L'Etat ne voit que ce qu'il veut bien voir et ce qui l'arrange. Mes parents sont divorcés et sont à la retraite. Ma mère a été licencié par rapport à un contrat pour le motif de maltraitance mais elle a continué son travail avec les autres contrats.
Enfant j'ai assisté à des scènes quotidiennes d'humiliation et dévalorisation. Mon père humiliait et dévalorisait ma mère et ma soeur tous les jours. Il frappait ma soeur au moment des devoirs et lorsqu'elle ne savait pas faire ce qu'il lui demandait.
Moi, j'assistai à ça, impuissante, je voulais aider ma mère et ma soeur mais quand j'intervenais c'était encore pire. J'étais condamnée à me taire, et dans ma tête tout explosait.
J'étais une petite fille qui souffrait intérieurement et qui avait compris qu'il n'était pas bon être du sexe féminin. Je suis devenue un garçon manqué.
A l'àge de deux ans mon père nous a offert à ma soeur et moi un martinet chacune. C'est avec ces martinets que ma mère s'est défoulée sur nous durant de longues années.
A 3 ans, pour avoir pris un bonbon, mon père m'a écrasé la machoire avec sa grosse main et sa force d'homme en colère, il m'a frappé sur le visage, tiré les cheveux, donné des coup de poing et m'a propulsé dans la chambre à coup de pied. Je n'ai pas mangé ce jour là, comme chaque fois que j'étais punie. Je me suis couchée, j'ai bouchée mes oreilles, fermé mes yeux et j'ai hurlé en silence dans mon intérieur, seul les larmes coulaient.
A 4 ans, mes parents ont demandé à l'école de me transformer en droitière parce que j'étais gauchère. J'ai subi des intimidations, et j'ai été frappée pour m'obliger à changer de main. Ce n'étais pas que je ne voulais pas être droitière mais je n'y arrivais pas, ça a duré longtemps.
Ma mère me frappait lorsque je respirais trop fort et mon père devenait menaçant pour la même raison. Nous n'avions pas le droit de montrer une quelconque émotion. Pas le droit d'être triste, pleurer avait pour conséquence une nouvelle claque. Pas le droit d'être content, rire faisait trop de bruit, tout était motif à frapper. Nous n'avions aucun droit, surtout pas le droit de vie.
Nous avons habité au pied d'une institution de l'assistance publique, qui recevait des jeunes filles âgées de 16 à 21 ans. C'était dans un château. Les filles étaient humiliées par les éducatrices particulièrement sous les douches, elles n'étaient pas toujours soignées quand elles étaient malades parce que la directrice refusait d'acheter les médicaments nécessaires. Elles les obligeait à rester en jupe et petites chaussettes quand il faisait très froid et qu'elles devaient aller à pied à l'église (5 km aller-retour). Quand elles faisaient des bêtises , on les enfermait dans une cellule en haut de la tour qui donnait sur notre maison. Je les entendait crier et taper leur tasse métallique contre les grilles de la fenêtre. Elles étaient au pain sec et à l'eau.
Chez moi c'était pareil, nous étions privé de manger quand nous faisions des bêtises. Mais quand nous mangions il était obligatoire qu'il ne reste pas une miette ni une goutte d'eau. Pour ne pas écarter les coudes ma mère nous mettait parfois des journaux sous les bras tout au long du repas.
Un jour l'une d'entre elle est venue voir ma mère, elle avait une aiguille de machine à coudre cassée dans son doigt plein de pus. La directrice avait décidé que l'aiguille devait sortir toute seule du doigt. Ma mère lui a enlevé. Je suis hantée par le hurlement de cette fille au moment où l'aiguille a été enlevée. Elle est venue tous les jours pendant les récréations pour désinfecter son doigt.
Quand une voiture ou des gens s'approchaitent de notre maison, nous devions nous cacher, nous taire et ne pas faire de bruit.
Parfois ma mère était prise d'une rage incompréhensible, elle hurlait sur nous, elle renversait toutes nos affaires sur le sol en hurlant que c'était mal rangé.
Laver la vaisselle, essuyer les verres, laver les vitres, elle n'était jamais satisfaite, et nous faisait recommencer toujours. Il fallait se taire, ne pas la contredire, ne pas protester parce qu'elle nous frappait avec les martinets, nous gifflait. Il fallait toujours anticiper sur ce qui allait arriver. Qand elle nous appelait on ne savait jamais si c'était qu'elle avait besoin d'être consolée ou de nous crier dessus et nous donner un coup.
Mon père haïssait autant les femmes que les enfants et ils fallait disparaître quand il était là, ne pas faire de bruit, ne pas exister, obéir dans la seconde à ses volontés. C'était une boule de violence, il ne parlait pas mais frappait avec sa force d'homme. Il me terrorrisait.
Nous vivions complètement isolés du monde.Pas de visite, les seules sorties étaient les courses une fois tous les 15 jours et l'école.
Quand ma mère a voulu travailler, elle a demandé un agrément pour garder des enfants, privés ou dass. Vu de l'extérieur nous étions une famille des plus parfaites, avec des enfants aimables (mais pas aimés). Les personnes de la dass ont visité la maison, eu des entretiens dans leur locaux avec mes parents mais ils n'ont rien vu et ne nous ont rien demandé, ni rencontré.
L'ambiance à la maison était pourtant un véritable enfer pour tous.
J'ai vu des bébés et des petits enfants mal traités à la maison, barbouillés de leurs excréments, de la nourriture qu'ils refusaient d'avaler, les cheveux tirés, gifflés. Je comprenais aussi que j'avais été traité de la même façon si ce n'est pire.
En grandissant, nous en avons protégé quelques uns à notre manière.
J'écoutais les émissions de Françoise Dolto à la radio, et j'étais impressionnée par ses paroles qui m'ont marquées.
A 14 ans, j'ai dû me battre avec mon père pour sauver ma mère dont il voulait frapper la tête contre un meuble. Il sont partis chacun deleur côté et m'ont laissé seule après cette évènement. J'ai pleuré pendant des heures, aucun d'entre eux n'est venus s'excuser ou mettre des mots sur ce qui s'était passé. Ce jour là mon cerveau s'est morcelée et je suis devenue mutique. Au collège un prof a vu que quelque chose n'allait plus mais il a considéré mon mutisme comme une agression contre lui.
Malgré tout cela mes résultat scolaires étaient satisfaisants. J'aimais apprendre et l'école me reposait.
Lorsque je n'étais pas d'accord avec ma mère elle me forçait à avaler des tranquillisants. Je m'y suis habituée. Les deux dernières années de lycée j'étais shooté en permanence aux tranquilisants.
J'ai vécu une agression sexuelle sur le quai d'un métro, j'avais 16 ans, personne n'a réagit, j'entends encore les pas des gens qui passait à côté. Je n'ai rien dit.
Peu après mon bac, suite à un désaccord, après m'avoir frappé et menacé de me tuer, mes parents m'ont jetés à la rue quelques jours avant noël.
10 jours après, j'étais dans une hôpital psychiatrique dans un état de rejet complet de la société, je me considérais comme un excrément, un déchet. Mes parents sont venus une fois, convoqués par le médecin, puis ils m'ont abandonné là. Et puis ce fut l'engrenage, l'automutilation, les tentatives de suicide, troubles alimentaires.
J'ai été abusé sexuellement dans un foyer par le gardien de nuit. J'étais consentante, comme toutes les autres jeunes filles qui étaient aussi vulnérables que moi.
Lors d'une crise de désespoir, des policiers sont venus me chercher, m'ont menoté dans le dos, allongé sur la banquette du fourgon police secours, bloqué les pieds avec une barre. Ils m'ont emmené à l'hôpital psychiatrique. Arrivé la bas, ils sont tous descendus sauf un, qui m'a fait des attouchements, et a pénétré sa langue dans ma bouche. Je ne sais pas si c'est un viol, ou une agression sexuelle. Je ne pouvais rien même pas bouger, j'étais attachée, et gelée à l'intérieur. Je n'ai rien dit, j'ai oublié pendant des années.
Dans l'un de mes multiples séjours à l'hôpital psychiatrique un infirmier m'a rué de coups de poing et de coups de pieds dans un escalier parce que j'avais dit que je n'avais pas faim.
Les psychiatres ne m'ont pas dit ce que j'avais et ne m'ont pas permis d'exprimer la colère que je ressentais, de poser des mots sur ce que je vivais, ils ont maîtrisé mon comportement en me tranformant en zombie à l'air hagard. Il m'ont fait croire que j'étais coupable, que c'était moi qui était folle. Il m'a fallu 10 ans pour me sortir de l'engrenage psychiatrique traumatisée par ce que j'y ai vu et subi.
Je suis hantée par toutes ces images qui m'envahissent, écrire tout ça me donne la nausée. Je ne vis pas, je suis encore avec mes reflexes de survie et je désespère de m'en sortir.
Mon corps réagit encore dans certaines situations, face à certaine scène de films, je suis souvent en dépression.
Je revois ma mère avec son thermomètre, et je ressens entrer, sortir, entrer, sortir et mon corps saigne dans ses moments là... et cela me donne envie de vomir... de vomir mon corps entier. C'est comme un fil chargé d'électricité qui me traverse du sexe jusque dans ma bouche. Je me demande ce que c'est, ça me fait mal et je gémis de douleur... ça revient sans cesse... je ne sais pas si c'est vrai... je voudrai que ce soit faux. Je suis hantée. Parfois j'ai peur de devenir folle.
Je ne m'en sors pas...
Témoignage
Publié le 20.12.2006
Bonjour,
Merci pour votre courage à écrire votre histoire. La mienne n'est pas encore publiée, mais j'ai une question personnelle à vous poser.
Parmi les maux dont vous souffrez maintenant adulte, êtes-vous anorgasmique pendant vos rapports sexuels avec un ou une partenaire?
Cela m'aiderait à répondre à mes propres questionnements.
Vous avez vécu des choses très dures qui ne peuvent s'effacer de votre mémoire, mais vous pourrez vivre avec si vous rencontrez un thérapeute digne de ce nom et vous puissiez lui faire confiance.
Je souhaiterai correspondre encore avec vous.
Bien amicalement.