XX a très vite compris ma grande capacité d’empathie, ma tendance à culpabiliser, ma révolte contre les injustices dont le racisme et mon horreur des conflits.
En plus, je lui racontais tout car je suis un livre ouvert: il a tout utilisé à fond dès le début. Ses modes d’action sont i) le mensonge ; ii) s’apitoyer sur son sort et jouer les victimes (son enfance malheureuse, le racisme, le directeur de thèse qui lui dit de renter dans son pays, etc.) ; iii) se servir de mes proches ; iv) toujours faire bonne figure en public ; v) me culpabiliser et m’abaisser surtout quand je vais bien (tu as chiante, méchante, toi et ton optimisme débile, ...) ; vi) des colères pour couper court à tout sujet dérangeant ou pour faire diversion. Il me trompera dès le début, avant même le mariage, ce que je ne découvrirai qu’au bout de 15 ans, alors que ma mère avait compris bien plus tôt. Le même jour - pour faire diversion - il m’avouera qu’on l’avait forcé à vivre sous une fausse identité depuis l’âge de 10 ans tout en s’apitoyant sur son sort, me suppliant de ne pas le quitter et me disant qu’il ne recommencera pas (il recommencera).
J’ai donc découvert que je vivais avec un inconnu. J’y ai laissé des cheveux qui n’ont jamais repoussé. Il m’obligera pendant 10 ans à cacher sa vraie identité à mes enfants alors qu’il sait que j’ai horreur du mensonge et que tenir un secret est pour moi un supplice. Il n’a jamais voulu m’accompagner aux ateliers de parents ni lire ce livre sur l’éducation des enfants « Tout se joue avant 6 ans ». Je mettais cela sur le compte de sa culture tout comme l’absence de moments tendres avec moi ou son incapacité à consoler ses enfants. Ses colères subites que je croyais dues à son enfance perturbée et ce secret qui le rongeait, ce n’est que récemment que j’ai compris qu’elles n’arrivaient pas par hasard mais notamment lorsque je mentionnais des situations du passé : il me hurlait alors dessus pour couper court à toute possibilité de dialogue. Entre ces crises, pas si fréquentes (la dernière eut lieu dans ma famille à Noël 2019, lorsque ma fille était en dépression au fond de son lit et voulait me parler), il était un compagnon de vie certes pas très gai mais plutôt irréprochable. Après le départ des enfants en 2017, ses crises sont devenues beaucoup plus fréquentes. Souvent il me hurlait dessus dans la voiture. J’ai ensuite trouvé l’astuce d’ouvrir la portière et descendre pour continuer à pied. Une fois il m’a poursuivi en voiture en continuant de me crier dessus et j’ai menacé d’appeler la police, ce qui l’a obligé à partir. Puis j’ai dormi à l’hôtel. Une fois j’ai dormi par terre dans mon bureau. Jamais il ne s’excusait. D’autres fois, il me hurlait dessus à 10 cm du visage et me poursuivait dans la maison. Je me suis un jour enfermée dans la chambre d’amis et il a passé plus d’une demi-heure à crier dans la maison et à tambouriner à ma porte. J’étais morte de peur. Le lendemain il faisait comme si rien n’était, ne posait pas de questions et ne s’excusait jamais.
C’était toujours de ma faute. J’étais méchante. Méchante et chiante sont les deux mots qu’il utilisait le plus pour me qualifier. Il se plaignait aussi dans ces moments-là que je ne l’aimais pas et que je l’avais épousé par défaut, mais ne niait pas qu’il n’avait pas non plus de sentiments amoureux à mon égard. Quand je lui demandais pourquoi il ne partait pas, il me répondait qu’il était autant chez lui que moi. Il lui est arrivé de me dire aussi que je lui appartenais. Souvent après une dispute violente, il se mettait à siffler comme soulagé. Une seule fois, un peu avant mon burn-out, il a levé la main sur moi et là j’ai su qu’il était temps de le quitter. Il faisait la vaisselle et je lui racontais que la nounou suisse un jour avait dit que mon fils, qui était encore tout petit, n’était pas fait pour les maths. Je continuais en disant que certaines personnes sans le vouloir nuisaient à l’épanouissement des enfants (comme en leur mettant très tôt des étiquettes sur le front). Là il a continué la vaisselle en me disant étrangement « tu mens ! ». Alors que je confirmais mes dires, il me redit « tu mens : tu ne m’as jamais raconté ça et en plus tu n’as aucune mémoire donc tu mens ». J’ai commencé à m’énerver en disant que si je m’en souvenais c’est que cela m’avait marqué. Et là il se retourne et me pousse violemment par terre sur la terrasse dont la porte était ouverte. Je me reçois sur les coudes, me relève. Il me repousse à terre enragé. Je quitte ensuite rapidement la cuisine sans demander mon reste. Là encore il ne se s’excusera pas.
J’avais peur, aucune raison de continuer à vivre à ses côté – mes enfants étaient partis – alors il était vraiment temps que je songe à quitter le foyer. Il a fallu deux ans de thérapie pour comprendre qui il était et trouver la force de déculpabiliser. Aujourd’hui ? Mes enfants nient tous les deux ; ils me l’ont hurlé à l’hôpital psychiatrique (papa n’a rien fait !!) ; ils l’aiment et le défendent (un psy expliquerait cela facilement je pense) et surtout ils m’en veulent d’avoir parlé. Ils n’imaginent pas à quel point j’étais désespérée au fond de mon lit d’hôpital d’avoir parlé en pleine crise psychotique après plus deux mois de souffrance et de patience à écouter les premières confidences de ma fille, laquelle s’est ensuite emmurée dans son silence. J’en connaissais déjà d’avance les nombreuses conséquences. Depuis 3 ans, les enfants cherchent à me rassurer chacun de leur côté mais avec des versions différentes, parfois même entrecoupées d’aveux (« si ma soeur ne veut pas te parler, moi je le ferai car y’avait quand mêmes des choses, comme le fait que papa était insomniaque, et puis j’étais hypochondriaque »), mais surtout beaucoup de contradiction entre elles. Mon fils tentera même de convaincre ma famille que la crise psychotique m’a fait perdre un peu la raison. Des amies à qui je me suis confiée avaient des doutes, l’une d’elle m’avait envoyé des signes que je n’ai pas compris (dont un livre que j’ai toujours). Ma psychologue qui nous a reçu avec XX peu de temps avant mon retour dans ma famille pense qu’il ne parlera jamais. Elle a fini en disant que l’inceste du père c’était « compliqué » et aussi de commencer déjà à prendre plus soin de moi.
XX a massacré ma vie de femme et de mère et surtout il a massacré l’enfance et mis en péril l’avenir de mes enfants qui étaient et resteront ma revanche sur la vie. Pour ma santé mentale d’abord, et aussi pour qu’ils cessent d’être écartelés entre moi et leur père, j’ai fini par leur écrire que désormais je n’avais pas le moindre doute et que je serai toujours là pour eux. Et aussi que je ne souhaitais pas rajouter du malheur à leur malheur, ne ferai aucun mal à leur père (il serait probablement mort aujourd’hui s’il s’était présenté devant moi alors que je hurlais de douleur dans ma cuisine). Je leur ai écrit que je ne leur en parlerai plus, que je respectais qu’ils veuillent rester dans une autre vérité (même si seule la parole libère) et que la thérapie leur dirait ce qui sera le mieux pour leur reconstruction (continuer de voir leur père ou pas, écrire leur histoire, témoigner à découvert ou non, porter plainte ou simplement en parler au psy et aux amis). Et que c’est cela et cela seulement qui devra déterminer leur décision demain, dans un an, 5 ans, 10 ans... que je serai alors à leur cotés. Que je ne suis pas psychologue mais que je suis là s'ils ont besoin de moi comme maman, et que j’ai tant besoin de les consoler enfin. Chacun reste dans sa vérité. Celle d’XX à mon égard est que je suis devenue folle parce qu’il m’a trompée et que c’est quelqu’un d’autre (la thèse proposée par le psychiatre à l’hôpital lors de la confrontation), celle des enfants à mon égard varie ; à l’extérieur, je ne sais pas (un peu folle parce que fragile psychologiquement).