Témoignage Femme: lettre à mon frère "ma vérité"

Témoignage Publié le 18.05.2008
Antoine,

Cette lettre a pour but d’expliquer, mon silence depuis plusieurs années déjà.
Il existe un lourd secret dans notre famille, un sujet tabou.
Mais j’ai décidé d’arrêter de me taire. Malgré je le sais, la douleur que je vais diffuser avec cette lettre.
Je vais te raconter mon enfance. Elle n’est pas forcément la notre.
Nous n’avons pas bénéficié des mêmes traitements. Et nous n’avons pas le même père.
Notre mère était enceinte de toi. Quand elle se maria avec M. Lxxxx, et moi qui m’appelai Rxxxxxx depuis mes 3 ans, fût reconnu Lxxxx également, dans la foulée. Il fallait remettre les choses en ordre à l’époque, fille mère avec 2 enfants, ça faisait désordre.
Elle était bonne à tout faire, chez un médecin, et ne pouvait s’occuper de moi. J’étais en nourrice la semaine, et elle me voyait quand elle pouvait le week-end.
Elle ne m’a jamais vraiment parlé, de ce père, il s’appelait Francis, je crois, et il est parti à ma naissance. Point.
J’ai appris mon histoire à 13 ans, avant je pensais vraiment être une métisse comme toi. Ils m’avaient expliqué que cela arrivait, qu’un enfant issu d’un couple mixte, soit blanc, ça sautait une génération. Aux Antilles, ils connaissaient une famille, les 3 enfants étaient différents, pas un pareil, dingue non !
Mais dans quelle circonstance, et pourquoi à 13 ans !!!
Parce qu’a 13 ans j’ai failli tombé enceinte de ton père.
Lui dans l’embarras, elle en pleure, (plus de honte, qu’autre chose) t’inquiète pas, on va arranger ça.
Et histoire de me faire déculpabiliser : « de toute façon, c’est pas ton père ».
Oui, je suis une victime de l’inceste.
Les attouchements, du plus loin que je me souvienne, on commencé lors de sieste, avec toi et lui, quand nous dormions encore dans la même chambre. Donc je suppose à partir de 6/7 ans.
Au fil des années, et de ma croissance, il a été de plus de plus loin, dans « la relation ».
J’étais complètement manipulé, je n’étais qu’une petite fille, au début je ne savais pas que cela ne ce faisait pas, je pensais qu’il m’aimait, c’était mon père. Et ces colères me faisaient tellement peur. Puis en grandissant, la peur et la honte ont pris le dessus.
Je n’ai jamais rien dit.
Tu dois te dire, comment je n’ai rien vu, à moins que tu ais vu….
Je n’avais pas trop le droit de sortir, toi tu étais toujours dehors. Dés qu’il pouvait être seul avec moi, il en profitait.
Puis pour être plus tranquille, à l’adolescence, je devais avoir une chambre pour moi toute seule. Quel père attentionné !
Notre mère shootée aux somnifères dés 10h, toi au lit, demain il y a de l’école. Il était tranquille.
C’est devenu, presque routinier, jusqu'à mes 17 ans.
Un soir, j’ai hurlé NON, si tu me touches encore, je te tuerais.
Cette nuit là tout l’immeuble a du l’entendre. Toi tu dormais à côté.
Il lui était devenu insupportable, de me voir grandir, lui échapper, de plus j’étais tombé amoureuse de Bxxxxx.
Il devenait de plus en plus agressif et violent. Pour information petit frère, mon arcade sourcilière fendue, ce n’était pas l’armoire à pharmacie, c’était son poing. Je commençai sérieusement à faire ma rebelle, j’avais découché sans son autorisation.
Un jour il m’a dit « puisque tu es si bien dehors, tu n’as qu’à y rester »
Il fallait pas me le dire 2 fois, 17 ans, j’ai fait mon baluchon et suis parti.
Tu avais 13 ans, notre mère m’a souvent reproché, ce départ, qui aurait perturbé ta scolarité.
Je n’ai jamais senti, ni amour, ni compassion, ni intérêt pour moi, de sa part.
Tu étais Son fils.
Ma psy. L’explique. Elle n’aurait pas eut le temps de créer un lien avec ce bébé. Puisqu’elle a fait une dépression à ma naissance, et m’a mis en nourrice. J’étais la « bâtarde », plus tard l’enfant blanc, avec un père noir, j’ai du lui faire subir plus d’humiliation qu’elle n’a pu supporter.
Mais, elle ne m’a pas protégé. Elle n’a pas pris ses enfants par la main, pour fuir cet homme violent. Elle a fait l’autruche. C’est réfugié dans son boulot, son amant, la télé « Dallas et les feux de l’amour ».
Elle était dans un autre monde, pendant que son enfant souffrait en silence.
Je lui en veux presque plus qu’a lui.
38 ans, j’ai pété les plombs, grosse dépression. Suite à une conversation téléphonique avec notre mère qui m’a fait comprendre, ….qu’elle savait.
C’était l’affaire Dutrou, à l’époque, les médias en parlait, et je ne sais pas pourquoi, c’est venu dans la conversation, elle m’a balancé :
« comme avec toi, ça ne m’étonnerait pas que tu nous envoie les flics, un jour »
Ce fut terrible pour moi. Toute ma vie a basculé.
Elle a fait ressortir tout ce passé, que je m’étais inconsciemment efforcé d’oublier.
On appelle ça, le déni. Une manière de se protéger, on zappe une partie de sa mémoire. C’est bien pratique sur le coup. Mais le mal-être lui, reste, les angoisses, les accès de colères, la peur. Et cette piètre personnalité, que je m’étais forgé.
Mes rapports avec Jxxx, se sont détériorés, je ne pouvais plus avoir de contact sexuel.
J’ai dû lui expliquer, à l’époque, il a eut du mal à encaisser et à en comprendre les conséquences.
Ta nièce, Vxxxxxxx, sait depuis 1 mois. Elle l’a plus ou moins découvert, en tombant sur le site Face à l'inceste , une Association Internationale des Victimes de l’Inceste, dont je fais parti. Elle m’a questionné, bien qu’elle sentait qu’un lourd secret pesait sur les épaules de sa mère, depuis longtemps déjà.

Si je t’en parle aujourd’hui, c’est que je n’avais jamais imaginé, qu’il puisse abuser, d’une autre petite fille que moi. Mais il y a risque.
Risque qu’il ait pu toucher à ma petite fille. Je lui en ai parlé, il ne lui a rien fait, elle se souvient de comportements souvent bizarre de sa part, mais me soutient qu’il ne lui a rien fait.

En t’écrivant, c’est à Axxxxxx que je pense. Ta petite fille.

Voilà, ma vérité est entre tes mains. Fais en ce que tu veux. Tu devais savoir.
Je vais ternir, la belle image que tu avais de tes parents, j’en ai conscience, mais je ne pouvais plus rester dans le silence.
Marie
alias : malulu