S'accepter malgré son passé...

Témoignage Publié le 19.01.2016

S'accepter

malgré son passé...

Je m'appelle Canopée, j'ai 31 ans.


Ma mère ne m'a jamais aimée ou peut-être à sa façon, en tout cas, pas comme une mère devrait. Je suis née dans l'espoir de retenir mon père mais cela n'a pas marché et il a filé... Le vrai visage de ma mère est alors ressorti : blâmes, injures, violences... Elle me détestait et je devais payer... Elle hurlait sans cesse à quel point elle avait honte de moi, que je n'étais qu'une souillon, elle se demandait ce qu'elle avait fait au bon dieu pour mériter une fille comme moi... Moi, je n'avais pas de réponse et j'étais punie pour ça...


Elle rencontra mon beau-père qui me fit des attouchements. J'en parlais à ma mère, elle m'accusa, devant lui, que je m'étais trompée et que c'était n'importe quoi. J'en parlais à mon père qui menaça d'aller le voir pour lui faire voir sa façon de penser mais du haut de mes 7 ou 8 ans, je lui dis que j'allais régler ça et que si ça recommençait je lui dirais... Sa réaction m'avait fait peur, il ne m'en reparla jamais. Je savais que j'étais seule mais je n'imaginais pas à quel point...


Ma mère travaillait tout le temps et me laissait seule à la maison ou j'attendais des heures à son travail après l'école. Les parents de mon beau-père vinrent me chercher après l'école. J'avais droit à un succulent goûter et même de regarder la télé... Pour moi, c'étaient des moments de quiétude où je pouvais être une vraie petite fille... Cela ne dura pas longtemps. Très vite, ce grand-père commença à me caresser un peu partout. J'en parlais à ma mère. Je voulais juste être tranquille, me reposer chez quelqu'un qui ne me ferait pas de mal, mais c'était peine perdue... Ma mère me dit "Cela tombe très bien : il y a un repas de famille tel dimanche, quand les frères de ton beau-père sauront ça, ils arrêteront de me prendre de haut." J'eus très peur et je lui demandais de ne rien dire.


Adulte, lorsque je lui demandais des comptes, elle n'eut de cesse de me répéter que je ne pouvais m’en prendre qu'à moi car c'est moi qui lui avais demandé de se taire... Mais je n'avais que 8 ans... ! Bref, j'en parlais à mon père et celui-ci me dit qu'il allait le tuer... Je lui ai dis que j'avais menti et pareil, il ne m'en reparla plus jamais, après une belle soufflante pour lui avoir menti !


Seule, je dus me défendre, changer régulièrement de pièce, ne jamais faire de bruit, rester dehors le plus longtemps possible... Mais un pédophile retrouve toujours sa proie... Lorsqu'il abusait de moi, j'avais l'habitude de partir de mon corps, de voler au-dessus, de m'anesthésier de tout ce merdier et un jour, je sortis de ma torpeur complètement terrifiée, mon corps m'avait rappelée à lui. Lui était amusé de la situation et me répétait : Tu as eu mal? Je lui disais, honteuse que non et lui souriait. Il voulait savoir si cela me dérangeait... et je me rappelle répondre non... C'était un réflexe, on ne répond pas à l'adulte, on ne contrarie pas l'adulte... sinon, tu vas avoir des problèmes... Je garde encore tellement de honte de tout cela...


Etre valorisée par les maîtresses d'école me faisait un bien fou alors pour survivre, je me suis concentrée sur les études pour me sortir de toute cette merde, j'ai tenu jusque la dernière année de celles-ci où j'ai été hospitalisée en clinique psychiatrique plusieurs mois. Tout me revenait en pleine face, tout ce que mon cerveau avait voulu oublier...
J'ai voulu porter plainte, j'avais 27 ans, il me restait un an avant la prescription pour viol mais l'avocate (grâce à un bon de la mairie) me dit qu'il était mort, qu'elle ne pouvait rien... Quant à mes parents, c'était une parole contre une parole donc elle ne pouvait rien non plus pour moi.


Je trouve qu'aucun personnel médical n'est formé à l'inceste : on les paye pour rien. J'en ai vu une qui laissait le silence s'installer toute la séance, et qui refusait que je parte lorsque je lui expliquais que cela ne m'avançait à rien... J'ai réussi à partir, sans son accord, sans bilan ni autre mot que « au revoir » après 5 années de psychothérapie, à la payer 2 fois par semaine !


J'essaie de garder foi en la vie, j'ai coupé les ponts avec tous mes bourreaux, j'ai changé plusieurs fois d'adresses et de téléphones car les voir était bien plus destructeur pour moi...


J'ai réussi à tomber amoureuse d'un homme qui m'a aimée comme j'étais... C'est le premier homme de ma vie, avant j'étais incapable de les regarder, trop terrifiée, trop occupée à me protéger d'eux, à les fuir.


Tout cela a détruit une moitié de moi, j'essaie juste de sauver la seconde partie, qui des fois se noie, des fois rit aux éclats... mais qui voudrait juste être elle, dans sa totalité, avec son passé, son présent et son avenir à inventer...


Merci de m'avoir laissée être moi sur ce témoignage, merci à Face à l'inceste d'exister. Les membres de cette association sont d'une aide précieuse... Je suis contente de connaître ce site...

Nous en parlons
L
Louane
Publié le 06.04.2016
Inscrit il y a 9 ans / Nouveau / Membre

Bonjour chère Canopée,

Je comprends ce que tu décris, et je t'encourage à essayer d'autres démarches d'aide psychologique car la psychothérapie couvrent certains besoins, mais pas tous.

Je lis que tu essaies de sauver la seconde partie, qui des fois ses noie, des fois rit aux éclats :

Que représentent, pour toi, chacune des deux parties que tu évoques ? Si chacune de ces parties pouvait parler, que diraient-elles ?Si tu pouvais représenter chacune de ces parties, comment seraient-elles ? Forme, couleur, taille, texture ?

Quels liens fais-tu entre ces représentations et ce que tu vis aujourd'hui?

Regarde le chemin parcouru, les obstacles dépassés, et tu es là aujourd'hui. Tu exprimes que tu voudrais "juste" être "dans ta totalité". Tu es sur la bonne voie avec cet horizon en vue :-)

Courage et bienvenue à toi parmi les membres de cette association :-)