Cela fait bientôt 6 ans que j'ai brisé ce satané silence : mon grand-père paternel a abusé de moi de mes 8 ans à mes 14 ans.
Bien sûr, au départ mes parents m'ont soutenu, mais pas comme je l'aurais souhaité, pas comme il l'aurait fallu. Depuis 6 ans, je me bat inlassablement pour gagner ce combat. Mais en vain. Je suis seule, profondément seule.
Mon père a fait une dépression pendant 3 ans. Nos rapports se sont détruits petit à petit. Je lui en veux d'avoir voulu étouffer l'affaire et de s'être senti la victime dans cette histoire. C'était lui qu'il fallait plaindre, j'avais essayé d'entreprendre des actions derrière le dos de mes parents. Quel mal à cela étant donné qu'ils n'étaient pas d'accord avec mes choix? Pour leur réputation, il ne fallait pas que je porte plainte. Ben, voyons!
Aujourd'hui, je m'aperçois combien cette histoire a eu de conséquences sur moi. Ma timidité n'est pas arrivée par hasard vers mes 8 ans, avant j'étais une petite fille joyeuse et vive. Depuis mes 8 ans, je n'ai pas eu le sentiment d'exister en tant que petite fille. Triste, toujours triste sans comprendre pourquoi. Toujours à l'écart des autres sans que personne ne se soit soucié de moi.
Et surtout toujours cette peur des autres et en particulier des garçons. Plus je grandissais plus il me dégoûtaient, plus un fossé se creusait entre nous.
Pour l'instant je n'ai jamais eu de relations ne serait-ce qu'amicales avec des garçons. J'ai eu des "ébauches" de relations amoureuses mais j'ai préféré arrêter ces relations plutôt que de me faire avoir par des profiteurs.
Je suis suivie par une psy depuis peu. Mais çà mes parents ne le savent pas. Normal! Je vais toujours bien, voyons!
Mais cette apparence cache certainement la douleur que j'ai au fond de moi depuis ces 12 années, douleur avec qui j'ai fait une partie de chemin main dans la main, mais qui n'était en fait que le reflet d'un mal inacceptable. Aujourd'hui, j'essaie de mettre des mots sur cette douleur mais c'est difficile parce que je ne supporte pas de sentir cette souffrance.
Admettre qu'à 8 ans on a été naïve, aveuglée par cette amour "dégueulasse". Admettre que le coupable c'est lui et qu'il a profité de moi en tant qu'objet pour satisfaire ses envies sexuelles.
Admettre que je n'ai pas réagi comme "toutes les petites filles" par de la peur, mais par un "léger doute" qui s'est soldé par mon extrême confiance en lui. Trop confiance.
Quand je me suis aperçue de sa vraie nature, j'avais 14 ans. Là, il était allé trop loin, au-delà du simple jeu de la tendresse.
Là il est passé de l'autre côté de la barrière, celle de la violence, celle de l'incompréhensible, celle de l'inacceptable.
Malgrè tout ce mal, je me sens coupable, et surtout honteuse. Honteuse d'avoir réagit avec cette profonde naïveté. Je me sens dégueulasse. Et pourtant, je sais que ce n'est pas le cas et que c'est lui le gros dégueulasse.
Je ne sais pas si j'arriverais à porter plainte un jour. Si tel est le cas, il faudra accepter de l'affronter avec ou sans l'appui de mes proches, ceux qui m'ont enfermé dans mon silence une seconde fois.
Témoignage femme : Toujours seule dans ce combat
Témoignage
Publié le 10.03.2006