Objet : la santé des victimes de violences sexuelles dans l’enfance
Madame la Ministre, Depuis douze ans, Face à l'inceste s’implique dans la reconnaissance des troubles et symptômes résultant des violences sexuelles commises sur les enfants, ceci pour obtenir des recherches épidémiologiques pour l’instant inexistantes et une formation initiale et continue du corps médical, inexistante également.
En 2008 nous avons demandé à la Haute Autorité de la Santé de rédiger des recommandations pour dépister et signaler les enfants victimes, votre ministère s’est alors engagé dans cette voie. Ce travail auquel nous avons participé a vu naitre en 2011 les premières recommandations visant à protéger les victimes d’inceste mineures.
C’est également en 2008 que s’est tenu notre premier congrès scientifique international sur le thème « Soigner les victimes d’inceste » patronné par votre ministère, congrès auquel a participé le Directeur Général de la Santé. Vous et nous avons pu constater notre retard par rapport aux pays étranger et la nécessité d’agir.
C’est pourquoi, ne disposant d’aucun chiffre en France, Face à l'inceste a réalisé un sondage permettant d’évaluer à deux millions le nombre de victimes d’inceste en France (sondage Face à l'inceste 2009 par IPSOS). Le Conseil de l’Europe évalue lui qu’un enfant sur cinq est victime.
Afin d’attirer l’attention de notre gouvernement sur le fléau de santé publique que sont les violences sexuelles, nous avons réalisé un sondage élaboré avec des spécialistes de santé afin de connaitre l’impact de cette violence sur la vie des personnes victimes et non victimes. Les résultats sont éloquents : suicide, tabagisme, toxicomanie, alcoolisme, anorexie, dépression, la liste est longue (cf annexe sondage Face à l'inceste 2010 par IPSOS).
Madame la Ministre, force est de constater que notre pays accuse un retard abyssal dans la connaissance des traumatismes liés aux violences sexuelles et par conséquent dans leur prise en charge. Ce retard plonge les victimes dans une errance thérapeutique humainement insupportable, qui de plus coûte cher à notre société.
Pour preuve, un éminent pédopsychiatre plébiscité par les medias et nos institutions énonce que « la majorité des enfants abusés vont bien » (Allo Rufo sur France 5 en annexe). Les explications inexactes de ce spécialiste sur le cas traité démontrent les dégâts qui peuvent découler d’une telle méconnaissance du sujet sur les victimes, les proches mais aussi les médecins qui l’écoutent.
Compte tenu du nombre de personnes concerné, de la gravité des troubles et symptômes subis, nous sollicitons l’ouverture d’un travail sur ce sujet par votre ministère. Nous gagnerions du temps à inviter le Pr Felliti qui a mené une étude sur 17000 personnes sur ce sujet (ACE Study), étude qui a été reprise par plusieurs pays et l’OMS et qui a servi de base à notre sondage.
Nous demandons la mise en place d’études épidémiologiques afin de bâtir des formations basées sur des études scientifiques et non sur les travaux centenaires du Dr Freud qui ont fait long feu dans le monde entier, sauf en France. Accepteriez-vous que l’on soigne par exemple la tuberculose en utilisant des techniques et théories vieilles d’un siècle ? Nous, victimes, ne l’acceptons plus, comme nous n’acceptons plus d’entendre que l’inceste subi est un fantasme comme le dit Mr Rufo (2e théorie de Freud).
Il est urgent d’agir c’est pourquoi nous sollicitons une rencontre pour en parler.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos cordiaux sentiments.
Isabelle Aubry, Présidente
PJ : Retranscription émission France 5 Allo Rufo, sondage Face à l'inceste 2010 sur la santé des victimes par IPSOS
Voici la retranscription de l’émission « Allo Rufo » du lundi 3 décembre 2012 sur France 5 pendant laquelle la question suivante a été posée au Dr Rufo par une téléspectatrice prénommée Monique :
Monique : J’ai une fille unique de 28 ans. Nous avons appris qu’elle était tombée dans une addiction très forte à des médicaments c'est-à-dire des antalgiques et ensuite nous avons dû faire une HDT*. Un mois plus tard elle a craqué et elle nous a dit qu’elle avait toujours eu la conviction pendant toute son enfance, enfin toute sa vie, d’avoir été abusée sexuellement pendant sa petite enfance c'est-à-dire vers l’âge de trois ou quatre ans et elle nous a cité un nom. Je voudrais savoir si cette intime conviction peut correspondre à une réalité ?
Dr Rufo : L’immense majorité des enfants abusés vont bien ! ... à distance après le sévice... ils ont bien sûr des craintes un peu précises, mais elles vont bien dans leur vie amoureuse, sexuelle, personnelle, professionnelle... donc, en quelques sortes, un abus ne peut pas entrainer un tel dégât sauf si la vulnérabilité et la fragilité du sujet vient faire que l’abus renforce cette pathologie d’organisation. Là, dans ce que vous décrivez, c’est complètement fantasmatique, ça fait partie peut-être de son organisation un peu plus de reconstruction délirante du monde où un ennemi, un agresseur existe, fondu comme ça dans son histoire. La première chose à faire, c’est de vérifier auprès de la personne citée les choses, de dire : « Voilà, notre fille dit ça, qu’en pense-tu ?», en plus, c’est respecter votre fille que de tenir compte de sa parole, puisqu’elle cite quelqu’un, il faut vérifier les choses."
Monique : Moi je souhaiterais justement en parler à la personne en question, ensuite, est-ce qu’il faut que ça se fasse en sa présence à elle ?
Dr Rufo : Non, je crois que ça doit se faire vous. D’abord, est-ce qu’il faut le rendre juridique ou non ? La mode, la loi même c’est de dire signalement, c’est de dire signalement mais en même temps, il y a quelque chose qui... alors moi je suis très favorable au signalement des enfants mais en même temps, je m’étonne de quelque chose, lorsque par exemple, il y a enquête ou examen, expertise et que finalement on aboutit à un non-lieu, souvent, certains parents disent « nous on croit ce qu’a dit l’enfant » alors que visiblement c’est une organisation fantasmatique de crainte et tant mieux ! Parce que tant mieux, parce que personne ne souhaite l’abus. Non, là, en l’occurrence, compte tenu des troubles, de l’HDT, ce n’est pas un irrespect de la part de votre fille, ce n’est pas parce qu’elle est en psychiatrie que sa parole ne doit pas être entendue, attention à ce que je vous dis. Mais en même temps, le malade mental, le délirant reconstruit un monde parce qu’il ne peut plus percevoir le monde et ce monde est peuplé d’ennemis, d’événements dramatiques, d’histoires comme ça. Il vaudrait mieux que vous vous rapprochiez aussi du service où elle a été hospitalisée pour un suivi en hôpital de jour, un suivi régulier pour que quelque chose soit entreprit avec elle pour la reprise d’activités, pas seule, pas confinée, pas hospitalisée chez vous mais en relation étroite avec le service de psychiatrie adulte pour qu’il l’accompagne ou un foyer occupationnel, ou un placement ou une formation et un suivi. Ne l’abandonnons pas à sa pathologie et merci de votre appel.
*(Hospitalisation à la Demande d’un Tiers)