Ma mère, survivante d'un inceste jamais révélé au grand jour

Témoignage Publié le 04.12.2017

Ma mère, survivante

d'un inceste jamais révélé au grand jour

Bonjour,

Je suis une femme de 33 ans et je me suis inscrite récemment sur ce site en tant que proche d'une victime d'inceste: Ma mère. Elle me l'a appris lorsque j'avais 16 ans. Je suis tombée de haut, c'est rien de le dire. J'ai toujours eu conscience que je ne suis pas la victime de cette histoire, mais j'aime ma mère plus que tout et lorsque j'ai appris cela, mon petit monde a pris une autre tournure... Elle a été abusée par ses deux grands frères qui étaient quasi majeurs, alors qu'elle avait 8 ans, et jusqu'à l'âge de 12 ans. Et sa mère était au courant, mais elle a fermé les yeux... Paraît-il qu'une fois elle lui a seulement dit "tu as qu'à fermer ta porte à clé". Ma mère a manqué d'amour familial, une mère froide et distante, un père pas vraiment présent. Par ailleurs, lorsqu'elle était une toute jeune enfant, ma grand-mère couchait avec son amant dans le lit de ma mère, en sa présence (pour faire ça en douce de son mari).

Voilà. J'ai couché les grandes lignes de l'histoire. Lorsque ma mère me l'a révélée, il y avait déjà prescription aux yeux de la loi (c'était 20 ans à l'époque). Ma rage a été terrible, mais je l'ai ravalée, car ma mère ne voulait pas que j'intervienne, elle m'a dit qu'elle ne voulait pas que j'intervienne, ou que je fasse de vagues... Alors j'ai respecté sa volonté, je n'ai rien dit. Mais cela a été très dur. Je devais côtoyer ma grand-mère, et mes deux oncles, en faisant comme si de rien n'était... C'était la volonté de ma mère, alors je la respectais à la lettre. Mon père fait de même aussi, pourtant lui aussi a été dévasté lorsqu'il l'a appris.

J'ai pris mes distances avec pratiquement toute ma famille maternelle, car c'est un secret de polichinelle, tout le monde est courant (ses autres frères et soeurs), et apparemment, ils ont toujours cherché à la faire taire. La soeur de ma mère a été violée aussi mais elle par un oncle, c'est elle que je peux encore voir sans problème.

Pendant des années j'ai ravalé ma rage, et j'ai composé avec ma tristesse. Avec le temps, il y a une certaine distance que j'ai pu prendre, j'ai même pleuré sincèrement le jour de la mort de ma grand-mère. Parce que je choisis de regarder au delà du bien et du mal, en profondeur, me dire que c'est "l'inconscience" et la souffrance qui mène parfois à des actes de barbarie. Cela dit, je ne peux pas pardonner non plus. Il n'y a jamais eu reconnaissance, et encore moins réparation.

Depuis quelques temps tout ça me travaille, je n'arrive toujours pas à côtoyer ma famille maternelle. Pourtant, je considère que ma mère est très résiliente, je crois qu'elle a réussi à composer avec tout ça. Je vois une psy depuis peu et elle m'a demandé : "si votre mère est résiliente dans son épreuve, pourquoi vous ne l'êtes pas aussi ?" C'est une bonne question, je ne sais pas pourquoi j'ai encore cette rage et cette peine en moi. C'est parfois très fort, j'ai pas pu l'exprimer plus jeune, et je sens que j'ai besoin de l'exprimer.

J'ai fais un AVC il y a 3 ans (à l'âge de 30 ans), cela n'a peut-être rien à voir mais je le dis car ça peut expliquer que dans une épreuve, avec quelques séquelles difficiles à vivre au quotidien, les vieilles souffrances ressurgissent. Et j'essaie de m'écouter davantage...

En gros, je souhaiterais savoir comment régler cette situation qui me semble trouble, confuse et vraiment inconfortable et douloureuse. Je regrette parfois de ne pas avoir réagi avant, j'aurais pu dire à ma mère que je voudrais la défendre si besoin, à l'époque elle en avait tellement besoin... J'ai rien su faire, j'ai rien dit comme elle le souhaitait.

Mon meilleur ami m'a conseillé récemment d'en parler à ma mère, et je pense que c'est un très bon conseil. Je n'ai jamais osé lui dire ce que je ressens vis à vis de tout ça car c'est elle qui a vécu l'épreuve... Mais je pense que j'ai le droit aussi de dire ce que je ressens, même si c'est totalement différent de ce qu'elle peut ressentir. Je le ferai pour elle, pour moi, pour que l'on puisse avancer au mieux ensemble, en réduisant cette zone d'ombre.

Voilà! Je ne vais pas écrire davantage car j'écris en mode "automatique", sans trop réfléchir à ce que je dis, sinon il me serait difficile de parler de tout ça. Je ne sais pas si j'ai tout dit, mais j'avais besoin de m'exprimer à propos de tout ça. Il y a sans doute des maladresses ou des détails que j'ai oublié de mentionner, mais c'est déjà ça d'avoir osé écrire sur ce forum. Même si ce n'est pas lu par quelqu'un d'autre, même si je n'ai pas de réponse, ça me fait du bien de l'exprimer, tout simplement.

Je suis en tout cas heureuse d'avoir découvert ce site riche en informations, en partages, et de découvrir toutes les actions ô combien précieuses de l'association Face à l'inceste . Courage à tous ceux qui sont dans l'épreuve, et bonne continuation à tous.

Nous en parlons
P
Pivoine
Publié le 18.06.2018
Inscrit il y a 10 ans / Nouveau / Membre

Bonjour,
tu es entendue et lue et surtout comprise. J'ai vécu l'inceste, étant petite. Oui, je pense que c'est important que tu dises ce que tu ressentes à ta mère et que tu lui ouvres ton coeur. C'est très important pour sortir du non-dit. Même si tu n'est pas la première protagoniste, tu es touchée par ricochet. C'est beau l'amour qui transparaît pour ta mère :). Quand j'ai révélé l'inceste à mon entourage, ma fratrie m'a soutenue mais mon fils qui avait la vingtaine n'a pas compris ma démarche. J'en ai été peinée. J'aurais aimé qu'on en discute ouvertement, qu'on laisse parler nos vrais sentiments. Parler à ta mère sera profitable à toutes les deux. Je t'encourage. Amitiés