L’œuvre pédopornographique Fuck abstraction ne sera pas décrochée du Palais de Tokyo : place au Conseil d’État

Actualité Publié le 29.03.2023
Palais de Tokyo, Paris
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Palais_de_Tokyo,_Mus%C3%A9e_d%27Art_Moderne_de_la_Ville_de_Paris.jpg

Malgré la mobilisation de Face à l’inceste, aux côtés de cinq autres associations de protection de l’enfance, le tribunal administratif de Paris a jugé mardi que le tableau pédopornographique de Miriam Cahn exposé au Palais de Tokyo depuis la mi-février restera accroché jusqu’à la fin de l’exposition mi-mai. Face à l’inceste ne lâche rien et a décidé d’aller jusqu’au Conseil d’État !

A l’initiative de Juristes pour l’enfance, nous avons rejoint ce week-end la saisine en référé-liberté du tribunal administratif de Paris pour demander le décrochage de l’œuvre Fuck abstraction de Miriam Cahn, exposée au Palais de Tokyo depuis plus d’un mois, aux côtés des associations Pornostop, L’Enfance en partage, Innocence en danger ainsi que le Collectif féministe contre le viol.

Malgré beaucoup d’arguments avancés et pas moins d’une dizaine d’avocats mobilisés à la barre pour faire valoir le caractère pédopornographique de ce tableau et le caractère problématique qu’il soit exposé à des mineurs, le tribunal administratif a décidé mardi le statu quo : Fuck abstraction ne sera pas décroché. Selon le tribunal, « il n’y a pas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, car les libertés fondamentales en jeu sont la liberté d’expression et la liberté de création artistique ». Et d’ajouter que « le tableau n’a pas de caractère pédopornographique, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant est inopérant ». Pour Face à l’inceste, il s’agit d’un blanc-seing à la banalisation de la pédopornographie dans notre société.

En effet, cette œuvre représente un homme nu et massif, violant par une fellation un enfant, également nu, à genoux et ligoté. Pendant l’audience de lundi, les deux avocats de la défense du musée ont fait valoir qu’il « ne s’agit pas d’un enfant », et quand bien même, l’intention de l’artiste étant de dénoncer les crimes de guerre en Ukraine, l’œuvre n’est pas problématique. « L’artiste a voulu symboliser un État extrêmement puissant et agressif, la Russie, face à un État plus faible et victime, l’Ukraine, défendait ainsi maître Paul Mathonnet. Bien sûr, c’est un contenu qui trouble, qui heurte, mais l’intention de l’auteure est manifeste. » Le tribunal reste dans la droite ligne de la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, interpellée la semaine dernière à l’Assemblée nationale, qui avait fait valoir qu’une œuvre « ne peut pas être sortie de son contexte ».

Un argument qui n’est pour nous pas recevable. « La perception de l’artiste n’est pas déterminante, expliquait ainsi lundi maître Mathieu Dahan, l’avocat qui défendait notre association Face à l’inceste. L’important, c’est que toutes les personnes qui voient cette œuvre y voient un enfant et c’est très choquant. » Pour le professionnel, qui est allé voir l’exposition, aucune condition n’est réunie pour protéger les mineurs face à ce choc : « L’œuvre se situe dans le grand hall, à proximité immédiate de l’entrée de l’exposition. Les avertissements sont écrits en micro-caractères à côté du tableau et le parcours n’est pas interdit aux mineurs non accompagnés. D’ailleurs, même si le mineur est accompagné de son parent, rien ne dit que le parent saura expliquer le message de l’artiste à l’enfant. » Pour maître Mathieu Dahan, avec une telle décision du tribunal, « tout peut désormais être représenté, sous couvert de dénonciation de crimes de guerre ou contre l’humanité, et sous réserve que le musée mette en place une prévention, dont on sait qu’elle peut être aléatoire et inefficace. »

Sur la question pénale, maître Dahan rejoignait les mots de l’association Juristes pour l’enfance, représentée par maître Adeline le Gouvello, qui a parlé en premier lundi : « « Il est interdit de représenter un mineur dans une scène de pornographie et d’exposer les mineurs à de telles scènes. Ici, tout permet de penser que c’est un enfant. Oui, il s’agit d’une œuvre d’art, mais cela n’empêche que sa diffusion doit être restreinte au public majeur. C’est une œuvre pornographique car la fellation est imposée. Il n’y a pas d’atteinte à la liberté de création ici, mais à la diffusion de telles images. Si l’art est fait pour choquer, très bien, mais pas les enfants ! »

Face à l’inceste saisit donc le Conseil d’État face à cette décision qui ouvre la porte à toutes les dérives. Nous poursuivrons également nos démarches devant la justice pénale avec une plainte sur le fondement de l’article 227-23 du code pénal qui dispose que : « Sera punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique ». Ces dispositions sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur.

Par ailleurs, nous attaquons le Palais de Tokyo exposant des mineurs à un contenu pédopornographique sur la base de l’article 227-24 du code pénal qui prévoit que : « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. »

Notre combat contre la banalisation de la pédopornographie ne s’arrête pas là !