrivée. J’ai eu du mal à trouver ma place. Maman travaillait énormément et avait du mal à assurer le quotidien. Elle avait peur de ne pouvoir nous élever décemment. Elle a vécu alors des années difficiles. L’affection et la sécurité que m'avaient données mes grands-parents étaient bien loin.
Je voyais peu mon père et je le voyais sans plaisir. Il avait essayé de m'enlever pour que je vive avec lui et j'en gardais une vraie méfiance. Le jour de Noël se passait traditionnellement chez lui, et le soir venu, il fallait abandonner les jouets trouvés dans la cheminée. Il s’opposait absolument que nous les prenions chez maman. La joie du matin se diluait dans les larmes.
Un homme est apparu à la maison. Il venait de plus en plus fréquemment, s’appelait Albert ZZZZ et peu à peu prenait le rôle du nouveau "mari" de maman. Nous l'avons accepté doucement mon frère et moi, sans drame.
La situation s’était peu à peu améliorée. Nous vivions dans une maison plus confortable que le taudis d’avant. Notre famille ressemblait enfin à beaucoup d’autres. Ma mère était toujours un peu plus tendre avec mon frère qu’avec moi. J’éprouvais un début d’affection envers Albert ZZZZ et j’ai ainsi pu trouver un certain équilibre. L’attitude de Albert ZZZZ envers moi était, à ce moment là, sinon celle d’un père du moins celle d’un adulte respectueux et chaleureux. Son attitude était correcte : ainsi il m’aidait à prendre ma douche en me savonnant le dos sans aucun geste déplacé.
Un jour, vers mes douze ans, après le départ de maman au travail, il s’est glissé dans mon lit. Il m’a serré dans ses bras disant qu’il voulait me réchauffer. Je lui ai dit de quitter ma chambre. Il est parti. Il a recommencé plusieurs fois. J’ai eu la même réaction et il est sorti.
Alors la stratégie a change. Il m’a dit que je devenais une grande fille et qu’il y avait des choses que je devais savoir. La façon dont il s’exprimait, m’amenait à croire que c’était pour lui un devoir d’éducation. Je savais bien comment on faisait les enfants mais à cet âge tout cela reste très abstrait : l’esprit n’est pas assez mûr pour accepter concrètement cette réalité.
Pour parfaire mon "éducation", il m’a alors montré des photos pornographiques, des photos très explicites montrant des couples faisant l’amour dans toutes les positions. C’était difficile pour moi de regarder de telles images. J’ai eu un mouvement de recul.
Il a été alors très éloquent. Il m’a expliqué que tout cela était banal, naturel, tout à fait normal et en plus très agréable. Il est revenu plusieurs fois à la charge. Il répétait que les rapports sexuels étaient souhaitables et enrichissants.
Un nouveau degré a vite été franchi et sa perversion a atteint un sommet. Il m’a expliqué longuement qu’il était dans son rôle d’avoir un premier rapport sexuel avec moi, que tous les pères faisaient ainsi, que cela faisait partie de l’éducation aux choses de la vie, que je deviendrai grande, que je quitterai le monde des enfants à qui on cache tant de choses. Par ses paroles et son ton bienveillant, il ne voulait que mon bien. C’était l’aboutissement du rôle de père adoptif qu’il jouait. Il était comme le serpent qui fascine sa proie. J’étais trop jeune et trop fragile pour me sortir seule de ses pièges.
Je sentais confusément en moi que ce n’était pas bien et que je devais refuser. Je garde au fond de moi cette honte indélébile de ne pas avoir crié "non" et cela me hantera toujours.
Je n’ai pu résister face à ce pervers décidé à employer tous les moyens, les ruses, les persuasions pour arriver à ses fins. Il jouait du chaud et du froid, alternant tendresse et sévérité. Petite fille, je n’avais du bien et du mal que l’idée que m’en donnaient les adultes. Quant au sexe, Albert ZZZZ était le seul adulte à m’en parler. Je devais le croire. C'était la vérité, mais c’était sa vérité de pervers.
A cela s’ajoute la curiosité de tout enfant. Même s’il sent confusément qu’il ne devrait pas, il a envie d’ouvrir la porte et de connaître les secrets qu’il y a derrière. Surtout si on lui répète que cette porte ouvre sur le monde des adultes. J’ai souvent pensé depuis qu’il y avait quelque chose de mauvais, inné, en moi qui m’avait poussé jusque là.
Ainsi, un matin, sans douceur, avec un rictus de fierté, il m’a déflorée. Je n’avais qu’un sexe d’enfant (je n’ai pas eu mes règles avant 17 ans) et la douleur a été terrible. Des larmes me viennent, encore aujourd’hui, quand j’y pense.
La suite a été pire.
Ce qui était fait, était fait et le discours de Albert ZZZZ a changé. Il ne fallait en parler à personne, c’était notre secret, il fallait promettre. Il m' a fait jurer. Si je parlais maman serait très malheureuse, peut-être il partirait et la laisserait seule.
Mais quand on a cédé une fois pourquoi pas deux, dix ou cent fois. Une fois, deux fois par semaine il venait réclamer son dû. Si je refusais, il devenait d’une humeur massacrante, criait après tout le monde, était odieux avec maman. Son attitude me faisait peur et je me sentais coupable du désordre du foyer.. Je faisais indirectement du mal à ma mère en refusant de la tromper avec son homme. Ce n'est pas facile à vivre.. !
Mais quand je cédais, il était gentil avec tout le monde, affectueux avec moi. Il me donnait des permissions de sortie, m’achetait les vêtements qui me faisaient envie.
Ainsi j’étais prise dans un étau. Mon refus pénalisait tout le monde et faisait du mal à maman. Mon accord m’amenait un traitement de faveur. Ainsi je ressens au fond de moi, qu’outre ses abus, il m’a amenée à me considérer comme une " pute ". Il a détruit l’estime que j’avais de moi.
Il a continué des dizaines et des dizaines de fois. Il m'imposait des rapports sexuels que je subissais sans désir ni plaisir. Je me laissais faire, dégoûtée, me méprisant chaque fois un peu plus. Mon corps de fille impubère éveillait ses instincts de pédophile. Il s'est servi de mon corps, il s'en est servi comme on se sert d'une poupée, d'un objet. J'avais le sentiment de n'être qu'un "trou", une esclave, un corps sans tête.
Tout en moi se révoltait, je ne savais comment vivre avec ce poids. Un cauchemar est apparu, il m’a hanté depuis au cours d’innombrables nuits. Je rêve alors que je veux m’enfuir de ma chambre mais la poignée de la porte s’éloigne à mesure que je tends la main et la porte reste désespérément fermée. Je me réveille alors, trempée de sueur et l’angoisse à la gorge.
J’ai pensé à tuer Albert ZZZZ, j’ai pensé à me tuer. Ces idées de meurtre ou de suicide m’ont longtemps occupé l’esprit, heureusement ma force de vie m’a permis de les dépasser.
Mais une prison s’était fermée autour de moi. La prison du silence. J’ai pensé qu’il fallait parler mais m’aurait-on crue d’autant que Albert ZZZZ jouait à merveille le rôle de l’homme de devoir qui a eu la grandeur d'âme de s’occuper de " la veuve et des orphelins ". J’aurais à coup sûr détruit la vie de maman qui avait enfin pu retrouver un bonheur après son divorce et ses années de galère. Maman et grand-père étaient les seules personnes qui m’étaient chères. Et cela faisait partie du chantage : " Je quitterai ta mère, que deviendrez-vous ".
Que je sois victime c’est indéniable ! Mais dans mon cœur je suis une victime coupable. Le pire dans l’inceste c’est que l’enfant pense que ce qui est arrivé est en grande partie de sa faute.
Il a cherché de l’affection, de la tendresse auprès de son ascendant, ce que tout enfant souhaite. Il a donc dû commettre à un moment une faute pour que cette affection qu’il souhaitait bascule dans une relation qui le détruit.
Les petites filles mettent les robes et les souliers de leurs mères. Elles rêvent de grandir, d’être considérées comme des vraies femmes. Quand un adulte a un rapport sexuel avec elles, il y a un bref sentiment de fierté qui rapidement laisse la blessure d’avoir péché par orgueil.
La petite fille se sent très coupable vis à vis de sa mère. Peut-elle la regarder en face alors qu’elle a couché avec son compagnon. Comment peuvent cohabiter la tendresse filiale et la trahison ? De sorte que les liens mère-fille se distendent et toutes deux en souffrent. C'est encore plus terrible quand la mère sait et se tait. Dieu merci, j’en suis maintenant sûre, maman n’a jamais rien deviné avant que je ne l’informe.
Je sais que les enfants victimes se sentent coupables du plaisir ressenti. Dans mon cas je n’ai jamais ressenti aucun plaisir et la blessure est si profonde que cela me poursuit depuis.
Albert ZZZZ a gravé dans mon cœur, le sentiment d’avoir été souillée, la honte, et une culpabilité qui ne me quitte pas.
Alors je ai fermé ma prison définitivement. Je ne pouvais parler à personne de ce que je vivais. Pourquoi exprimer le moindre sentiment sur ce que je ressentais? Les autres, ne sachant pas ce que je vivais, ne pourraient pas me comprendre. Cette prison est solide : mes proches vous le diront, je ne parle jamais de moi, je ne livre jamais ce que je ressens ou ce qui me touche. Et si parfois une phrase m’échappe, c’est sur un ton neutre comme si je parlais d’une autre ou du temps qu'il fait.
A force d’être enfermée dans le secret, je suis devenue incapable de parler de moi. Je suis arrivée à me convaincre que cela n’intéresse personne, c’est plus facile.
Quand le mutisme est impossible, alors la seule solution est le mensonge. Quand on ne peut dire ce que l’on ressent, et qu’il faut parler alors on ment et le mensonge s’installe pour longtemps. On se crée une personnalité rigide, on s’endurcit, on ne veut plus ressentir ce qui fait mal. J'ai bâti une carapace qui me protège.
J’ai enfin pu quitter cette maison maudite pour continuer mes études. Pendant un temps, j’ai multiplié les aventures. J’ai compris maintenant que c’était une façon inconsciente de banaliser ce qui s’était passé des années plus tôt. Beaucoup de victimes d’inceste agissent ainsi. Les autres ne peuvent plus se laisser approcher par un homme.
Mon père biologique m’a laissé une image très négative et mon père de substitution… ! Le seul homme, près de moi, digne de respect, a été mon grand-père : je lui toujours voué une totale dévotion.
J’ai cherché chez les hommes un père de substitution qui me protège et panse mes blessures. Mais dans un climat de silence, de mensonge, de plaisir simulé, je n’ai jamais pu établir de relation heureuse.
L’attitude perverse de Albert ZZZZ a inscrit dans ma tête que l’on ne peut séparer affection et sexe. La première chose qui me vient à l’esprit quand un homme s’intéresse à moi, c’est que seules mes fesses l’attirent. Je ne peux croire que l'on m'aime pour moi.
J’ai mis une grande énergie à enfouir tout ce vécu au plus profond de moi, à accepter, à me résigner.
Mais les blessures de l’enfance ne guérissent jamais. Comme un boomerang, on peut les lancer loin pour s’en protéger, elles vous frappent à nouveau.
Quand ma fille Claire a atteint l’age auquel j’avais été abusée, tout est remonté en moi. J'ai revu toutes les images que j'avais voulu oublier, j'ai retrouvé l'angoisse, la nausée, le dégoût de tout et de moi-même. Je n'ai alors plus accepté qu’un homme me touche.
J’ai souffert dans ma tête et dans mon cœur. Je n'en serais jamais sûre, mais je pense avoir souffert aussi dans mon corps, je suis petite dans une famille où l’on est plutôt grand, je n’ai été pubère qu’à 17 ans. Ces saletés m’ont-elles empêché de grandir et devenir adulte ?
Pourquoi l'inceste est-il jugé en cour d'assise comme les crimes de sang? Est-il si grave qu'un enfant découvre le sexe avec un ascendant plutôt qu'avec un camarade de jeux? C'est grave parce que l'enfant voit en l'adulte un repère et il en attend sécurité et affection. Ce n'est pas comme entre deux adolescents qui ont un degré de maturité proche. Aucun n'a d'autorité sur l'autre, et chacun peut se défendre.
A l'opposé l'adulte pervers utilise son pouvoir naturel sur l'enfant pour l'amener à ses fins. Que ce soit par le charme ou l'intimidation, souvent les deux se mêlent savamment, il lui imprime dans la tête une culpabilité ineffaçable qui pourrira le reste de sa vie. L'enfant ne peut plus avoir confiance en personne puisque l'adulte qui disait l'aimer l'a trahi. L'enfant pense qu'il ne sera plus respecté par personne et qu'il ne connaîtra jamais d'amour désintéressé. Voilà pourquoi il s'agit bien d'un crime, sans poignard ni sang, c'est un meurtre de l'âme.
Heureusement, j'ai dans ma vie deux rayons de soleil : Claire et Laurent, mes enfants. Je sais que je les protège trop, que je les aime trop, que je leur cède trop. Je sais que j'ai parfois tort mais je ne peux faire autrement. Je voudrais tant pour eux la jeunesse dont j'ai rêvé et que je n'ai pas eue.
Ne croyez surtout pas que Albert ZZZZ ait le moindre début de regret ou de remord. Dans sa bêtise de primate, il est persuadé que quand une femme dit "non", au fond elle pense "oui". Il est plutôt fier : il m'a amenée adroitement là où il voulait sans aucune sanction ni inconvénient pour lui. Il n'a pas conscience d'avoir fait du mal. Il avait à sa portée une enfant appétissante, il aurait été stupide de ne pas en profiter. De toute façon, elle aurait un jour fait l'amour avec un garçon. Quelques années plus tôt ou plus tard, il n'y a pas de quoi en faire un drame.
Je souhaite, de toute mon âme, que le jour où son heure viendra, le destin lui offre une agonie longue et douloureuse.
Témoignage femme : Inceste du beau-père
Témoignage
Publié le 10.05.2006