Attouchements pendant deux ans

Témoignage Publié le 20.04.2011

Fotolia_3379971_XSJ’ai 30 ans, et, victime d’attouchements pendant mon enfance, je souhaite vous faire partager mon expérience. J’espère que cela pourra aider au moins l’un ou l’une d’entre vous. Pour ma part, le simple fait de devoir synthétiser ce qui m’est arrivé sous la forme d’un témoignage fait partie intégrante de la suite de ma « thérapie »… J’ai subi les attouchements répétés de mon grand frère (10 ans plus âgé que moi) de mes 7 ans à mes 9 ans.

Il m’a fait et m’a fait faire tout ce qu’on peut faire dans un lit, sauf me pénétrer. Il m’avait présenté ça sous forme de jeu, et j’ai accepté d’y jouer. Pour tout avouer, j’ai même aimé jouer…  (ce qui m’a fait beaucoup de mal par la suite). Dès le départ, il m’a clairement dit qu’il ne fallait en parler à personne, donc je n’ai rien dit, c’était mon grand frère et un modèle pour moi…

Un jour, il m’a dit qu’il valait mieux arrêter, et tout s’est stoppé net, sans violence, sans problème. Et puis, j’ai oublié. J’ai oublié qu’il m’était arrivé tout ça. Jusqu’à mes 14 ans où tout m’est revenu par flashes très choquants qui me montraient ce que nous faisions. Le laps de temps qui s’était écoulé (5 ans) ne contient que très peu de souvenirs. J’ai l’impression d’avoir tout simplement flotté au-dessus de ma vie, sans souffrir ni être particulièrement heureuse.  

Au lendemain de ces flashes, j’ai tout expliqué à ma mère. Nous sommes allées voir une thérapeute qui a tout bonnement détruit ma mère en lui expliquant que tout était de sa faute, et j’ai refusé toute consultation à partir de ce moment là. J’ai refusé également de porter plainte pour épargner mon frère que je ne voulais pas détruire encore plus qu’il ne devait déjà l’être. S’en est suivi une période de flottement d’une année à peu près où j’ai erré entre les moments de souffrance intense et les journées de détresse complète.  J’étais totalement perdue et ne voulais pas en parler officiellement pour ne pas détruire ma famille.

Peu après mes 15 ans, alors que je souffrais de plus en plus et me renfermais totalement, je me suis confrontée un jour à moi-même et ai décelé deux choix possibles qui « s’offraient » à moi : soit me « foutre en l’air », soit prendre pour point de départ ce fameux jour comme la première journée de mon « autotraitement ». Je me suis donc documentée, j’ai beaucoup lu de livres sur le sujet, visionné beaucoup de reportages et surtout, ai passé de longues heures à réfléchir par le biais de l’écriture,  pour tenter de trouver une issue heureuse à tout ça.

Le temps passant, j’ai commencé à m’intéresser aux garçons, mais pas de la façon dont eux s’intéressaient à moi, et, confrontée à plusieurs reprises à ce que je considérais alors comme une épreuve, le sexe, je me suis rendu compte que ça allait forcément clocher de ce côté-là si je ne me prenais pas en main. Chaque chose que mon frère m’avait fait ou m’avait fait faire, j’étais tout simplement incapable de l’envisager et encore moins de la faire moi-même. Mais, avec le temps, et beaucoup de souffrance encore (je me rends compte aujourd’hui que j’ai du me « violer » quelque part pour surpasser mes phobies), je peux dire aujourd’hui que j’ai une sexualité qui me comble.

J’ai pu, peu à peu, éliminer chaque flash pour chaque jeu sexuel, et, même s’ils reviennent parfois, je les refuse, les rejette, et la plupart du temps, ils s’en vont. Concernant mon frère, je l’ai confronté à ce qu’il avait fait, à ma souffrance et à celle que je présumais être la sienne. J’avais 18 ans, et j’ai été bien déçue d’entendre sa version des faits : vision littéraire de ce que nous avions fait pratiquement toutes les semaines pendant deux ans (son livre de chevet était alors Lolita de Nabokov).

Bref, j’ai bien compris que sa défense envers sa propre souffrance était de faire l’autruche, de minimiser les faits et leurs conséquences pour ne pas souffrir. Je l’ai laissé tranquille pour qu’il ait une chance d’être heureux, au moins l’un de nous deux aurait pu s’en sortir. Depuis, nos relations ont été plutôt linéaires de son point de vue. Du mien, j’ai vacillé entre le dégout total, la révolte, l’envie de tout raconter et le désintéressement. Je sais que je l’aime parce qu’il est mon frère, mais je ne pense pas l’avoir vraiment pardonné malgré que je lui ai dit l’inverse pour qu’il ne souffre pas, et puisse avancer. Vous pensez surement que j’aurais du officialiser les choses, ne serait-ce pour les éventuelles autres victimes… et vous avez raison si c’est le cas, mais égoïstement, j’ai préféré me convaincre que j’ai été la seule pour ne pas détruire une famille entière.

Au jour d’aujourd’hui, et j’espère ne choquer personne, je suis heureuse dans un sens qu’il me soit arrivé ça, car j’ai développé un savoir-faire dans le domaine de l’introspection qui est appréciable, et je savoure chaque instant de la vie, car j’ai réussi à vivre malgré ça. Je suis très fière de moi sur ce point, au risque de paraître prétentieuse. Cette petite boule noire nichée au fond de moi fait partie de moi, et je l’ai accepté. Je sais qu’elle sera toujours là, et je n’oublie pas ce qui s’est passé, mais j’ai appris à vivre avec, et je m’en sors très bien.

Nous en parlons
I
invisibilissime
Publié le 11.05.2011
Inscrit il y a 14 ans / Nouveau / Membre

Qu'il est dur de lire que votre maman ait dû faire face à une attitude aussi inattendue de la part d'un thérapeute, aussi culpabilisante, elle qui pourtant avait si lucidement et si courageusement saisi la bonne clef pour que tout soit assaini de manière intelligente et responsable.
Bonne chance pour votre destin.