Inceste, plainte, procés, comment ça s'est passé pour moi

Témoignage Publié le 25.01.2009

Je me décide enfin après des années à écrire sur ce site. Après de longues années d'errance, et de combats pour survivre, j'aimerai faire partager mon expérience et peut-être, trouver du réconfort auprès de vous. Mon père à commencé à abuser de moi le jour de mon anniversaire. Je pense que j'avais quatre ans. IL a assouvi ses pulsions sur moi au nez et à la barbe de toute ma famille proche jusqu'à l'âge de mes quinze ans. Que s'est-il passé? Pourquoi a-t-il arrêté? Et bien, tout simplement parce que bizarrement, ma mère venait de se rendre compte que ce n'était pas normal qu'un père embrasse sa fille de quinze ans sur la bouche et prenne des bains nu avec elle pendant prés d'une heure tous les week-ends.

Par la suite tout n'a été que menaces, tortures psychologiques, maltraitances...etc..., pendant que tout le monde fermait les yeux sur ma situation. A l'âge de 20 ans, j'ai fui le domicile de mes parents pour ne plus jamais y revenir, en laissant derrière moi une petite soeur de douze ans qui fort heureusement n'a subi aucun sévice. Je passe sur les années de galère avec un compagnon violent et alcoolique avec qui j'ai eu trois enfants(et oui, je sais, je suis maso). Je passe sur les journées et les soirées où je fumais et buvais pour oublier ma douleur. Je passe sur les foyers, les éducateurs, les mauvaises fréquentations...etc...La galère a duré 6ans.Je ne remercierai jamais assez mes enfants dêtre venus au monde car c'est grâce à eux que j'ai trouvé la force de me battre et c'est avant tout pour eux que je me suis battue. Bref , au bout de 6 ans, j'ai decroché le concours d'instit et j'ai obtenu l'autorité parentale exclusive pour mes enfants.

J'ai porté plainte par la suite contre mon père. Pourquoi je l'ai fait? Je ne sais pas vraiment. Il y a beaucoup de raisons. J'avais besoin d'expliquer les raisons de mon départ.Je craignais que si je continuais à me taire, ma soeur ou d'autres personnes subissent la même chose que moi. Je ne croyais plus ni en dieu, ni en l'homme donc, je voulais essayer de croire en la justice.Mais surtout, je crois que j'avais besoin de crier ma souffrance, de dire à tout le monde: regardez moi, voyez ce que j'ai subi, regardez ma souffrance en face et aidez moi à la porter car je ne peux plus le faire toute seule. A la suite de ma plainte se sont enchainés trois ans et six mois de procédure extrèmement difficiles.

Mon père a d'abord avoué les faits et m'a demandé pardon. J'ai alors cru que tout était fini, que j''allais retrouver ma famille, ma soeur...Mais malheureusement, quelques temps plus tard, il s'est rétracté et a tout nié. Ma mère, mes deux grand-mères, une de mes tantes, mon frère de trois ans mon ainé et ma soeur de huit ans ma cadette ne m'ont pas cru et et ont fait des dizaines d'attestations sur moi dans lesquelles ils me trainaient dans la boue racontant les pires horreurs sur mon compte. Je tiens à dire que je n'en veux aucunement à ma soeur car elle n'avait que douze ans quand je suis partie et j'ai eu des echos de tout ce que mes parents lui ont fait croire sur mon compte. J'espère seulement qu'elle comprendra une jour et que nous pourrons de nouveau être soeur.

J'ai tout de même été soutenue par une partie de ma famille que je tiens à remercier de tout mon coeur. Merci de m'avoir cherchée, de m'avoir retrouvée et d'avoir été là pour moi. J'enchaîne sur le procés.
Le premier procés a été ajourné car l'avocate de la partie adverse était malade. Ca a été trés difficile à gérer pour moi car j'attendais depuis tellement longtemps de pouvoir tourner la page que je suis tombée au 36ème dessous. 6 mois plus tard, me revoilà au tribunal. Ca s'est bien passé mais il m'a été trés difficile d'écouter le réquisitoire de la partie adverse. Il n'est jamais trés agréable de se faire trainer dans la boue. Mon père a été condamné a 5 ans fermes et 15000 euros de dommages et intérêt. J'avoue que je n'en demandais pas tant. Tout ce que je voulais c'est que mon père me libère en soulageant sa conscience et qu'il se fasse soigner. L'aprés procés a été difficile à gérer car même si j'étais soulagée, je ne pouvais pas m'empêcher de pleurer sur cet horrible gachi. Puis est arrivé l'appel.

Et oui, ils ont fait appel. Ca a été le coup de grâce. Il fallait repartir au front alors que j'étais épuisée par ma vie. Je n'ai plus réussi à gérer ma dépression et je suis en arrêt depuis. J'ai reçu une quinzaine de jour avant le procés une lettre de ma mère me traitant de tous les noms, me menaçant de poursuivre pour faux témoignage les gens dont les déclarations étaient en ma faveur et de léguer à mes enfants dans le coffre d'un notaire un dossier contenant tout ce qu'elle pourrait trouver ou plutôt inventer d'insultant sur mon compte. Ca a été trés dur de me faire trainer dans la boue une fois de plus par ma propre mère. Mais cette fois, je n'ai pas subi sans me défendre et je lui ai répondu. Ca m'a fait beaucoup de bien de lui dire ses quatre vérités et je pense que cette fois elle ne me fera plus de mal car lors du procés en appel, elle ne m'a pas regardée une seule fois contrairement au procés précédent.Le procés en appel s'est déroulé le mois dernier.

Mon père a été condamné à 8 ans fermes avec injonction de soin et 15000 euros de dommages et intérêts.C'est une victoire et je suis soulagée par le verdict mais ça reste une victoire bien amère et je pense qu'il va me falloir du temps avant de réussir à me construire et à tourner la page. A toutes celles qui se posent la question de savoir s'il faut porter plainte ou pas, je répondrai que c'est une procédure qui peut vous apporter beaucoup quel que soit le verdict car elle permet de se révolter contre cet acte inacceptable qu'est l'inceste et d'arrêter de subir la vie comme le plus lourd des fardeaux.

Mais il faut savoir que c'est une procédure extrémement difficile à endurer et que vous serez au 36ème dessous pendant les longues années de procédure. A celles qui ont peur de détruire leur famille, je répondrai que votre famille est déjà détruite et que ce n'est pas de votre fait. La seule chose que vous pouvez faire c'est parler pour éviter qu' une autre personne de votre entourage ne subisse la même chose que vous. Pensez que plus nous serons nombreuses et nombreux à parler moins l'inceste sera tabou et plus nous aurons la possibilité de faire de la prévention et de sauver des victimes.

Voilà, j'espère ne pas vous avoir assommés avec mon histoire, j'espère aussi avoir aidé certaines d'entre vous.Je termine sur une note optimiste: même si les trentes premières années de ma vie ont été un désastre total, j'ai envie, maintenant que la procédure est terminée, de tourner définitivement la page et d'essayer d'avoir ma petite part de bonheur pour les cinquante années à venir. Merci à mes enfants d'être si merveilleux, merci à la partie de ma famille qui m'a soutenu et merci à mon meilleur ami qui depuis 3 ans est devenu mon compagnon et qui m'a toujours soutenue.