Protection de l'enfance : où en sommes-nous ?

Projet Publié le 15.12.2016

L'association Face à l'inceste était conviée avec d'autres associations à un "Point d'étape" de la "Feuille de route" consacrée à la réforme en cours de la Protection de l'Enfance. Il s'agit de mettre en musique la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant.

Les deux principes de cette loi sont:

1. une prise en charge centrée sur les besoins fondamentaux de l'enfants, tels qu'ils sont définis dans la Convention des droits de l'enfant

2. Une meilleure "gouvernance" pour une "politique publique décloisonnée et transversale". En français, cela veut dire que sur le terrain, des acteurs des services publics (Éducation nationale, départements, hopitaux, justice) doivent se parler davantage entre eux, et se coordonner aussi avec les acteurs privées et associatifs.

Discours de la ministre Laurence Rossignol

La ministre salue la dynamique engagée, et rappelle les missions que lui confère son titre : famille, droits de l’enfant, et protection des femmes. Elle rappelle l'importance de la formation pour que que les textes soient intégrés par les professionnels et changent les pratiques. Afin de décloisonner les interventions, et d'améliorer le pilotage au niveau départemental et national, l'idée est de partir des besoins de l’enfant et de ses droits, plutôt que se focaliser sur les défaillances parentales, ou encore sur l'organisation institutionnelle. Il s'agit également de s'appuyer sur les ressources de la famille, et d'associer l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son degré de maturité.

On constate que le rapport des parents aux services sociaux est très anxiogène pour les parents en difficulté. Aussi, ils ne font pas appel à eux en amont. Lorsque ces services interviennent, c’est déjà trop tard. Nécessité d’agir précocement (même pendant la grossesse), et de développer les actions de prise en charge partielle, qui associent la famille et les services sociaux autour des besoins de l'enfant. Le facteur d’isolement pour les familles mono-parentales est à travailler.

La ministre a également annoncé un futur plan de lutte contre les violences faites aux enfants: Face à l'inceste qui réclame 20 mesures de prévention pour lutter contre l'inceste depuis 2004, ne peut que se réjouir d'une telle annonce. Elle donne une exemple: si vous voyez dans un espace public un homme frapper sa femme, vous aurez sans doute envie d'intervenir, en tout cas vous ne considérez pas la chose comme normale et acceptable. Si vous le voyez frapper son chien, c'est pareil. Mais si vous le voyez frapper son enfant, la culture de la violence éducative peut vous faire considérer cela comme légitime et pédagogique. Il s'agit donc de modifier la loi, certes, mais également de faire évoluer les mentalités pour faire progresser l'idée que l'autorité parentale peut et doit s'exercer sans violences. Les survivants de l'inceste, qui ont bien souvent subi des violences physiques et verbales en plus des agressions sexuelles proprement dites, ne peuvent qu'approuver un tel message.

Présentation des mesures

Fabienne Quiriau, directrice de la CNAPE, détaille 48 actions qui ont fait l'objets de décrets d'application. Création du statut de Médecin « référent protection de l’enfance », « évaluation de la situation d’un mineur à partir d’une information préoccupante », « accueil par un tiers »… l’ensemble des décrets ont été travaillés avec les professionnels.

1. Les besoins de l'enfant, sa réussite…

  • -       Réalisation d’un guide vers avril 2017 (en cours d’élaboration),
  • -       Développement des évaluations précoces : en cours
  • -       Diffusion d’une trame du projet pour l’enfant
  • -       Utiliser « l’album de vie », outil privilégié
  • -       Simplification des procédures administratives : en cours
  • -       Sécuriser l’accueil familial : rôle des assistantes familiales
  • -       Mieux répondre à la problématique du délaissement de l’enfant
  • -       Statut de pupille ?

2. Renforcer le repérage des risques

  • -       Conflits au sein du couple (étude),
  • -       Mieux suivre les enfants en cas de déménagement,
  • -       Soutenir les parents pendant la période périnatale,
  • -       Maisons des adolescents (nouveau cahier des charges),
  • -       Renfort des contrôles des services des protections de l’enfance,
  • -       Soutenir une démarche de bien-traitance dans les institutions (guide des bonnes pratiques),
  • -       Décloisonner : éducation nationale et département. Protocole type (début de l’année 2017),
  • -       Accueil des enfants et adolescents en situation de danger

3. La formation des cadres et des équipes

  • -       Bilan annuel des propositions de formation,
  • -       Identifier les priorités de formation,
  • -       Le statut de l’enfant, les modalités de suivi et de reportings etc.
  • -       Intégrer ces domaines dans les différentes formations qualifiantes, renforcer une culture partagée
  • -       Recensement des diplômes universitaires,
  • -       Développer le réseau entreprise, organismes de formations, associations…
  • -       Développer la collaboration des services de protection et parents (quand cela est possible).

Tables rondes

- Fabienne QUIRIAU (CNAPE)

Il faut donner place aux débats, aux échanges : lever des doutes, des malentendus…  Il est important de donner la parole aux familles, aux professionnels.

La mobilisation doit se poursuivre au-delà de 2017. La protection de l'enfance souffre encore d'une image négative donnée par les médias. Il faut apporter un éclairage sur les droits des enfants. Les malentendus proviennent d'une méconnaissance de ces droits.

Réaffirmons que l’enfant doit être au cœur des missions de la protection de l’enfance, tout en impliquant les parents. Il s'agit d'identifier tous les besoins de l’enfant, en corrélation avec le développement de l’enfant.

L’évaluation des situations dangereuses est un enjeu majeur. Le référentiel est très important, car il va permettre de préciser ces situations. 

Le corpus juridique est quasi finalisé. Comment le mettre en œuvre sur le terrain ?

- Emanuelle AJON (Gironde)

Il y a une volonté de visibilité pour la protection de l'enfance. Dans ce département, la même méthode de concertation que celle de la Ministre a été utilisée: entendre les professionnels et les anciens enfants de la protection de l’enfance… De partenaires divers ont été recherchés pour ouvrir le débat. Les « Etats généraux » de l'enfance ont réuni 1100 personnes. L’ordre des Médecins était initialement surpris d’être invité pour parler des droits de l’enfant…

 - Claude CAYZAC (Gironde)

Un partenariat avec l’ARS et des établissements médico-sociaux (ITEP- IME) a été mis en place. il reste des blocages qui rendent difficile le fait de monter des projets avec des participations multiples (prises en charge partagées). Un grand besoin de formations pluridisciplinaires, inter-institutionnelles. Il n'y a pas assez de ressources pour protéger les 10000 jeunes sur le département qui en auraient besoin. Comment le mettre en place ? Le PPE (projet enfant et coordination et intervenants) semble prometteur. On va démarrer avec les jeunes déjà placés.

- Christian JUNCKER (département du Jura)

Le Projet pour l’enfant (PPE) est dispositif complexe. Plus de questions que de réponses apportées lors des échanges. Les problématiques ont été identifiées.

Remarques diverses :

  • -       L’établissement d’un cahier des charges où le processus de l’évaluation est posé d’emblée est nécessaire. Il faut s’inscrire dans une méthodologie de gestion de projet.
  • -       Interrogations sur le dispositif des MEX ?
  • -       La facturation à la journée n’est pas toujours pertinente.
  • -       Le statut des assistants familiaux est à revoir, à revaloriser.
  • -       Les temps de transports entre les établissements, logements, sont énormes et viennent impacter le temps de soin.
  • -       Faut-il garder les Pouponnière ou privilégier l’accueil dans les familles ?
  • -       Qui a légitimité à décrire les besoins de l’enfant ? Le département peut avoir cette fonction d’évaluation en s’appuyant sur les acteurs professionnels.
  • -       Aujourd’hui, le déclaratif fait souvent « loi ».

- Pierrine Robin (UPEC Créteil)

Une expérience de formation a été menée avec SOS Villages d'enfants et le soutien du Conseil de l'Europe. Elle s'articule autour de quatre principes fondamentaux:

  • -    la non-discrimination
  • -    l'intérêt supérieur de l'enfant
  • -    le droit de vivre et de se développer
  • -    la participation et l'expression des enfants sur les questions les concernant

Six besoins fondamentaux ont été identifiés par les participants, à travers des jeux de rôle inversant la place des enfants et des accompagnants:

  • -    Amour
  • -    Intimité
  • -    Être informé
  • -    Ne pas être stigmatisé
  • -    Être écouté
  • -    Accompagnement individuel

Conclusion

L'idée de coordonner les différents services publices liés à la protection de l'enfance est évidemment louable, et le PPE (projet pour l'enfant) pourrait y contribuer. Il s'agit de mettre fin aux "silos" qui font que chaque administration et chaque profession fait son travail dans son coin, et de re-centre l'action de tous ces intervenants sur l'enfant et des droits. L'annonce majeure de la journée reste pour nous celle d'un plan de lutte contre les violences faites aux enfants. Nous écrirons à la ministre pour lui demander plus de précisions là-dessus.