J'ai 51 ans et c'est la première fois que je témoigne

Témoignage Publié le 29.10.2010
a_ShowLetter02Je témoigne aujourd’hui seulement, et je vais avoir 51 ans. Mon père m’a violée, j’avais 9 ans et il l’a fait jusqu’à ce que j’aie 20 ans. ! Cet homme (si on peut appeler ça ainsi) est un monstre, il est anormal, c’est un rat… Je pense qu’il a fait d’autres victimes, mais je n’en ai pas la preuve. Je me suis construite seule dans un milieu hostile où la mégalomanie de ma mère ôtait toute tentative de paroles. Mon père incestueux la trompait constamment avec d’autres femmes, elle le savait. Je pense aussi qu’elle savait pour moi, pour mon frère et pour les attouchements sur ma sœur mais elle n’a rien fait. Et pourtant, quelle mère ne se serait pas doutée de quelque chose lorsque sa petite fille de 10 ans clamait haut et fort : « je voudrais être dans un cercueil » ! Quand à 16 ans, sa fille a décidé du jour au lendemain de ne plus manger de viande ! Quand sa fille à 18 ans est devenue obèse ! Et j’arrête là, la longue liste des signes qu’une mère devrait VOIR !!! Mon père incestueux est un homme calculateur, froid et sans cœur, il s’arrangeait toujours pour rester seul avec moi, il préférait que ma mère emmène mes frères et ma sœur en courses, comme ça, il était tranquille ! (Une épouse devrait toujours être vigilante même si elle aime éperdument son mari…) Je passais « à la casserole » une fois par mois environ… J’emploie cette expression « passer à la casserole » car ma mère le dit souvent !!! Plus je grandissais, plus je comprenais que tous les papas ne font pas ça à « leur petite fille » comme lui le prétendait, mais plus je comprenais ça et plus j’avais honte de moi ! Et la honte s’est installée très longtemps, mais alors très très longtemps. Il ne m’a plus touchée, au bout d’un moment, je n’étais plus assez « fraîche » pour lui, enfin je pense que c’est ça… Mais mon problème est devenu encore plus compliqué, mes parents avaient un commerce, ils nous embauchaient moi, mon frère cadet et ma sœur, et j’étais incapable de faire autre chose… J’ai continué à bosser avec eux, et même quand ils n’ont plus eu de commerce, j’ai continué d’habiter chez eux car je ne me sentais pas capable de partir « même adulte », « même libre », on m’avait tellement fait comprendre que je ne savais pas me débrouiller toute seule que je suis restée chez eux sans élan, sans envie, sans espoir. Je lisais beaucoup, je travaillais, j’ai essayé d’avoir des amis, mais ces relations là étaient trop difficiles à gérer. J’avais toujours peur de l’acte sexuel même si je le pratiquais volontairement avec un petit ami, j’avais un dégout prononcé pour la pénétration. Je n’ai pas eu beaucoup d’amis car je ne faisais rien pour les attirer et puis mon père incestueux se chargeait toujours de faire peur au plus vaillants. Je n’ai pas eu d’enfance, ni d’adolescence, ni de vie de femme. Vous savez quand on joue à cache-cache pour échapper à un prédateur, on ne vit pas, on survit ! Et c’est pourquoi, partout on nous appelle les SURVIVANTS. Plus tard, j’ai eu de la chance, j’ai fait une rencontre extraordinaire, j’ai trouvé MON HOMME, il est arrivé comme un cadeau, comme un soleil, comme une récompense… je l’ai suivi à Paris il y a de cela bientôt 9 ans, et je l’ai épousé en 2008. Je lui ai tout dit dès notre premier soir, il a su me comprendre, il a eu de la patience, il m’a écoutée, il m’a aidée, il m’a encouragée. Et puis un jour, j’ai tout raconté à ma famille. Ma mère n’a pas eu de réaction ! Elle n’a pas hurlé, elle s’est plainte d’avoir un mari comme ça… Actuellement, elle vit toujours avec lui, elle mène ses activités de petite bourgeoise et aucun membre de son club ne pourrait se douter de toute cette histoire. Elle ose même faire des allusions à ma sœur qui sous-entendent que si je suis restée aussi longtemps chez eux, c’est parce que je voulais coucher avec mon père !!! Il n’y a qu’une seule façon de réagir, et j’ai décidé d’écrire mon histoire… C’est ma thérapie. Ma sœur souhaitait que mon témoignage soit plus explicite mais j’ai tellement peur que les pervers qui se baladent sur le net se délectent à la lecture de mon récit que je préfère parler des conséquences de ce traumatisme. L’inceste est une chose horrible, ça vous détruit autant physiquement que mentalement, on est broyé de l’intérieur, happé par sa propre souffrance, abattu par toute cette violence, condamné par la honte et la peur. Je n’ai pas eu d’enfant, on m’a enlevé l’utérus à cause de métrorragies persistantes et d’une suspicion de cancer de l’endomètre (pour moi il y a une relation de cause à effet)… Le bout de mes seins est ombiliqué. J’ai des problèmes de dos à cause des coups. J’ai peur dans le noir, je ne supporte pas qu’un homme me frôle… Aujourd’hui, j’ai mon mari à mes cotés, je travaille, j’apprends à piloter un avion, je me cultive toujours, j’adore l’histoire de France, J’ai MA VIE ! Imaginez ce qu’aurait été cette vie si je n’avais pas subis ce traumatisme ? Il y a au fond de moi, cette petite fille d’avant, qui aimait jouer à la poupée Barbie, qui rêvait de son prince charmant, qui aimait tant la vie. Je l’aide chaque jour à aller mieux, je la soutiens, je lui explique tout, afin qu’elle se réconcilie avec le MONDE. « Vous tous et vous toutes » vous avez au fond de vous, plus de courage, plus de force, plus d’amour que n’importe qui d’autre, vous êtes des « sacrées personnes », vous avez mérité votre place dans la société, vous êtes précieux, IL FAUT VIVRE et TEMOIGNER. Je m’appelle Catherine.