J'avais complètement occulté ces horribles faits de ma mémoire.

Témoignage Publié le 14.02.2004

Bonjour, Je suis une femme de 30 ans ayant vécu l'inceste en bas âge. J'ai été violée à l'âge de 6 ans par 2 cousins. Plus tard vers mes 8 ans environ, mon père a abusé de moi pendant plusieurs années, près de 6 ans je crois. Je dis "je crois" car dans mon cas, il y a eu déni.

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C'est-à-dire que j'avais complètement occulté ces horribles faits de ma mémoire.  Je sais que je ne suis pas seule à avoir bloqué inconsciemment tout souvenir. Lorsque le traumatisme est trop violent, trop difficile à encaisser, le corps utilise alors un mécanisme de défense qu'on nomme déni. Dans mon cas, mes souvenirs me sont revenus suite à un accouchement. Souvent suite à un événement stressant, ce qui est le cas de la grossesse et de l'accouchement, les souvenirs peuvent refaire surface. Souvent, c'est entre 30 et 40 ans que ce processus s'effectue.


Pourquoi porter plainte après autant d'années ? Bien des raisons. Pour commencer juste le fait de protéger d'autres futures victimes. Les statistiques le prouvent, les agresseurs font plusieurs victimes. Ensuite, les apparences sont souvent importantes dans les familles dysfonctionnelles, donc le fait de dénoncer va permettre de remettre les pendules à l'heure. Ce qui a pour but de se faire reconnaître comme victime. La reconnaissance est très importante, entendre de la part de la justice que nous sommes en rien responsables de ce qui nous est arrivé. Pour terminer, s'il est reconnu coupable, il devra suivre une thérapie. Pour moi, savoir qu'il pourrait peut-être un jour reconnaître tout le mal qu'il m'a fait, me serait bénéfique, mais je sais bien que sans la justice, jamais il n'entreprendra une telle démarche. Peu importe les raisons qui nous poussent à le faire, c'est dans le seul but de vouloir se reconstruire.

Comment le prouver après tant d'années ? Juste à voir les conséquences que les agressions ont apportées. Boulimie, problèmes d'ordre sexuel, insomnies, cauchemars, peur de faire confiance aux autres, difficulté à se mettre en contact avec nos émotions et les laisser sortir, etc. L'accumulation des conséquences sont visibles, donc une preuve qu'il s'est bien déroulé quelque chose. Dans mon cas, je peux rajouter qu'étant jeune, mon comportement a brusquement changé. Je suis devenue hyper timide, j'ai eu une subite prise de poids, maux de ventre à répétitions, suis devenue violente à l'école, avait une peur bleue de l'autorité. Comme il y a eu changement radical, la police tient compte de ces faits et les utilisent lors du procès. De plus j'ai réussi à parler avec mon médecin de famille de l'époque et celle-ci après avoir été informé des faits, a avoué ne pas êtes surprise de la nouvelle. Qu'après coup, elle réalise qu'il y avait quelque chose de louche dans l'attitude de mes parents et qu'elle avait toujours trouvé ça bizarre. À cause de mes maux de ventres à répétitions j'ai dû être hospitalisé. J'ai fait venir mon dossier médical et le médecin traitant soupçonnait un problème d'ordre familial. Ce qui fait deux éléments de plus en faveur d'une poursuite et qui sont pris aux sérieux par les procureurs d'ici.

Je vais terminer ma lettre en vous mentionnant que je suis du Québec (Canada). Ce qui fait que j'ai la grande chance de pouvoir porter plainte même 22 ans plus tard. Ici, il n'y a pas de prescription et j'en suis heureuse. Habiter la France voudrait dire qu'il serait trop tard pour moi. Que toutes les démarches que j'entreprends pour ma reconstruction seraient diminuées par le fait de ne pas pouvoir porter plainte. Je souhaite de tout cœur que la population de la France ait aussi accès à l'imprescriptibilité. Espérant que vous comprendrez les victimes d'inceste et de pédophilie.