Cet oncle que tout le monde aime

Témoignage Publié le 11.12.2007

Je ne sais plus si j'ai 13 ou 14 ans... Ce soir là, il y a la fête chez un de mes oncles et, comme après chaque fête, on reste dormir, c'est normal c'est la famille. Tout est improvisé pour qu'on puisse se coucher, tout le monde dort n'importe où. Et moi, je me retrouve sur un matelas près du mur dans la salle à manger. Il y a encore deux ou trois ivrognes qui dorment à table, mais moi, je suis fatiguée et je m'endors sereine...
Quand au milieu de la nuit, je me réveille terrorisée. Le haut de ma chemise de nuit se déboutonne, ma poitrine de jeune adolescente est caressée, c'est atroce mais je continue de faire semblant de dormir. Puis ma chemise de nuit se soulève jusqu'à la taille, mes jambes sont relevées l'une après l'autre. Je n'ai pas de culotte. Ah non ! dans cette famille on nous a toujours appris à dormir sans culotte ! Mon sexe est caressé, j'ai peur, je crois que mon coeur va sortir hors de moi. Je veux hurler mais à quoi bon ! Les personnes autour sont ivres et j'ai terriblement peur. J'ai peur, mon Dieu comme j'ai peur.

Soudain, une force en moi m'oblige à me lever et de feindre d'aller aux toilettes. Je marche jusqu'à cette porte comme si je devais atteindre le sommet d'une montagne, j'ai l'impression que ça dure des heures et là : "tonton t'empêche de dormir ?" je ne réponds pas et je longe ce couloir interminable, je m'enferme aux toilettes, je m'essuie, je m'essuie, je m'essuie...
Je vais ensuite dans l'une des chambres où il y a une jeune tante qui y dort avec ses bébés, c'est la chambre des enfants. Je m'allonge tout près d'elle comme pour me protéger, elle est surprise mais ne dit rien. Le lendemain matin a été "normal", il n'y a pas eu d'échange de mots ni de maux. Je suis rentrée chez mes parents. A cette époque, ils s'entendent de moins en moins et il n'y a jamais eu de communication entre nous. De plus, mon agresseur est un individu intelligent et manupulateur à souhait. Ainsi, avant d'agir de la sorte il m'a fait une réputation de fille "chaude" qui finira mal ! A quoi bon parler ? Mais, proche de mes soeurs je leur en parle tour à tour. L'ainée écarquille les yeux mais ne dit mot (elle consent pensais-je !) puis la cadette avec qui j'échangeais aisément me traite de menteuse et ne veut plus en entendre parler. J'ai honte, j'ai peur, j'ai mal, je suis perdue. Ensuite, deux solutions s'imposent : soit je mets fin à cela en me donnant la mort ou soit je l'efface de ma mémoire comme si cela n'avait jamais existé. J'ai donc opté pour le second choix quand, il y a tout juste 3 ans, j'ai accompagné ma nièce à porter plainte et à parler, parler parler et de ne rien garder en elle. C'est une petite puce qui a été victime d'inceste. Un jour dans le bureau du Juge des Enfants, ma soeur ma nièce et moi sommes là pour tenter de nous soutenir quand j'apprends que ma soeur (celle qui m'avait traité de menteuse) a été violée durant toute son année de CM1 par cet oncle. Il y a un grand séisme, TOUT s'écroule, je nen reviens pas. Puis en quittant le tribunal de JUSTICE, je me dis que je suis une femme maintenant, que je ne dois pas avoir honte de ce qui s'est passé, que je ne suis pas sale, et que c'est mon agresseur qui l'est !
Le soir même, je réunis mes parents et leur annonce que j'ai subi des attouchements durant ma pré-adolescence. Je leur dis que le passé m'a rattrapé et que je suis fière de pouvoir leur en parler. Ma mère s'effondre et pleure toutes les larmes de son corps. Mon père me regarde avec un regard de colère et me demande un nom (cet oncle qui vit dans la maison voisine et à qui mon père donnerait le bon Dieu sans confession). Il veut se venger ! et ne comprend guère ma souffrance qui m'a longuement handicapée dans ma vie de jeune fille, de femme, d'être humain.
Avec le temps les évènements, j'ai appris qu'il y a eu beaucoup de victimes dans la famille et que tout le monde se tait. Ce silence me tue, mais je ne peux plus rien faire, j'ai aujourd'hui 36 ans et je dois me reconstruire. Pour les autres, c'était des viols agravés répétés et ils ont encore peur. Moi, je n'ai plus peur, j'ai affronté mon bourreau il y a 5 ou 6 ans, il m'a dit : "je sais, tonton a fait des bêtises quand il était jeune" c'était sa forme de pardon que j'ai refusé à l'époque. Alors, il a réussi à me mettre de côté tel un pestiféré auprès de toute la famille. J'ai eu mal quand il a réussi à convaincre mon père, mon frère et ma soeur.
Depuis cette nuit-là, je ne vis plus, je survis très difficilement. Parfois, des idées de mort m'envahissent mais je ne franchis pas le cap !
Je n'ai pas confiance aux hommes. Pardon d'être vulgaire, mais très longtemps j'ai cru qu'un homme était une b--- un objet sans sentiment (heureusement j'ai changé). Je vis seule et, la solitude m'effraie. Depuis seulement un an que j'ai le désir d'avoir un enfant (jamais auparavant). J'ai essayé de faire court, ma vie est une grande souffrance et je n'ai plus de force. Merci de vos témoignages.