Libérez la parole, libérez vous !

Témoignage Publié le 17.01.2021
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Il m'a fallu bien des années avant de réaliser que ce qui m'était arrivée est bien plus grave que ce que je ne pensais.

Quand il me disait que je ne devais a aucune condition en parler à personne, je l'ai fait. Quand il me disait de me laisser faire, je l'ai fait. Quand il me disait que c'était pour mon bien, je l'ai cru. J'ai fait absolument tout ce qu'il m'a dit de faire, parce qu'un parent veut toujours le bien de son enfant. Parce qu'un parent est censé montrer le bon chemin et la bonne conduite à son enfant. Cela a duré dix ans, dix ans que j'ai gardé ce secret, et que je me suis promis à moi-même de l'emporter avec moi dans ma tombe. C'était plus simple comme ça. Je ne causerai du tort à personne, et surtout pas à moi. Et j'y croyais fermement.

Pourtant, un beau jour, je suis tombée. Tout le mal que je n'ai pas ressenti, ou du moins que j'ai tout fait pour oublier, est ressorti en une fois, en bien plus fort. Moi qui pensais être plus forte que ce qui m'était arrivé, je suis tombé au plus bas. J'ai pensé que tout était fini, que je n'allais jamais m'en sortir. Encore aujourd'hui, je vis sous le même toit que mon agresseur, je le vois tous les jours, je le côtoie tous les jours. Et pourtant je suis encore là à vous parler. Je n'ai pas abandonné, je fais tout pour m'en sortir. Je ne suis pas encore guérie de mes blessures, probablement qu'elle restera en moi à vie. Mais j'apprends chaque jour un peu plus à vivre avec. À accepter ce qui m'est arrivé, à arrêter de chercher des réponses, à arrêter de me torturer l'esprit. Malgré tout je me suis relevée, et ma seule et unique motivation a été de montrer de quoi je suis capable.

Nous sommes les victimes, certes, mais nous ne devons pas nous laisser abattre et pleurer de notre sort. Nous ne sommes en aucun cas coupables de ce qui nous est arrivé. Pendant des années je me suis sentie coupable de ce qui m'était arrivé, mais en voyant mon agresseur vivre sa vie sans aucun remord, j'ai compris que c'était à lui seul de se remettre en question et non à moi. Je pouvais m'en sortir, je le voulais plus que tout. En particulier, ce qui m'a aidé aujourd'hui c'est d'avoir libéré la parole. Bien que je n'irais pas jusqu'à porter plainte, car la loi française ne prévoit toujours rien de concret pour les cas similaires au nôtre, le fait d'avoir parlé à des amies m'a aidé. Ils m'ont aidée à me relever et sont là au quotidien pour me rassurer, et me montrer qu'ils seront toujours là à mes côtés. Je suis également suivie par une psychologue depuis peu. Le chemin vers la liberté va certainement être long, mais je ne lâche rien.

Si aujourd'hui je suis là à vous raconter mon histoire, c'est pour vous dire que je suis là, je vous écoute, je vous vois et je tends la main à qui le veut pour l'aider à se relever. Ensemble nous pouvons nous aider, ensemble nous pouvons faire avancer les choses. Il n'est jamais trop tard. Ne perdez pas espoir, libérez la parole, libérez-vous. Love