Lettre à mon agresseur qui j’espère aidera d’autres victimes à se comprendre

Témoignage Publié le 15.04.2025

Je sais. Je comprends. Et je pardonne.

Même si mes souvenirs de nous sont flous, je sais une chose : je n’ai pas tout oublié, mon corps s’en souvient très bien. Je me souviens de ce que j’ai ressenti. Je me souviens de ce que tu m’as fait vivre, de ce que tu m’as fait subir. De ce qui s’est brisé en moi, au fur et à mesure des nuits où je te sentais arriver dans ma chambre, où je sentais tes mains si grandes se poser sur mon petit corps. Mais je sais que la violence ne naît jamais de nulle part. J’ai cherché à comprendre. À mettre du sens là où il n’y en avait pas. Ton enfance, ton histoire, ta souffrance. Je me suis dit que c’était peut-être ça, qui avait nourri la colère, l’excès, l’impensable. Je n’ai pas de colère envers toi, en tout cas pas cette colère brûlante, cette haine qu’on attendrait de moi. Je ne me comprends pas toujours non plus, mais ce que je sais, c’est que ce que je parviens à pardonner, tes actes, je les pardonne. Mais pas parce qu’ils sont acceptables, jamais.

Tout ce que je souhaite, c’est que tu ouvres les yeux. Que tu comprennes vraiment ce que tu as fait. Ce que tu as détruit. Et que tu sois capable d’apprendre, pour que plus jamais, tu ne fasses de mal à personne. Je veux être la première et la dernière. Je veux que tu aies le courage de dire la vérité. Que tu nommes l’horreur pour ce qu’elle est. Que tu reconnaisses les viols et mes années de souffrance qui ont suivi. C’est tout ce que je demande. Pas pour te punir. Mais pour que moi, je puisse avancer. Je ne te souhaite pas la destruction. Je te souhaite l’apaisement. Je souhaite que tu puisses porter tes actes, les regarder en face, sans qu’ils t’écrasent — mais sans jamais les oublier.

Je me sens déchirée entre deux parties de moi. D’un côté, il y a la petite fille aimante, celle qui veut te comprendre, te consoler, et te guérir, même si tu m’as fait du mal. C’est comme si je pensais que si je pouvais t’offrir la tendresse que tu ne m’as jamais donnée alors la violence s’arrêtera. Peut-être que je serai enfin digne d’être consolée, de me sentir en sécurité. Mais il y a une autre part de moi qui a peur de toi. Une peur qui ne s’explique pas, qui vit dans mon corps. Une peur qui sait que je ne pourrai plus jamais te laisser m’approcher, ni contrôler mon corps à nouveau. Celle qui veut fuir, qui refuse d’offrir encore ma douceur à quelqu’un qui m’a volé la mienne. Ces deux parts de moi cohabitent. Elles vivent en même temps. Je ne veux pas te détruire. Je veux me reconstruire.

Nous en parlons
P
proteas
Publié le 03.05.2025
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Cette puissante lettre fait tellement écho en moi!!