Témoignage femme: une blessure à vie

Témoignage Publié le 11.12.2006
Comme tant d'autres sur ce site et ailleurs mon enfance n'a pas été toute rose. J'ai 25 ans et cela fait près de 20 ans que je porte en moi la blessure que m'a infligée mon oncle, une personne qu'en ce temps-là j'aimais, en qui j'avais confiance et qui m'a volé mon innocence. Cela a duré deux ans, deux ans de silence, de chantage, de pleurs, de non-dit... A cette époque, je n'avais que 5 ans, mon grand-père venait de mourrir, lui que j'adorais, qui m'amenait partout avec lui, il m'a abandonnée et m'a laissée aux mains de son fils. Tous les week-ends c'était la même chose, tous les week-ends mes parents me confiaient à mon oncle pour l'après-midi car ça leur faisait plaisir de voir qu'il tenait son rôle de tonton à coeur... Il avait 18 ans moi 5, il était là pour me surveiller, non ? Que pouvait-il bien m'arriver ? La pire des choses qu'un enfant puisse subir... Je me souviens encore lorsqu'il m'emmenait voir les lapins, puis il me faisait descendre dans une espèce de cave. rien que de penser à cet endroit, je ne me sens pas bien ! Il y faisait si sombre, l'odeur qui y régnait était étrange, une odeur de moisi, d'humidité, je ne voulais pas y descendre mais il me disait "Il ne faut pas avoir peur ma Floflo, tu sais que ton tonton t'aime" et il me faisait descendre et nous jouions à faire à dada comme il disait. Je me souviens de sa respiration qui s'accélérait, du mouvement de son bassin, de ses mains qu'il appliquait sur tout mon coeur, de son sexe si dur qui me faisait mal. Je voulais qu'il arrête mais il continuait encore et encore en me disant "Si tu es gentille, je te donnerais le petit panier bleu qui est dans le grenier, tu sais celui que tu aimes bien" alors comme mes parents n'avaient pas l'argent pour m'en acheter un et que j'en voulais un comme ça, je continuais. Je continuais parce qu'il m'avait promis de me le donner et j'en avais tellement envie. Mais je n'étais jamais assez gentille pour le mériter, il fallait que je sois encore plus gentille et que je le caresse, que je le branle pour qu'il jouisse et puis il disait qu'il m'aimait et que toutes les petites nièces qui aiment leur tonton font des bisous au zizi. J'avais 5 ans bordel, comment on peut demander des choses pareilles à une petite fille qui ne connaît rien à la vie, qui ne sait pas que ce qu'elle fait, les autres petites filles ne le font pas ? Pendant deux ans, je n'ai jamais eu mon petit panier, j'ai eu d'autres choses mais rien qui puisse égaler cet objet et il le savait... Pourquoi mes parents n'ont-ils rien vu ? Comment ont-ils pu être aussi aveugles ? Je ne devais rien leur dire, c'était un secret et puis si je disais quelque chose, il aurait donné MON panier à ma cousine. Alors, il a continué, continué et chaque week-end m'a un peu plus détruite. Puis du jour au lendemain, plus rien car j'avais dit à ma maman que j'avais mal et que c'était tonton qui m'avait fait mal... Que s'est-il passé, je ne saurais le dire, toujours est-il que mes après-midis ont cessé et que plus personne n'en a parlé. Le temps a passé, j'ai refoulé tout ces sentiments douloureux pour vivre comme les autres enfants de mon âge mais je n'étais pas pareille, j'avais toujours une certaine tristesse dans les yeux, j'étais toujours méchante avec ma petite soeur mais je ne comprenais pas...
Et vers 17 ans, j'ai pris une bombe à retardement en plein visage... C'était la période où on parlait tant de Dutroux à la télé, de pédophilie et peu à peu j'ai commencé à avoir des images très rapides, des flashs très imprécis que je ne comprenais pas. J'ai même cru que tout cela était le fruit de mon imagination et puis ces flashs se sont transformés en scènes de plus en plus précises et la petite fille à qui l'on faisait du mal, c'était moi !!! C'était moi qui pleurais parce que j'avais mal et pas quelqu'un d'autre... ces scènes d'horreur m'ont envahie, un mot, une odeur, une sensation me faisaient y repenser et que dire des gens qui m'appelaient FLOFLO pour m'embêter. J'avais l'impression de devenir complètement folle, de le voir partout et je n'arrivais pas à en parler. Je me sentais détruite, au bord du gouffre prête à sauter pour en finir avec mes cauchemars et personne ne le voyait. La journée, personne n'aurait pu croire que je m'enfonçais, que je me sentais si sale, que j'avais honte, tout le monde et mes parents les premiers croyaient que j'étais heureuse mais je ne pensais qu'à une chose mourir!!! Personne ne savait ce qui se passait une fois la porte de ma chambre fermée: j'éclatais en sanglots, je me faisais mal physiquement en me griffant, me coupant pour arrêter de penser à toutes ces horreurs. Je ne voulais plus dormir et ne le pouvais plus, j'allumais des bougies partout pour ne pas me retrouver seule dans le noir et je serrais mes nounours en espérant qu'il ne surgirait pas dans ma chambre...
Le voir surgir, c'est quelque chose dont j'ai toujours peur même 18 ans après la "fin" de mon calvaire, même après des tas de rendez-vous avec une psy. J'ai peur de le voir même si je ne suis plus cette petite fille terrorrisée, je sais que maman est à mes côtés et qu'elle ne permettra plus jamais qu'il s'approche de moi mais même si elle sait, pourra-t-elle un jour comprendre ? En fait, je me dis que le jour où je pourrai enfin dormir tranquille sans avoir peur de lui, c'est le jour où j'apprendrai qu'il est mort!!! J'ai toujours peur de le croiser par hasard car même si je ne l'ai pas vu depuis plus de 12 ans, je le reconnaitrai... je hais ce visage qui reste dans ma mémoire, ce sourire, je hais ce qu'il est ! A cette heure-ci, il ne doit bien sûr plus penser à la petite Florence, elle a tout oublié pense-t-il certainement mais non, je n'oublierai jamais !!! Même si maintenant je suis mariée, même si j'ai un mari qui m'adore et qui avec énormément de patience, de tendresse m'a appris à être une femme, il m'arrive encore tout d'un coup d'être bloquée, de ne plus pouvoir rien faire. J'aime mon mari et je lui suis tellement reconnaissante pour tout ce qu'il a fait... Cela fait 8 ans que nous sommes ensemble, 3 ans que nous sommes mariés: la logique voudrait que nous ayons des enfants mais j'ai peur, peur de ne pas voir, de ne pas être là comme ma mère, peur qu'on leur fasse du mal!
Non, même après tant d'années, même si j'en ai parlé, ma blessure est toujours là !