Par l'association canadienne d'aide aux victimes CALACS
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Qu'est-ce que la colère ?
C'est l'expression d'un sentiment.
C'est l'expression d'un mécontentement.
C'est une émotion comme toute autre émotion, il est donc tout à fait normal de la ressentir.
C'est un déclic pour nous faire comprendre qu'il est temps de déterminer et d'établir nos limites. C'est le signe qu'il faut que les choses changent.
C'est une émotion, un sentiment qui appelle à l'action et mobilise, dans un temps très court, une quantité impressionnante d'énergie qui a besoin de s'exprimer.
C'est bien souvent confondu avec l'agressivité. Pourtant, alors que la colère est une émotion intense, l'agressivité, elle, est une réaction.
La colère, nous la ressentons. Elle a sa raison d'être, elle mérite toujours notre respect et notre attention. Tout ce que nous éprouvons, nous avons le droit de l'éprouver, même si c'est de la colère. (Goldhor-Lerner, Harriet,1994)
Finalement, notre colère est le signe d'un problème, mais elle ne nous donne aucune réponse... et ne nous dit pas comment le résoudre. Elle nous dit qu'il faut prendre une pause et réfléchir sur ce qui a provoqué notre colère.
Cette émotion est aussi fondamentale que la faim, la solitude, l'amour et la fatigue.
La colère est un sentiment vécu par tous. Mais les hommes et les femmes ont été habitués à la vivre différemment.
Quelle est cette différence ?
Hommes
La colère est l'expression d'une virilité
Les hommes sont autorisés et même encouragés à s'emporter
L'agressivité comme moyen pour exprimer la colère permise
On dit d' un homme qui exprime sa colère qu' il s'affirme, qu'il est déterminé et qu'il a de la prestance
Femmes
La colère entraîne souvent de la culpabilité.
On demande aux femmes de ne pas exprimer directement leur colère.
La femme n'est pas autorisée à exprimer sa colère, surtout envers les hommes : cela est suspect.
On dit d'une femme qui exprime sa colère qu'elle est hystérique, criarde,vulgaire et qu'elle perd sa féminité.
Même si la société comprend nos désirs d'égalité, les femmes en colère font fuir tout le monde.
Donc, pour redonner à la colère son véritable sens, il faut la rendre accessible à toutes et à tous, et dès lors abolir les distinctions basées sur le sexe, que les hommes comme les femmes aient accès à la douceur autant qu'à l'agressivité, et surtout rejeter l'idée que ces distinctions sont naturelles, qu'elles relèvent d'un déterminisme biologique : selon Dwordin ( 1978 :46), cette idée est la plus dangereuse et la plus mortelle qui soit. (Source : Document café-rencontre "La colère : une force en soi ").
Qu'est-ce qui provoque notre colère ?
Réfléchissons à ce qui peut nous mettre en colère, nous les femmes...
Voici quelques exemples de situations qui peuvent nous faire sortir de nos gonds. Je vous cite une phrase que vous pouvez compléter à l'aide des énoncés suivants :
"Je ressens de la colère..."
quand on ne m'écoute pas.
quand on ne me témoigne aucune considération.
quand on me dicte ce que je dois faire ou ce que je dois ressentir. quand on se mêle de ma vie privée. quand on essaie de me manipuler. quand on ne me prend pas âu sérieux.
quand on me rétribue moins à travail égal que si j'étais un homme.
quand les autres m'aident trop. quand je m'investis trop dans une relation au détriment de moi-même. quand je me sens incapable de dire non.
En tant que femmes, nous avons appris "à être belles et à nous taire". Voilà pourquoi plusieurs d'entre nous ressentent beaucoup de culpabilité à l'idée de se mettre en colère. Après tout, la colère n'est-elle pas un des sept péchés capitaux ?
Continuons maintenant l'exercice en répondant à l'affirmation suivante :
"A l'idée de me mettre en colère, tout de suite je crains..."
de perdre le contrôle de moi-même.
de perdre mon emploi.
de ne pas me faire aimer des autres.
d'effrayer ou de blesser quelqu'un.
de perdre ma crédibilité.
d'être taxée de faiblesse.
d'être tournée en dérision.
de me sentir coupable.
d'être considérée comme trop émotive et professionnellement peu fiable.
(Sources : Harriet Goldhor-Lerner, Le pouvoir créateur de la colère,1994 Carol Travis, La colère.1984)
Deux catégories de mauvaise gestion de la colère
Lorsque la gestion de notre colère est inefficace, nous nous retrouvons probablement dans l'une des catégories suivantes (ou les deux). Bien que ces deux styles semblent différents, ils sont tous les deux aussi efficaces pour préserver les autres, pour brouiller notre identité, et pour nous assurer qu'il n'y aura aucun changement
Le syndrome de la << gentille >>
Dans les situations qui, normalement, devraient provoquer de la colère et des protestations, la gentille garde le silence. En agissant ainsi, son énergie se consacre à la protection de l'autre et à la préservation de l'harmonie dans ses relations, aux dépens de la définition de son identité. Avec le temps, elle perd son identité, car elle consacre tant d'efforts à décrypter les réactions des autres et à s'assurer qu'elle ne fait pas de vagues, qu'elle sait de moins en moins ce qu'elle pense, ce qu'elle ressent et ce qu'elle veut réellement.
Plus elle est gentille, plus elle accumule de colère et de rage inconscientes ; la colère est inévitable si nous passons notre vie à céder. Plus la gentille cède, plus sa colère monte. Plus elle fait d'efforts pour réprimer sa colère, plus elle craint inconsciemment une explosion si jamais sa colère venait à sortir. Alors, elle réprime davantage sa colère... et ainsi de suite. Si elle finit par éclater, cela lui confirme son idée : sa colère est vraiment irrationnelle et destructrice. Finalement, les vrais problèmes ne sont pas abordés et le cycle recommence.
La gentille n'est pas très habile pour ressentir sa colère, par contre elle culpabilise très bien. Elle cultive la culpabilité, comme la déprime ou la peine, tout cela pour écarter toute conscience de sa colère. I1 n'est toutefois pas facile de rassembler le courage nécessaire pour cesser de se sentir coupable et pour se mettre à utiliser sa colère en se posant les questions qui vont permettre de savoir ce qu'il faut faire pour améliorer sa vie. Juste au moment où la gentille veut vraiment que ça change, les autres vont accentuer leurs remarques culpabilisantes (égoïste, manque de féminité, irresponsable.. . ). Alors il est bien tentant de reculer et de retrouver sa bonne vieille place afin d'obtenir l'approbation des autres. La gentille atteint finalement un stade où une quantité inestimable d'énergie créative, intellectuelle et sexuelle est piégée par le besoin de réprimer sa colère et l'interdiction d'en prendre conscience.
Le syndrome de la << peste >>
La peste ne craint pas de se mettre en colère et d'affirmer ses différences. Si elle exprime sa colère sans que cela ait d'effet, elle se laisse volontiers coincer dans un cycle vicieux de comportement voué à l'échec. Elle sait que sa colère se justifie, mais ses revendications ne sont pas exprimées clairement. Alors, sa colère entraîne la désapprobation des autres et non leur sympathie. Ceci ne fait qu'accroître son sentiment d'amertume et d'injustice ; et les vrais problèmes restent cachés.
S'il est vrai que ressentir de la colère signifie qu'il y a un problème, il est également vrai que l'exprimer ne le résout pas nécessairement. Cela peut au contraire servir à maintenir, et même à consolider, les anciens modes de fonctionnement d'une relation, si bien qu'aucun changement ne peut se produire. II arrive que la peste s'efforce en vain de métamorphoser quelqu'un qui ne veut pas changer. Plus elle persiste, plus ses réactions sont prévisibles et ne font qu'accentuer le problème. Parfois, l'aspect émotionnel est si fort que la peste est incapable de réfléchir à ses décisions, de se comporter différemment, d'imaginer que d'autres solutions sont possibles. Alors, son combat ne provoque aucun changement dans le fonctionnement de ses rapports avec les autres, exactement comme le silence des gentilles.
Ces deux types de comportement mènent à l'échec et sont des cycles infernaux. Dans les deux cas, nous avons l'impression de ne pas exercer de contrôle sur la qualité et le sens de notre vie. Notre sens de la dignité et du respect de soi en souffre, car nous n'avons ni clarifié ni résolu les vrais problèmes qui nous affectent, et rien ne change.
Nous devons donc retrouver les origines véritables de notre colère et trouver de nouvelles façons de la communiquer. Nous verrons dans les pages suivantes quelles questions nous pouvons nous poser, afin de bien comprendre notre colère et ainsi mieux l'exprimer.
(Source :Harriet Goldhor-Lerner, Le pouvoir créateur de la colère,1994)
Cinq moyens involontaires que nous utilisons pour détourner la colère
La défouler
Ce mécanisme se déclenche si rapidement que la personne n'a même pas conscience d'avoir éprouvé la moindre irritation. C'est un refoulement automatique et instantané. Il a pour but d'éviter à l'individu toute atteinte à l'image de douceur qu'il veut présenter de lui-même. Ce refoulement crée chez la personne tout un champ d'insatisfactions intérieures qui amènent l'apparition de nombreux symptômes.
Les phrases les plus utilisées par ces personnes sont :
<< Moi? Je ne me fâche jamais! >> << Rien ne vaut que l'on se mette en colère! >>
<< Je m'en moque éperdument! >>.
Ce mécanisme peut aussi se pratiquer en pleine connaissance de cause. La personne se sait en colère, a envie de réagir, mais elle pense qu'il est dans son intérêt de ne pas la ressentir ni la montrer. Elle réussi à atténuer la colère, mais pas à la supprimer. Cela alimentera aussi un champ d'insatisfaction.
Les phrases types de ces << freineurs conscients >> sont :
<< Bon, je suis en colère, mais ça ne veut pas dire que je doive me laisser aller. Je me contrôle et je n'y pense plus. >>
<< Je prends une douche froide et j'oublie tout. >>
<< Moi? Me faire du mauvais sang? Jamais! Je préfère en rire! >>.
La mettre de côté
Ce mécanisme repose sur le principe que si vous retardez suffisamment la colère, elle finira peut-être par disparaître. Erreur! Elle ne fait que s'amplifier à l'intérieur de vous. Que ce soit conscient ou non, la personne retarde toute sensation ou réaction à la colère en se disant que viendra un moment où elle sera plus en sécurité pour sentir, exprimer et agir face à sa colère. Elle se trompe, car ce refoulement contamine sa vie.
Les phrases types sont :
<< Pourquoi n'y ai je pas pensé avant? >>
<< Pourquoi est-ce toujours après que je pense à ce qu'il fallait dire? >>
<< S'il était ici, je lui dirais vraiment ce que je pense. >>
<< Y penser maintenant me rend malade. >>
La transférer
Cela consiste à déplacer la colère qu'on ressent à l'encontre d'une personne, d'une chose ou d'un événement, pour la reporter sur une autre personne, chose ou événement plus "sûrs" ou moins menaçants. Par exemple, la colère peut être transférée d'un patron menaçant à une épouse ou un enfant craintif C'est habituellement inconscient Cela peut être extrêmement nocif si la personne reporte sur eux des colères longtemps refoulées. La colère peut aussi être reportée sur soi. Alors, l'estime de soi sera remplacée par la haine de soi.
La diluer
La colère est ici bien ressentie, mais immédiatement diluée pour la rendre anodine. La personne fait appel à toutes les raisons intellectuelles possibles et imaginables pour diminuer l'intensité de la colère. La personne croit qu'il est dans son intérêt de prouver aux autres et à elle-même qu'elle n'est pas en colère.
Les phrases types sont :
<< Les gens rationnels, logiques et civilisés gardent la tête froide.>>
<< Ils sont guidés par leur intellect.>> << Ils ne se mettent pas en colère.>>
<< Seul les idiots se mettent en colère. >>
<< Oh! Je sais qu'elle le regrettera demain, alors pourquoi m'irriter contre elle? >>
<< Qu'est-ce qui vous fait penser que je suis irritée? Je n'ai même pas élevé la voix. >>
La geler
C'est une combinaison des mécanismes déjà décrits. Cela amène la personne à congeler ses émotions. Ce processus ne concerne pas seulement la colère, il affecte toujours toutes nos émotions, y compris l'amour puisqu'en gelant la colère, on gèle aussi toutes nos émotions. Mais en défaisant ainsi ses sentiments (c'est-à-dire en les noyant, les étouffant), elle se détruit elle-même et elle se limite. C'est une sorte d'auto-anesthésie qui tue notre spontanéité, notre sensibilité, notre créativité. Comment pourrions-nous nouer des relations avec autrui si nous ne ressentons rien ?
Quelques petits trucs...
Si tu es en colère compte jusqu'à dix. Et jusqu'à cent si tu es vraiment très en colère". Thomas Jefferson
Que pouvons-nous faire lorsque nous sentons la colère monter en nous ? Existe-t-il des moyens concrets pour nous empêcher de commettre des bêtises ?
Voici quelques trucs qui peuvent aider à surmonter les situations de crise. Évidemment, comme nous sommes toutes différentes, certaines des solutions énumérées ci-bas peuvent ne pas convenir à toutes. Cependant, il y en a certainement quelques-unes qui sauront aider même les plus coriaces...
Prenez le temps de ressentir votre colère en respirant profondément par le nez. Cela peut être très efficace pour vraiment vous mettre en contact avec ce que vous ressentez.
Allez marcher, faites du jogging, des étirements ou toute autre activité physique qui vous intéresse et qui peut vous permettre de libérer un peu de pression.
Cela peut aussi être de faire du ménage ou toute autre activité qui demande de la concentration. En étant ainsi occupée, les idées s'éclaircissent plus facilement,
Criez ! Hurlez !
Comment ? Vous pouvez le faire dans votre voiture, sinon vous pouvez également enfouir votre tête dans un oreiller pour le faire.
Frappez dans un coussin. Ca défoule, ça fait du bien et ça ne blesse personne !
Magazine Coup de pouce, octobre 1998)
Ce n'est pas tout...
Après ces quelques trucs de << secours >>, voyons comment nous pouvons apprendre à mieux utiliser notre colère à long terme, car si c'est vrai que ça fait du bien de l'exprimer, encore faut-il le faire de la bonne façon.Voici donc quelques éléments importants à retenir.
- Prendre le temps de réfléchir au problème et se poser les bonnes questions :
1. Qu'est-ce qui me met en colère ?
2. Quel est le véritable problème ?
3. Qu'est-ce que je ressens exactement ?
4. À quoi est-ce que je veux arriver ?
5. Qu'est-ce que je veux changer ? 6. Que suis je prête à faire ?
7. Qui est responsable de quoi ?
-Quand un problème vous préoccupe sérieusement exprimez-vous !
La communication s'avère la clé de bien des tourments. II est donc essentiel de dire ce que nous ressentons directement à la personne concernée, surtout si le silence provoque en nous des sentiments tels que de l'amertume, de la rancoeur ou de la douleur.
-Ne battez pas le fer quand il est chaud.
Une bonne dispute peut servir à aérer une relation, mais si votre objectif est de modifier un comportement bien enraciné, ne choisissez pas pour vous exprimer le moment où vous ressentez le plus de colère ou d'émotion.
-Utilisez des phrases qui commencent par "Je".
C est beaucoup moins agressant que d'accuser l'autre personne. De plus, les phrases qui commencent par "Je" ont le mérite d'exposer une affirmation qui nous concerne personnellement sans critiquer ou blâmer l'autre, sans le rendre responsable de nos sentiments et de nos réactions. Faites cependant attention aux affirmations déguisées (du style : "Je pense que tu es autoritaire et égocentrique").
-Souvenez-vous que les gens sont différents.
Chaque personne réagit différemment aux contrariétés. Le fait qu'il existe des points de vue différents et des réactions variées ne signifie pas que les uns ont raison et les autres ont tort.
-Sachez que toute personne est responsable de son comportement.
Cela ne sert à rien d accuser les autres de vos problèmes. Si ce problème vous concerne personnellement, c'est à vous d'en trouver la solution.
-Ne vous attendez pas à provoquer des changements par la violence.
Ne posez pas de gestes que vous pourriez regretter par la suite. L important est d y aller progressivement. Ne vous découragez pas si vos premières tentatives échouent .Souvenez-vous des quelques "trucs de secours" abordés dans les pages précédentes. Ils pourraient vous être utiles.
"Quand une femme clarifie les problèmes et utilise sa colère pour s'acheminer vers quelque chose de nouveau et de différent, le changement se produit".
Source : Harriet Goldhor-Lerner, Le pouvoir créateur de la colère, 2006)