Communiqué collectif : 16 associations se mobilisent contre la prescription des infractions sexuelles sur mineur
Le 15 mars 2016
Nous, associations de victimes, d’aide aux victimes et de protection de l’enfance, demandons au gouvernement et au législateur d’abolir la prescription des crimes et délits sexuels sur mineur afin de prévenir le passage à l’acte des pédocriminels.
«La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits» (AFP. 15/03/2016 à 09:50). Cette déclaration insoutenable du Cardinal Barbarin à propos des accusations de violences sexuelles sur mineur portées contre le père Preynat démontre une fois encore que nos lois ne protègent pas suffisamment nos enfants contre les pédocriminels. Pourtant, maintes fois depuis 1989, le législateur a amélioré sa copie prenant conscience de la difficulté pour un enfant de porter plainte contre une personne dont il dépend ou qui a autorité sur lui.
On a par ailleurs prouvé scientifiquement que les victimes subissent un déni du traumatisme pouvant aller jusqu’à l’oubli total des faits. Le cerveau les protège des conséquences graves qu’entrainent ces infractions. Pour ces raisons, le délai de prescription actuel de 20 ans après la majorité de la victime doit être supprimé comme au Canada ou en Suisse.
Les parlementaires argumentent souvent sur le dépérissement des preuves pour s’opposer au rallongement du délai de prescription. Mais c’est souvent le contraire qui arrive. En matière de violences sexuelles sur mineur, malheureusement, le temps passant, le nombre de victimes augmente, et par conséquent, le nombre de témoins. Un agresseur ne se limite en général pas à une seule victime dans sa carrière de prédateur sexuel.
Le législateur, constamment interpellé par nos associations et par les victimes elles-mêmes vient de refuser le 10 mars dernier d’allonger la prescription en matière de violences sexuelles sur mineur, Proposition de loi Tourret et Fenech (Réforme de la prescription en matière pénale).
Dans leurs débats, les députés n’ont pas parlé une seule fois de l’argument principal pouvant justifier l’abolition de la prescription à savoir la prévention. La prescription fait obstacle à la prévention car les victimes portent plainte dès qu’elles le peuvent pour protéger d’autres enfants. Malheureusement il leur faut du temps pour que les souvenirs ressurgissent et pour trouver la force de porter plainte. Ce temps de la reconstruction n’est pas en accord avec les lois actuelles.
La gravité des conséquences des violences sexuelles dans tous les domaines de la vie des victimes (santé, professionnel, social, affectif…), pouvant entrainer la mort, même 50 ans après les faits (ACE Study), justifie l’imprescriptibilité. D’autant que le nombre de victimes est important : 4 millions de victimes d’inceste en France (Sondage Harris Interactive 2015 pour Face à l'inceste ), 1 enfant sur 5 en Europe (Conseil de l’Europe).
En conséquence, nous demandons au gouvernement et au législateur de changer la loi en abolissant la prescription des crimes et délits sexuels sur mineurs afin de protéger nos enfants.
Signataires par ordre alphabétique :
Association Internationale des Victimes de l’Inceste (AIVI) Isabelle Aubry, Présidente
Association Mémoire Traumatique et Victimologie Dr Muriel Salmona, Présidente
Association Nationale pour la Reconnaissance des Victimes (ANPRV), Marie-Ange Le Boulaire, Présidente
Association pour la Protection contre les Agressions et Crimes Sexuels (APACS), Jean-Pierre Escarfail, Président
Collectif Abandon de Famille - Tolérance Zéro !, Stéphanie Lamy, Co-fondatrice
Collectif Féministe Contre le Viol, Dr Emmanuelle Piet, Présidente
Elus Locaux Contre l’Enfance Maltraitée (ELCEM) Christine Mame, Présidente et Anne Desauge, Secrétaire générale
Innocence en Danger, Homayra Sellier, Présidente
Institut de Victimologie, Dr Gérard Lopez, Président
La Mouette, Annie Gourgue, Présidente
L’Enfant Bleu, Michel Martzloff, Secrétaire général
La Parole Libérée, François Devaux, Président
L'Association Mille Et une Victimes d'Inceste (LAMEVI), Fabienne Sainte Rose, Présidente
SOS Inceste pour Revivre Nantes, Marie-Claude Marchand, Présidente
SOS Les Mamans, Carole Lapanouse, Présidente
SOS Sexisme Michèle Dayras, Présidente