Mostra de Venise : Le Grec Alexandros Avranas a reçu le Lion d’Argent pour "Miss Violence" qui relate une histoire d’inceste. Miss Violence du Grec Alexandros Avranas a obtenu le Lion d’Argent pour la meilleure mise en scène d’une histoire d’inceste et de suicide d’enfant. Ce film grec a fait le plein de récompenses obtient aussi le prix du meilleur acteur pour Themis Panou, qui campe un terrible personnage de grand-père abuseur. Source Arturank.
Miss Violence d’Alexandros Avanas
Une adolescente se suicide le jour de son anniversaire après avoir dansé la valse sans sourire avec son grand-père. Vous pensez savoir pourquoi ? Alexandros Avranas, lui, est sûr que non, fait durer le suspense pendant une heure, puis se venge d’avoir raté son effet de surprise en repoussant les limites du pédo-film.
Tout commence plutôt bien. Après le suicide de l’adolescente, la famille entoure le cadavre, et le générique qui s’affiche sur l’image ressemble au voile de pudeur jeté sur le deuil par la suite. On envisage même que cela soit le projet du film, tourner une sorte d’anti-drame familial, sec, sans larmes, aux antipodes de Tout sur ma mère ou de La chambre du fils, qui pousserait la retenue jusqu’au malaise et étudierait les mécanismes du refoulement. L’hypothèse s’estompe rapidement, et les obsessions du réalisateur prennent le dessus. Au nombre de plans qui ne cadrent que l’entre-jambes des personnages, on commence à comprendre que ce qui intéresse Avranas se situe plutôt dans cette région-là. Et puis un tic de mise-en-scène finit par mettre la puce à l’oreille pour de bon : les portes claquent, sans cesse. On les ouvre, on les ferme, et puis on les ouvre encore. Pas une minute sans ouverture/fermeture de porte. Elles servent de raccord entre les scènes, de caches, de placards, elles sont même au cœur des disputes, lors d’une scène où le père est soudain pris de paranoïa et confisque la porte de la chambre de l’une de ses filles, qu’il sort de ses gonds. Miss Violence est un film de portes.
A priori, ça ne veut rien dire. Sauf qu’une porte qui se ferme, c’est une machine à fabriquer du caché, du secret – du sacré. Toutes ces portes créent du mystère, elles jouent avec l’idée de la séparation entre ce que l’on peut voir, et ce qui est interdit. Le viol de la fillette a lieu derrière une porte fermée, et la seule scène ouvertement pornographique se joue dans une pièce en haut d’un escalier, sans porte. Le dernier plan du film ? Vous l’avez deviné. Cette volonté de jouer avec la notion de seuil, et de transgression de celui-ci, n’a rien d’anodin, en particulier dans un film grec. Ces thèmes sont ceux des tragédies grecques, et leur évocation dit simplement le désir icarien d’Avranas de frayer avec elles. Que Miss Violence se prenne pour une tragédie, on s’y attendait un peu. Ce qui surprend en revanche, c’est que ce soit le cas aussi littéralement. Son projet, c’est malheureusement plutôt celui-là : s’emparer de l’inceste qui infeste la mythologie, l’adapter à notre époque, et purger comme il se doit le spectateur de ses passions… mais de ses passions pédophiles – considérant, avec un cynisme redoutable, que chaque spectateur en est un en puissance.
Et Avranas de placer le spectateur dans la peau du pervers. La caméra est ainsi à la place de celui-ci, sur le canapé, tandis qu’il regarde une fillette de sept ans danser comme Selena Gomes. Et lorsqu’elle doit poser avec son agresseur devant le polaroïd de grand-papa, la caméra pose avec eux et toute la salle de cinéma se retrouve dans le dos de la gamine, complice.
Avradas a voulu se la jouer Grec, il ne nous en voudra pas d’en revenir à Aristote. Lorsque le philosophe définit la tragédie dans sa Poétique, il ne parle pas de purger le spectateur de ses tendances pédophiles, mais de le purger de la terreur et de la pitié, en les lui faisant éprouver (pourquoi ces deux-là précisément, c’est une autre histoire). Aristote précise alors deux écueils : si les personnages sont trop horribles, la pitié ne fonctionne pas. S’ils sont trop innocents, la terreur cède le pas à l’indignation. C’est exactement ce qui se passe ici. Le père et ses amis déviants sont représentés comme des monstres au regard sombre, tandis que les trois victimes sont des angelots martyrs. Ni terreur, ni pitié, mais répulsion et indignation. Devant cet énième débordement grand-guignol de désespoir noir-très-noir, cependant, la moindre des choses à faire reste de ne même pas lui faire l’honneur de s’en indigner, et de simplement fustiger cette partie du public, qui s’est mise à applaudir lors de l’assassinat du père. Tous à la purge, allez.
MISS VIOLENCE (Grèce, 2013), un film d’Alexandros Avranas, avec Themis Panou, Reni Pittaki, Eleni Roussinou, Sissy Toumassi… Durée : 98 minutes. Sortie en France indéterminée.