Melle Marie, l'origine de Face à l'inceste

Témoignage Publié le 18.09.2016
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Melle Marie, notre amie, victime de l’inceste et de la loi du silence, décédée le 26 mai 2000 par défenestration. Son agresseur ne pourrait plus être poursuivi, il y avait prescription... Six mois plus tard naissait Face à l'inceste, pour lutter en sa mémoire et pour tous nos enfants.

J'ai été violée et persécutée par mon grand-père de l'âge de six ans jusqu'à l'âge de douze ans. Durant cette période, j'ai tenté de parler mais l'on ne m'a pas crue. Mon histoire a éclaté au grand jour à l'âge de douze ans, mais aucun membre de mon entourage n'a réagi en conséquence de la gravité de ce qu'il m'était arrivé. Mon agresseur est reparti libre et je suis restée prisonnière de mes souffrances durant plus de vingt ans.

La vie qui s'est écoulée durant cette longue période a été régie par la peur, l'incompréhension et la destruction de moi-même. Ma famille a choisi de ne plus jamais évoquer cette période incestueuse en pensant que le silence serait un passeport pour l'oubli. Comme eux, j'ai fini par croire que rien n'était jamais arrivé, et les conséquences de ce déni d'inceste ont été aussi ravageuses que l'inceste en lui-même.   Et puis un beau jour, je n'ai plus supporté de m'entendre dire que je n'avais pas de chance ou que j'étais née sous une mauvaise étoile. On tentait habilement de me faire passer aux yeux de tous comme un vilain petit canard. Mais aucune de ces croyances n'étaient vraies, j'avais été violée durant six années consécutives par un membre de ma famille, et il était normal que je ne me sente pas bien, et que j'essaye par tous les moyens de me détruire.   Ce fût un immense soulagement que de reconnaître ce passé sordide et de comprendre enfin les raisons de mon mal de vivre.

J'ai alors rédigé mes mémoires et les ai confiées à ma famille, mais les réactions n'ont pas été à la mesure de mes espérances puisque je me suis entendu dire : "C'est trop tard, il fallait te réveiller avant !".   J'avais réussi à sortir de mon cauchemar et de vivre différemment en portant en justice mon agresseur, et il était trop tard.   Cette personne qui m'a violé, et qui en a violé bien d'autres sur son passage, ne pourra jamais être punie pour ses crimes, car la justice a posé des limites.

J'ai trente-et-un an aujourd'hui dont vingt-cinq ont été brisé à jamais par l'inceste et le déni et j'ai dépassé les limites autorisées pour m'en plaindre de trois années. Je suis en vie et je m'en félicite chaque jour, car j'ai conscience que j'aurais pu ne pas avoir la force de me battre pour vivre.   Cette force qui m'anime depuis le premier jour où cet homme m'a violenté, j'ai décidé de la mettre au profit de cette pétition. Ce but donne un sens à toutes les souffrances que j'ai vécues, car s'il est trop tard aujourd'hui pour que la société reconnaisse mon statut de victime, il est encore temps d'apporter ma pierre pour essayer de laisser aux enfants un monde plus propre que celui laissé par nos ancêtres.   Le 03 mai de l'an 2000. Melle-marie.

Mémoires d’une petite fille dans un corps de femme Melle_marie