Prescription, un espoir pour les victimes d'inceste

Projet Publié le 08.11.2014

Communiqué de presse

Le 08/11/2014

Dans l'affaire Dominique Cottrez, la cour de cassation vient de rendre un jugement qui pourrait bien changer la vie des victimes d'inceste alors qu'une proposition de loi des sénatrices Jouanno et Dini vise à rallonger le délai prescription au moment où les faits apparaissent à la victime. En effet, la cour vient de décider que le point de départ de la prescription d'un crime démarre à la découverte des faits.

Les victimes d'inceste vivent longtemps dans le déni et ne dévoilent en moyenne que seize ans après les faits. Cécile B. que nous avons soutenue a saisi la cour de cassation de cette question, peut-on porter plainte lorsque l'on a oublié le crime du fait du déni ? Elle a été déboutée ce qui a renvoyé un grand nombre de victimes d'inceste devant le législateur.

Les sénatrices Chantal Jouanno et Muguette Dini ont rédigé une proposition de loi (n° 368) qui a fait l'objet d'âpres discussions le 28 mai 2014 en séance publique. Finalement, la négociation a aboutit à un rallongement du délai de prescription de 10 ans supplémentaires soit 30 ans après la majorité de la victime au lieu de 20 ans actuellement.

Le texte renvoyé vers l'assemblée nationale semble poser des difficultés à nos députés comme toujours lorsqu'il s'agit de pédocriminalité. Nous nous sommes entretenus de cette question avec Erwann Binet mi septembre 2014 expliquant la reconnaissance scientifique du déni depuis dix ans déjà (Infoscience 17/03/2011).

Par ailleurs, les arguments justifiant la prescription de l'inceste comme la difficulté de la preuve ne tiennent pas car malheureusement, un prédateur sexuel fait souvent de nombreuses victimes prêtes à témoigner de leur vécu même 40 ans plus tard. Leur motivation, protéger d'autres enfants, on appelle cela la prévention. Prévention que la prescription refuse en offrant un passeport légal pour le viol d'enfant.

Enfin, plusieurs pays ne pratiquent pas la prescription de l'inceste et ce depuis fort longtemps et n'en sont pas renversés pour autant : Canada, USA (selon les états), Suisse (suite à un récent référendum d'initiative populaire), plus généralement, tous les pays du Common Law.

Ironie du sort, c'est en voulant juger une victime d'inceste pour infanticide au lieu de l'avoir protégée de son père violeur que la justice va peut être ouvrir les portes de l'imprescriptibilité de l'inceste en France ! C'est d'ailleurs pour cette raison qu' Face à l'inceste s'est mobilisée en faveur de l'accouchement sous X. Malheureusement, nous constatons, en ce 25e anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, qu'aucune prévention de ce crime existe en France, aucune formation des professionnels de santé, bref l'âge de pierre.

Nous invitons le législateur à se poser les bonnes questions devant cette question qui concerne deux millions de victimes en France.