Violences ordinaires

Témoignage Publié le 21.03.2019

Violences ordinaires

INCESTE MORAL ET FORCEMENT PHYSIQUE PUISQUE  C'EST LE CORPS QUI EST VISE DANS SA PLUS GRANDE INTIMITE

Je me décide à vous envoyer ce texte un peu en vrac car j’ai du mal à faire de la littérature avec ce qui suit ! c’est aussi peut-être une façon de tenter de me séparer de ces cauchemars… Je voudrais savoir où commence le crime?? Je souhaiterais surtout davantage entendre parler de « l’incestuel », qui peut être une violence "ordinaire" mais non moins destructrice. Lorsque les sujets d’abus sexuels sont évoqués dans les médias, il me semble que l'on ne met pas assez l'accent sur les comportements qui peuvent paraître anodins mais qui sont pourtant des agressions aux lourdes conséquences. Il faut que les personnes qui comme moi ont vécu ou vivent cela sache que CE N'EST PAS NORMAL, qu’elles ne sont pas « coincées » et qu’elles peuvent hurler et dire NON, ce que je n’ai jamais pu faire !!! Je vous remercie de lire jusqu'au bout. Dominique

Après mes 2 enfants et la séparation d'avec leur père victime d'un accident et au bout de 10 ans de solitude totale, un ancien petit ami est revenu dans ma vie. Il s'est avéré que c'était quelqu'un de manipulateur et dont les défenses étaient perverses. J'intuitais que je supportais l'insupportable parce que je connaissais déjà cela et ma propension à culpabiliser et douter faisait son lit. J'ai fui non sans mal au bout de dix ans... Ma vie est un désert affectif et surtout teinté d'une grande dépréciation que j'ai de moi. J'ai bcp de mal avec tout ce passé de mon enfance et adolescence, et qui me hante encore à 59 ans. Quelque chose n’a pas pu grandir. On ne parle pas assez de ces comportements malsains et insidieux, de cette violence morale destructrice qui est aussi physique car cela touche votre corps, votre intimité et de réaliser que l'on a rien pu dire car c'est comme une dictature, ça rend l'ampleur du désastre encore plus frappante.

« ..Ma mère faisait la cuisine à poil parfois et il lui mettait la main aux fesses, même si elle était habillée. Parfois elle était à poil et portait juste un tablier ! Il faisait souvent des réflexions en dessous de la ceinture, il lui est arrivé de s'amuser à gonfler une capote, on était en voiture... Et tout ça devant nous de toutes les façons. Je le détestais et j'ai tant souhaité qu'il ait un accident lors de ses déplacements professionnels, qu'il ne revienne pas. Je le déteste toujours. Il me dégoûte alors que c'est quelqu'un de trés propret. Sa présence me révulse et j'ai beaucoup de mal quand il faut dire bonjour en faisant la bise, il me semble que je suis toujours une petite fille terrorisée...

Ado ma chambre était un lieu de passage vers le jardin. Il y avait de grands placards où étaient rangées leurs affaires. Le matin ma mère venait se servir avant que je ne me lève. Et le week-end les plats à servir dans le petit jardin passaient par ma chambre. Elle ne manquait pas de passer à poil quand c’était l’été... Plus jeune dans un autre appartement c'était la tv qui était dans ma chambre, il avait fallu voir la série documentaire "Holocauste", c'était la fin des années 60 début 70, j'avais peut-être 9 ans.. L'image de ces gens nus m'a hantée, je m'identifiais, même si évidemment il n y a rien de comparable mais cette nudité contre la volonté était aussi ma souffrance. Incapable de dire non, car on ne sait pas le bien et le mal. Et puis la terreur d'un "père" qui n aime pas les enfants, la « famille » etc... Mon frère est devenu complice de cela. Je n'ai plus de frère car il s est mis à me rejeter aussi pour être de leur côté, sans doute était-ce un choix inconscient. On avait que 13 mois d'écart, il fallait qu’il se protège à sa façon sans doute ?

Il y a 4ans pour la première fois je leur (père mère) en ai dit quelque chose de tout ça, mais sans rappeler des épisodes précis, (je ne le pouvais pas), c'était déjà incroyable que j'ose faire allusion à « ça ». Mon "père" a minimisé et a voulu se justifier en disant que c'était à cause de l'époque 68 etc... Foutaises ! Il a dit qu'il avait déconné... Foutaise ! TROP TARD !!! Ils étaient nus, j'étais la "coincée" il y avait les fessées déculottées dès que je rentrais cinq minutes en retard : il se lavait les mains avant, la mère riait nerveusement et le frère rigolait aussi, il fallait bien sans doute. Moi je pleurais, l'humiliation, je sentais bien qu'il retirait un malin plaisir à frapper mes fesses nues... Il y a eu ce paquet de cigarettes gauloises avec sur trois coins inscrits CUL. c était une devinette, un rébus. C était un dimanche midi, j'avais environ huit ans, le paquet circulait au cours du repas et ils rigolaient car je ne comprenais pas la blague. J'ai compris des années plus tard : "manque cul " (m 'encule)... Cela me fait encore pleurer.

J'ai envie de vomir. Ils étaient nus, l'été il y avait le cap d'Agde, parfois ailleurs. Une année en Corse j'avais mes règles il a dit que je faisais exprès de mettre une culotte pour ne pas être nue. Je l'étais pourtant hélas le reste du temps... A 13 ans ! C'était obligatoire. Un jour alors que nous vivions à Cleveland aux USA, j'avais 13 ans, ma mère est venue me demander de me déshabiller car mon père allait rentrer et il m'a fait réciter mes leçons comme ça. Je ne sais pas si tout le monde était à poil aussi mais certainement. Nous étions partis en voyage dans l’ouest, dans la voiture il y avait un ou deux Playboy que nous pouvions lire, nous avions 13/14 ans... Il y avait toujours ce vice qui planait...

J'ai envie de vomir et il y a la peur, la honte, les mots, je n'ai pu les dire que très tard. J'ai appris à dire grâce aux psy. Ma mère était soumise il fallait pas faire de problèmes... j'étais LE PROBLÈME, mon frère me le disait toujours. On m'a foutue dehors à à peine 16 ans dans un cellier au fond d'un garage aménagé en piaule avec juste un lavabo et WC, c'était à Corbeil Essonnes, à 20kms de chez eux. C'est ma mère qui s'en est occupée, elle faisait ses "commissions", il ne me supportait plus car je faisais tout le temps la gueule. Aujourd’hui je sais que c’était ma façon de dire NON et finalement je suis fière de pouvoir me dire ça, cela m'aide... j'étais si mal mais rien ne pouvait se dire et je ne parlais pas. J'étais censée avoir des parents qui me laissaient beaucoup de liberté, (je pouvais rentrer tard des boums même à 13 ans). J'appelle cela de la démission. Je ne disais rien c'était mon lot, c'était comme ça.

C'était terrible, TERRIBLE, je n'ai pu le dire que très tard parce que le malheur c'est aussi la culpabilité, le doute, j'étais un zombie, je ne savais pas que c'était pas normal ce qu'il se passait, mais je souffrais. Mon père voulait que ma mère soit parfois habillée de tenues rouges et noires transparentes , un peu pute quoi. Il fallait aussi regarder "Angélique marquise des anges", j'avais 12 ans... L'obligation était implicite, il y avait comme une terreur latente, j'avais le sentiment que si je refusais je me serais faite traitée de coincée, etc... Aujourd'hui encore il m'est difficile de dire, de témoigner de cette violence "ordinaire" alors que j'en crève, car il n'y a pas de traces physiques, il n'y a pas eu de viol... Une fois il a voulu passer le rouleau à poussière sur mon pull à hauteur de poitrine je me suis rebiffée tout en étant craintive, et bien sûr j étais "la coincée". Après j ai entendu ma mère lui dire qu'elle même n'aurait pas aimé que son père lui fasse ça. Elle n a pas vu que j'entendais, c'est la seule fois que je me suis sentie un peu défendue.

En Corse sous la tente avec mon frère et ma mère présente, alors qu'il pleuvait, il a prit son sexe dans sa main et c'est comme si on était les derniers des cons parce qu'on ne savait même pas ce qui en sortait, ma mère était là et ne disait rien. J écris ces mots et j'en suis sûre, mais avec en creux la terreur de m'entendre dire que je dis n'importe quoi... Sauf que cela ne s invente pas. Il a voulu me coiffer une fois (j'avais 10ans), me faire des couettes et en tirant à me faire mal, je détestais ça, ça me dégoûtait qu'il me touche (et c'est toujours le cas, je me tiens à distance) mais je ne pouvais rien dire. Puis ils sont partis faire des courses et quand ils sont revenus j'avais tout défait et me suis faite engueuler par ma mère, en fait il fallait toujours se soumettre parce qu'elle craignait qu'il soit contrarié... Il y avait des réflexions sur l'éventualité que je me "tripote" car j avais une irritation... J'avais peut être 7 ou 8 ans quand il a dit ça, c'était toujours avec une arrogance et une espèce de mépris. Plus tard, Il avait aussi râlé car j'aimais bien dormir avec mes premiers soutien gorge. Alors qu'ils m'emmenaient à Paris pour que je passe un concours de guitare classique (11/12 ans ?) il a dit dans la voiture que je pourrais "tapiner" en les attendant s'ils revenaient un peu en retard. Je ne savais pas ce que cela voulait dire, j'ai demandé, on m'a expliqué, je crois que ma mère a fait une réflexion mais bon c'est tout.

Je ne crois pas qu'elle m'ait aimée. Et puis j'ai été élevée par mes grands parents adorés jusqu à 3 ans . Mes "parents", ces gens là quand ils m'ont reprise, ils en avaient pas très envie je crois. Et moi j'étais très malheureuse sans mes grands parents bien trop loin. Mon frère a pris le pli de mes parents et m'a toujours jetée et insultée : j'étais le "problème, l'erreur, moche, chiante et con"... Quand il m a vue enceinte de 3 mois à ce moment là il a dit "les gosses ça chiale et ça chie partout "... C'était un perroquet. Je n'ai jamais rien rapporté car c'était de toutes les façons mon lot d’être rejetée... Ma vie a été un chemin de croix et un désert affectif sans nom. Mon enfance à été angoisses migraines et rejet. Si je suis debout c'est sans doute un peu beaucoup grâce à mes grands parents et aux psys que je n'ai cessé de voir depuis que j'ai 16 ans. Au même âge on m' a foutue à la porte dans une chambre qui était un cellier au fond d un garage transformé en chambre avec juste un lavabo et un WC. A la petite fenêtre il y avait des grilles. J'y étais seule, c'était l'été j'avais 16ans. La grande soeur d'une amie était choquée, elle m'a ramenée chez mes parents qui étaient alors partis en vacances d'été...

J'ai dû demander à rester à la maison, j'ai prétexté mon bac à préparer, mais j'étais incapable de travailler et en fait je m'en fichais. c'est la facilité qui m'a aidée à l'école mais très tôt, je ne travaillais plus... Je n'ai pas eu mon bac, je ne l’ai pas vraiment passé. Je suis partie à Paris et j'ai travaillé à droite à gauche. Je n'ai pas fait d'études, à 18ans je n'ai plus reçu un centime, des ex-amis de mes « parents » m'ont hébergée un temps, j'étais extrêmement angoissée. Mon «père» était ingénieur et ma «mère» institutrice, des gens ni alcooliques ni violents en apparence mais très forts en discours intellos !!! Aujourd'hui je sais que j'aurais pu aller à la police, ils auraient été accusés d'abandon de mineur et avec la nouvelle loi d'agressions sexuelles. Je suis retournée pour prendre des photos de cette chambre-garage, comme pour être sûre que je n'avais pas rêvé, pour avoir des preuves. Je ne pouvais pas réagir c'était mon lot, cela avait toujours été mon lot : être rejetée

Mon frère disait que j'étais "le problème". Récemment j'ai fait le reproche de cette chambre et ma mère dans un déni absolu m'a répondue "tu étais d'accord"... Une fois de plus j'étais dans la sidération. Je n'ai pas pu réagir, pourtant je ne me souvenais en rien d'avoir accepté ou refusé et d ailleurs comment le pouvais-je ? C'était comme ça. Ces parents sont pervers et irresponsables ; manipulateurs. Rejeter toute leur irresponsabilité sur un enfant, c'est si facile. Mon frère s'est rendu complice, il se sentait sans doute légitime dans ses reproches et critiques. Je n'ai jamais rapporté, je n'y pensais même pas car par lui s'exprimait la voix de ces parents dégueulasses. J'étais sidérée dans le premier sens du terme. Que de tristesse et de détestation de moi même...

Toute ma vie a été un combat pour survivre à la souffrance morale de la détestation de soi. Parfois je vis encore l'enfer en moi. Qui peut comprendre ? Je relis ces mots et ils me semblent presque dérisoires, juste quelques lignes pour dire une vie de souffrance !!! Il y a des mots qui manquent, peut-être faut il les regards, l'effroi, la tristesse et la peur dans le ventre pour comprendre un peu ? Il n'y a pas que l'incestuel, mais c'est parce qu'il y a des parents qui ne sont pas à leur place, qui sont immatures que l'incestuel peut aussi s'exprimer." J'espère que vous pourrez lire , cela fait 59 ans que tout ça me tape dans la tête parce qu'il n'y a pas eu ni réparation, ni justice, ni condamnation même morale, par une institution. C'est pour cela que j'écris.

Je vous remercie

Dominique

....Tous ces faits, s'ils n'étaient pas quotidiens, l'étaient de façon latente et de toutes les façons au mieux c’était des réflexions inapropriées donc une menace permanente.

je me relis et je réalise que d'une certaine manière j'ai résisté, j'ai dit non à un système.