Une double peine: le viol et ma condamnation par ma famille

Témoignage Publié le 31.07.2013

thinkingmanJ’ai aujourd’hui 48 ans. Mon oncle (frère de mon père) m'a violé à plusieurs reprises alors que j’étais un petit garçon de 6 ans et demi: il a commencé par m’obliger à toucher son sexe ; ensuite, il a pratiqué des pénétrations ; ma grand-mère a découvert un jour ces viols et ne pouvant pas supporter le comportement de son fils, elle s’est suicidée moins de 2 semaines après ; cela n’a pas empêché mon oncle de continuer jusqu’au jour où il a voulu m’étrangler ; j’ai crié suffisamment fort pour lui faire peur et cela a mis fin à cette série de viols qui se seront étalés sur 6 mois environ.

J’avais effacé tout cela de ma mémoire et les éléments me sont revenus très lentement, près de 30 ans après au cours d’une psychothérapie ; encore maintenant, je revis avec plus ou moins d’intensité, chaque année ces jours très lourds à porter.

Mais au-delà ce dette seule épreuve qui est déjà très lourde, le comportement de ma famille m’a enfoncé. Lorsque j’avais une vingtaine d’année, je suis plusieurs fois passé assez près du suicide ; j’ai vécu plusieurs attaques de panique.

Les relations dans la famille de mon père étaient pathologiques : mon grand-père était très faible et complètement absent ; ma grand-mère chérissait mon oncle au-delà du raisonnable ; mon père qui était l’aîné des deux frères était jaloux de cette relation exclusive ; il voulait démontrer à sa mère que lui avait réussi (il s’était marié, avait deux fils, était enseignant) et qu’il valait plus que mon oncle qui ne faisait pas grand-chose ; déjà à ce stade, j’était plus présenté comme un objet que comme une personne. Durant les absences de mes parents, mon frère suivait ma grand-mère alors que je restais à la maison avec mon oncle, lui laissant ainsi toute liberté pour me violer. J’ai le sentiment fort que cette situation convenait à tout le monde : à mon oncle, bien sûr ; mais aussi à mon père car de ce fait, son frère et sa mère se trouvaient séparés. Il espérait probablement retrouver un peu d’existence auprès de sa mère.

Après le suicide de ma grand-mère, les choses ne se sont pas arrangées pour moi : toute mon enfance et mon adolescence, mes parents n’ont eu de cesse que de me rabaisser, de me castrer : mon père ne perdait jamais une occasion de me montrer mon impuissance, par exemple, il me laissait une hache pour essayer de couper un pommier ; je n’y parvenais pas et il finissait le travail avec une scie à buches ; un jour, ma mère a insisté pour que j’essaye un de ses soutien-gorge ; ma mère a adopté une attitude de soumission totale vis-à-vis de mon père, refusant de prendre la moindre décision, comme pour expliquer que s’il s’était passé quelque chose dans le passé, elle n’y était rigoureusement pour rien puisqu’elle ne prend jamais de décision. J’ai toujours senti du rejet de la part de mon père.

Mon oncle s’est finalement suicidé près de 20 ans après les faits, après une longue dérive. Suite à cela, ma mère a placé un bouquet d’immortelles dans ma chambre me disant symboliquement que je devais porter le deuil de cet oncle pédophile ; sur la tombe de mon oncle, mes parents ont placé une plaque « à notre oncle » mais pas de plaque « à mon frère ». C’est assez surprenant.

Encore 10 ans plus tard, j’ai entamé une psychothérapie et les souvenirs  me sont revenus clairement après quelques années de travail. J’en ai alors parlé à mes parents : la seule réaction de ma mère a été de se demander si mon frère avait subi la même chose. Je n’ai pas eu de compassion de sa part. Mon père a toujours refusé ma vérité. Pour lui, il est clair que j’affabule. Aujourd’hui, je ne les vois presque plus et dans mon esprit, ils sont déjà morts.

Aujourd’hui, j’ai une vision structurée de tout cela. Mais cela m’a pris un temps colossal. Et je ressens toujours des fragilités. Longtemps, j’éprouvais une vraie difficulté à être seul avec une autre personne ; à partir de 3, j’étais rassuré. En fait, ce qui crée le traumatisme, c’est la combinaison des actes d’inceste eux-mêmes et le comportement de la famille