Première agression sexuelle à 6 ans.
Un oncle, étudiant en médecine, dans la maison de ma grand-mère. Il m'a embrassée violemment sur la bouche, m'a mordu les lèvres au sang, a frotté mon sexe, a serré et pincé mes fesses. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, ni pourquoi je vivais cela, pourquoi il me faisait subir cela. J'avais honte mais je ne sais pas comment l'exprimer. Une vague sensation que ce qui venait de se passer était mal, interdit et que je ne pouvais pas en parler dans cette famille puritaine où le mot "amour" était tabou. Je me suis réfugiée dans mon lit avec un livre. J'ai lu, pleuré, lu, prié, demandé pardon à Dieu pour mes fautes qui faisaient que je méritais ce qui s'était passé. Je me suis griffée les bras, le ventre, les cuisses, les jambes. J'avais des boules glacées qui circulaient dans mon ventre et dans ma poitrine... Que s'est-il passé, pourquoi...? J'ai commencé à éviter cet oncle, et ma tante son épouse, qui a développé une colère contre moi car je devenais distante et insolente. Moi la bâtarde à qui ils faisaient charité, qu'ils accueillaient. J'étais une ingrate, une vilaine, une petite fille fourbe... qui les regardait de travers... Je voudrais mourir...
Deuxième agression sexuelle à neuf ans, par le garde-malade de mon grand-père. J'ai compris que j'attirais les malades... Le départ en camp scout m'a sauvée du viol de cet homme pervers et violent, menteur...
Troisième agression sexuelle par un inconnu au parc alors que je jouais avec mes frères. J'avais neuf ans et cet homme a sorti son sexe et s'est masturbé devant moi alors que j'étais sur le tobbogan. Traumatisme, boules glacées dans le corps. Des explosions dans mon crâne, milles éclairs devant mes yeux, vertiges... J'ai éclaté en sanglots et personne n'a compris pourquoi... Pleurnicheuse, encore à jouer la comédie pour se faire remarquer, bêcheuse... sale bâtarde... Je voudrais disparaître, mourir, disparaître, mourir, ne plus être là, ne plus rien sentir, mourir...
Quatrième fois, le mari de ma mère. Onze ans. Horreur totale. Agressions, coups, viols... Ma mère m'a donnée à son mari : elle me dit qu'elle est fière de cela. Suicide raté à douze ans, puis à treize, treize et demi. Ah, que ne ferait-elle pas pour se faire remarquer... Enceinte à quatorze ans, ma mère m'amène me faire avorter et me crie dessus pendant deux heures. Avortement fait par un charlatan avec un tuyau en plastique, pas d'anesthésie... douleur, honte, je veux mourir, j'y arriverai... Suicide raté. Coups, insultes, coups, insultes, coups... Mourir, mourir. Je n'ai plus le droit d'aller à l'école... J'ai eu le malheur de raconter à une prof que ça n'allait pas à la maison. Plus le droit d'aller dans ce seul endroit où je me sentais en sécurité physiquement pendant quelques heures par jours... En sécurité physiquement car moralement c'était autre chose. Les ados sentent quand quelque chose ne va pas.... Je suis la pestiférée, la pauvre fille, nulle... Deux années d'enfer... des avortements, des suicides... Une grossesse encore, plus la force de me battre, déni, une petite fille... J'ai peur de lui faire du mal... 6x4 24. J'ai réussi à m'enfuir à 24 ans... J'ai abandonné mon enfant, je ne peux en parler à personne. J'ai mis dix milles kilomètres de distance... mais c'est là, c'est en moi, la honte, la douleur, la plaie béante...
Je viens d'avoir 51 ans... J'ai de la chance... J'aurais pu être une toxicomane, une alcoolique, une prostituée, une folle, ... Je sais que je marche sur le fil, que je dois faire attention à ne pas basculer... Des années de thérapie jamais achevées... Pas d'amies, pas d'amis, car impossible d'aller au fond des choses... 24 + 23 47. A quarante-sept ans, je découvre l'amour... celui dont je rêvais, qui allait me sauver. Ce n'est pas un prince charmant... Je n'en ai rencontré que des dégoûtants... C'est une femme charmante, aimante, douce, droite... Je dis nous maintenant... Nous sommes ensemble depuis 4 ans. Je ne suis pas un cadeau, mais je me soigne. Je ne suis pas guérie... Cette souffrance est une maladie chronique, mais je sais la gérer... C'est ma vie, et je veux maintenant vivre... La honte est partie. J'ai droit au bonheur... Oui, la bâtarde a aussi eu sa chance. Merci la vie, merci mon amoureuse... Merci de m'avoir donné ce second souffle...