Vivre enfin... après 32 ans de souffrance

Témoignage Publié le 27.11.2009

childabusechainofpain2J'avais 6 ans, lui 12 et demi..e n'ai rien vu venir. J'étais encore une toute petite fille... Je rentrais en CP je me souviens. Mon frère ainé avait 6 ans et demi de plus que moi. Les mercredis, nous étions seuls à la maison, nos parents travaillaient chacun de leur côté. Il était censé, comme un grand frère, me "garder" et veiller sur moi.

Tout a commencé un mercredi. Et ça s'est poursuivi 3 ans durant tous les mercredis suivants. Au départ, bien que je ne comprenais pas ce qu'il faisait (à 6 ans on ne sait pas bien ces choses là d'adultes), j'avais toutefois conscience que ce n'était pas "normal" mais il me disait souvent "si tu le dis aux parents, tu auras des représailles alors fais attention...". Je me souviens qu'à l'époque j'ignorais évidemment totalement la signification du mot "représailles" mais me doutais que si je "parlais", j'aurais des problèmes. Alors je n'ai rien dit à personne et puis j'ai fini par me taire... pendant 20 durant.Ca s'est arrêté comme c'était venu. J'étais alors en CM1.J'avais alors 9 ans et lui 15 ans. Pendant des années, j'ai oublié, occulté cet épisode de vie pourtant marquant. Tout oublié.

Ca m'est revenue de manière fugace quand j'ai commencé ma vie de femme alors que j'étais adolescente. Des sensations de plaisir évidents et puissants étaient là mais je ne parvenais pas à m'abandonner. Jamais. Avec aucun homme.

J'ai vécu cela comme une souffrance des années durant. Comme une injustice. Comme presque une amputation. Et je ne parvenais pas évidemment à m'installer durablement dans une relation. Dans une relation, on s'abandonne à tous les niveaux. Pas pour moi donc ces choses-là...

J'exerce un puissant pouvoir de séduction sur les hommes depuis toujours et quand bien même je ne parvenais pas à être vraiment en couple. En fait, je ne voulais tout simplement pas être "percée" à jour. Qu'on sache...

Mon frère a de son côté, fait sa vie, s'est marié, a fait un enfant. Et évidemment s'est toujours tenu très très loin de moi bien qu'on habitait la même ville. Trop douloureux pour lui de me voir. Ca lui rappelait forcément ce qu'il avait fait. En 12 ans, à l'âge adulte, on a du se voir 5/6 fois. Je ne comprenais pas ce rejet. Pas à ce point.Moi j'avais réglé la chose le concernant. Enfin pas totalement mais tout de même. Je m'attendais à ce que la maturité de l'âge lui fasse assumer ses actes passés. Il a aujourd'hui près de 44 ans et il nel'assume manifestement toujours pas. Pas encore parvenu à maturation. Quelle tristesse pour lui !!!

Et puis un jour j'ai compris. Je lui ai demandé si me voir lui faisait du mal. Pour cela qu'il préférait ne pas me voir. Il m'a répondu tout simplement "oui". Il n'assume pas. Rien. Toujours pas. Pathétique. C'était y'a 5 ans. J'avais tiré une croix déjà bien auparavant mais je l'ai fait définitivement. Pas eu davantage de nouvelles de lui depuis. Pour mon plus grand "bonheur".

Si ce n'est il y a quelques semaines. Où il m'a contactée soudainement pour obtenir mes coordonnées téléphoniques. Il voulait apparemment me voir absolument pour un déjeuner en semaine. Arguant du fait que "le temps passait" et que "il avait pleins de choses à me raconter sur SA vie" (la mienne ne l'intéressant que peu, cela va sans dire...). Ce jour-là fut sans doute un jour déterminant pour moi. Ce jour-là je lui ai clairement dit que le voir ne m'intéressait pas. Clairement. Mais aussi laconique que cela. J'ignore d'ailleurs s'il a réellement intégré et compris la cause de mon "refus". Et honnêtement j'en doute.

Ce jour-là, j'ai compris que j'étais en train de "nettoyer" toute cette souffrance présente en moi depuis mes 6 ans. Ce jour-là j'ai pris conscience que je me "dépolluais" naturellement de cette personne toxique qui est mon frère. Définitivement. Ce jour-là j'ai compris que ma vraie vie affective pouvait enfin commencer. En tout cas que j'allais pouvoir enfin commencer à l'écrire...

J'aborde mes 38 ans aujourd'hui avec sérénité. Je sais aujourd'hui que il m'aura fallu tout ce temps de vie pour exorciser cette souffrance. Etre enfin à même d'être actrice de ma vie affective. J'ai bientôt 38 ans et j'ai l'intime conviction enfin que ma vraie vie peut et va pouvoir commencer. J'aurais simplement mis 38 ans à me libérer. A me désenchainer de ce premier mercredi et de tous les suivants. Mais ça y est c'est fait...Je n'aurais pas perdu 38 ans pour autant. Il m'aura simplement fallu tout ce temps pour faire ce chemin et enfin être prête à être une Femme en couple et sans doute ensuite une mère...

Dans un cas d'inceste, n'hésitez pas à vous confier, à le dire rapidement. Ne gardez pas ça pour vous des années durant. Vous risquez sinon de "bousiller" inutilement des années. Et quel que soit le "malaise" inter-relationnel familial, ne vous "polluez"surtout pas. N'essayez pas de voir la personne incriminée si vous en avez évidemment le choix. N'ayez pas peur de porter plainte. Battez-vous. Et impératif : toujours se rappeler que ce n'est JAMAIS la victime qui est "folle" "bourrée de problèmes" (liste évidemment non exhaustive...) comme on peut essayer de le lui faire entendre... mais son bourreau.

Pour ma part, j'ai fini par m'en ouvrir à 25 ans à ma mère. Qui ne m'a pas crue au départ. Ou plutôt qui n'a pas cru son fils capable de faire une chose pareille. Et puis comment n'aurait-elle pas vu 3 ans durant ??? Ben oui elle n'avait jamais rien vu. Comme tout le monde. J'imagine que c'est une douloureuse culpabilité pour une mère d'apprendre un tel acte entre ses deux enfants et comment son propre fils peut-il faire preuve d'autant de perversion n'est-ce pas ? Mais le déni de départ n'apporte franchement rien. Si ce n'est qu'il se comprend certes d'un point de vue "humain".


Ce témoignange -que j'espère sobre- simplement pour dire que on finit toujours par s'en sortir. Certes parfois ça prend davantage de temps pour les uns que pour les autres mais l'espoir de tout finir par exorciser finit toujours par vaincre. Toujours.