Par Amanda Kay, JD, and Ryan L. Gonda, JD. 23 septembre 2015. Traduction Margot Gomès.
Les enfants et adultes victimes de violence et d’abus sont régulièrement appelés par la police, les avocats et les juges à témoigner et à raconter leur histoire. Mais beaucoup de victimes mentent ou se rétractent par rapport à leur témoignage initial.
Souvent les histoires des victimes changent au fur et à mesure que le temps passe. Les victimes se rétractent par rapport à leur témoignage initial. Et quand une victime qui a décrit des abus au départ se rétracte, minimise ou exprime de la confusion par rapport à ce qui s’est passé, la police, les avocats et les juges en concluent souvent que la victime ment.
Cependant, la vérité est très rarement ce qui est en cause. Dans les cas d’abus sur mineurs, il apparaît qu’au départ, 75% des victimes sont dans le déni de ce qui s’est passé et que 25% d’entre elles se rétractent. De nombreuses raisons ont été avancées pour expliquer le pourcentage relativement important de victimes adultes qui ne portent pas plainte, qui refusent de coopérer avec la justice, ou qui ne demandent pas d’ordre de placement provisoire.
Une méfiance vis à vis du système
Les victimes adultes peuvent parfois renoncer à toute action en justice, parce qu’elles pensent que le système judiciaire est inefficace, qu’il met en place des procédures qui prêtent à confusion, ne permettent pas aux victimes d’être informées à propos de leur cas, et ne les soutiennent pas dans leurs démarches (transports, congés, prise en charge des enfants). Elles sont frustrées par le temps que prend la procédure, ont peur de perdre la garde de leurs enfants et peur du fait que l’abuseur ait encore accès à la victime tant que le jugement n’a pas été prononcé.
Les victimes qui témoignent devant un juge le font parce qu’elle pensent que cela les protègera. Si cette sécurité ne se matérialise pas, ou si au contraire leur témoignage augmente le danger, la victime n’a plus aucune raison de rechercher l’aide de la justice. Une victime qui rencontre de l’incrédulité et du scepticisme (du “victim blaming”) alors qu’elle essaie de témoigner n’aura plus aucune raison de rapporter plus avant les autres abus qui auraient pu se produire. Mais le manque de confiance des victimes dans l’institution judiciaire devrait être une préoccupation majeure pour toutes les parties concernées.
Un enfant victime qui est placé depuis plusieurs années peut avoir appris à se débrouiller pour survivre à l’intérieur de son placement actuel ou pour accéder à un meilleur placement. L’histoire initiale des abus qu’il a subi peut changer, des abus futurs ne pas être signalés, et la sévérité des abus pourrait être minimisée selon les bénéfices perçus par la cour. Des enfants placés plus vieux sont connus pour développer une méfiance plus importante par rapport à la justice si cette dernière a ignoré leurs témoignages précédents. La méfiance vis à vis du système de la part des victimes peut diminuer la précision de leur témoignage et même leur désir de témoigner tout court.
Des motivations émotionnelles
Les victimes, particulièrement les victimes adultes, se rétractent car elle ont souvent peur des représailles, en particulier lorsque les abuseurs sont fréquemment laissés dans la nature et ont encore accès à la victime ; il y a des problèmes économique souvent causés par l’absence de la personne gagnant l’argent du ménage ; des menaces pour gagner la garde de l’enfant de dépeindre la victime comme folle ou instable ; même des menaces vers les enfants eux-mêmes. D’autres raisons semblent moins intuitives : l’amour, l’attachement basé sur l’histoire partagée, l’espoir que les choses puissent s’arranger à l’avenir. Cela peut sembler difficile à comprendre : comment une personne peut-elle en aimer une autre qui leur fait du mal et les victimise. Mais les études montrent que les personnes interrogées citent la peur de perte d’amour plus souvent que la peur de perte de revenus. Les relances des abuseurs à leurs victimes jouent le plus fréquemment sur la corde de la sympathie. Ils disent des choses comme : « tu me manques », « les enfants me manquent » « notre vie me manque » « on ne peut pas « les » laisser nous séparer ». Et ils invoquent des bons souvenirs en promettant de changer.
On demande régulièrement aux victimes enfants de témoigner en présence de leurs abuseurs. La recherche suggère que la loyauté aux membres de la famille, ou la peur de leur réaction face aux accusations d’abus peuvent contribuer aux dénis et à la peur de révéler. Les audiences peuvent être des expériences très traumatiques pour les enfants et peuvent provoquer multitude de réactions qui limitent leur témoignage. Les victimes de d’abus sexuel sont souvent atteintes de syndrome de stress post-traumatique. Les enfants atteints de ce syndrome connaissent souvent une phase « d’évitement », durant laquelle elles nient les abus ou se rétractent car ils ne peuvent pas gérer l’anxiété qui va avec. Les enfants victimes peuvent aussi ne pas vouloir coopérer avec des figures d’autorité parce qu’elle ont subi des traumatismes complexes dans les mains d’un adulte à qui elles faisaient confiance.
Des limitations cognitives
Le manque de développement physique, cognitif et émotionnel des enfants rend les procédures judiciaires plus difficiles à comprendre. Les professionnels de la justice formulent parfois leur questions d’une manière complexe avec des termes judiciaires comme « rupture » ou « jugement ». La nature des procédures peut rendre l’enfant confus, réduire les témoignages à néant et les minimiser.
Solutions
Les victimes ont du mal à répéter leur histoire de violence et d’abus pour plusieurs raisons. Certaines des raisons citées plus haut, en particulier celles liées à l’attachement émotionnel ne sont pas bien gérées par le système judiciaire. Cependant la justice devrait améliorer la situation en comprenant d’abord les motivations derrière le témoignage d’enfants et ensuite en permettant aux enfants d’être pris en charge de façon suffisante.
La justice devrait reconnaître la nécessité de témoignages exacts de la part des enfants victimes ainsi que leur limites en tant que témoins, et instituer une formation appropriée pour tous les intervenants du système.
La justice peut améliorer le système en mettant en place des moyens de témoigner alternatifs. Elle peut permettre aux enfants de témoigner dans le bureau du juge en présence de leurs avocats ; utiliser la vidéo pour enregistrer les témoignages ou exclure temporairement les parents ou gardiens de la salle d’audience. Quelques tribunaux ont permis qu’une personne qui soutient l’enfant ou un chien thérapeutique accompagne l’enfant qui témoigne à la barre pour lui permettre d’être soutenu, et de témoigner avec cohérence.
Un audit sur le traumatisme induit par la procédure judiciaire serait à conduire. Cette évaluation fournirait des informations sur les forces et les faiblesses du tribunal sur comment il répond aux traumatismes, ainsi que des recommandations spécifique à ce tribunal en particulier.
Des exemples d’améliorations pourraient comporter un entraînement pour tout le personnel du tribunal à de meilleures pratiques pour assister les victimes de traumatismes ; des espaces d’attente sûrs dédiés pour les victimes jusqu’à ce que leur cas passe devant le juge ; l’application d’ordre de protection pour s’assurer que la sécurité soit une priorité et que les abuseurs soient tenus comme redevables ; et permettre à un avocat ou à une autre personne qui soutient l’enfant d’être assis à côté de lui au tribunal.