Merci

Témoignage Publié le 07.04.2006

Bonjour,
C'est la première fois que je m'adresse réellement à vous, compagnons d'infortune! La première fois que j'ai envoyé un texte, c'était comme une bouteille à la mer, ou peut être comme des graffitis. Une trace. Quelque chose. Je suis encore anonyme. J'ai encore peur. Peur de tout et de rien. C'est probablement une secte. Pourquoi m'aiderait-on ainsi? N'avons-nous pas pris l'habitude, nous enfants maltraités, faute de pouvoir écrire autre chose, de nous méfier de tout? Et surtout de l'aide.

De celui qui semble bien intentionné. Pourquoi m'aiderait-il? Que veut-il? Il ne faut pas les laisser nous avoir. C'est un peu paranoïaque comme formulation! Aujourd'hui, je vais bien. Je regarde de temps en temps, le nombre de lectures. A combien de personnes me suis-je adressée aujourd'hui? cela me permet de renouer avec les autres. Ce lien qui a été distendu mais non coupé. Ce terme me fait mal. Cela vous arrive-t-il parfois, compagnons d'infortune? D'avoir mal à certains mots? Certains gestes? Je refuse la folie. Mais les souvenirs me font mal parfois.
Hier, j'ai eu ma mère au téléphone. C'est étrange. Après plus de trois ans de silence, j'ai décidé de la revoir. Pourquoi? J'étais malheureuse. Son absence me pesait. Quand elle parle de mon père,ce cher disparu, je me sens étrange. Ai-je rêvé? Non. Je le sais. Ma soeur, après trois ans d'absence, m'a pris dans ses bras, et m'a tapoté sur l'épaule. Ce geste me réconforte. Elle sait et elle a vécu la même horreur. Chacun est là, heureux de se voir, avec ses blessures, ses rancunes. J'avais décidé de ne plus les voir, de faire table rase de mon passé.Mais je les aime. Certains bien sûr, je ne les aime pas. Ils sont vulgaires et tellement prompts à porter un jugement sur tout. Je pensais qu'il valait mieux ne plus les voir.Ceux qui pensent qu'il faut "respecter père et mère"Et puis, je me suis isolée. c'est difficile l'isolement. Pourquoi me serais-je punie?
J'avoue que parfois j'aime à raconter à ma mère combien je suis heureuse. Ce qui est vrai, parfois. J'aime la faire souffrir pour me venger.Elle qui ne qui ne sait pas ce qu'aimer veut dire. Mais j'ai remarqué que cela ne sert à rien. Etre dans la vengeance, c'est être encore dans le lien. J'essaye maintenant d'être moi même. Je ne peux pas ne pas avoir de tant en tant des nouvelles de ma famille. Je leur en veux bien sûr. J'étais enfant. On aurait dû me protéger.Mais sans verser dans les excuses trop faciles, que l'on aime à donner à ceux que l'on aime, j'essaye de concilier ce qui paraît ne pas l'être. Et je me sens alors plus forte. Avez-vous déjà éprouvé cela? Ma psy m'a aidée pendant quelques temps. Puis, elle m'a fait très mal. Elle a mis en doute tout ce que je lui avais confié. Elle a jeté aux ordures, ma vie et mes souvenirs. Mais ne dois-je pas reconnaître qu'elle m' a aidée? Et elle a ensuite atteint ses limites. J'avais envie de lui écrire une lettre d'insultes, de la faire souffrir. Mais c'est toujours être dans le lien. Mes parents m'ont mis au monde. Je suis issue d'un milieu très socialement défavorisé. J'ai fait des études, et occupe un emploi qui m'intéresse. Pendant longtemps, j'ai voulais croire que je ne leur devais rien. C'est normal. J'avais mal. Mais j'alternais, la haine et l'amour. Je crois maintenant avoir compris quelque chose. Mes parents m'ont apporté quelque chose. Même mon père!!!!!Et c'est pour cette raison que je les aime. J'ai regardé hier un film qui avait pour thème le viol. Cela me met toujours mal à l'aise. On voyait aussi le côté du violeur. Il ne s'agit pas pour moi de les encenser, mais de comprendre. Les deux personnages regrettaient leur actes. Et brusquement, ils devenaient humains. J'essaye par delà la colère de mettre de l'humain. Ce n'est pas facile. Et même maintenant, en écrivant ceci, j'éprouve de la colère. Je me dis :"ce salaud, il a bien vécu". Mais a-t-il réellement aussi bien vécu que cela? L'amour n'est-il pas plus vivifiant que la haine? Je ne ferai pas des violeurs, de pauvres victimes. Non. Un homme ou une femme doit assumer ses actes. Mais quand je parle ma mère, je me demande s'il ne vaut pas mieux être comme moi, refuser de se venger. Venger n'est pas punir. Il faut si on le peut porter plainte. Bein sûr! Je vais arrêter là, ce texte m'épuise et je recommence un peu à avoir peur. Mais j'ai décidé de tenir bon. Courage à tous.
Amicalement.