Mon ami Gabriel
Un soir Gabriel, l'ami d'un ami, est venu me parler. Je ne le connaissais pas très bien, mais pourtant, il y avait une raison précise pour laquelle il voulait me parler à moi ; il avait entendu que j'étais une victime d'inceste, et il pensait que je pouvais le comprendre. Gabriel n'allait pas bien du tout. Au début, pour des raisons assez confuses, jusqu'au jour ou pendant un massage thérapeutique, le souvenir de gestes incestueux de sa mère étaient revenus brusquement à la surface. Cela a fait comme une explosion à l'intérieur de sa tête, expliquant beaucoup de choses, d'un côté, et remettant beaucoup de choses en cause, de l'autre.
Gabriel a lutté quelques temps contre les conséquences de ce qui lui était arrivé. Il a cherché des réponses dans tout ce que la vie pouvait porter comme promesse : des histoire d'amour (beaucoup), des thérapies diverses et variées, certaines fumeuses, vraiment. L'expression artistique. L'exil, un temps. Les médicaments. Il a eu un grand rendez-vous manqué avec la psychothérapie: il est allé voir une psychanalyste dont un commentaire a été, après le récit de ses souvenirs : "c'est peut-être un fantasme...". Il n'est bien sûr jamais retourné la voir, et jamais retourné en face d'un psychothérapeute non plus. Je ne suis pas violente en temps normal, mais j'avoue que je rêve de lui envoyer mon poing dans la figure, celle là. Ce que je ressens s'approche de la rage, en fait.
Rien n'a vraiment bien marché, Gabriel ne trouvait pas la sortie du labyrinthe où l'inceste maternel l'avait plongé. Un jour que nous étions tous partis en week-end loin, Gabriel en a profité pour avaler tous les médicaments qu'il avait stocké depuis des mois et se glisser dans un bain chaud. Il a fait en sorte de ne pas se rater. Quand son colocataire est rentré de notre week-end, Gabriel, et son bain, étaient froids depuis longtemps.
J'ai appris plusieurs choses, à ce moment là ; qu'on peut avoir le coeur brisé, même pour quelqu'un qu'on ne connaît pas très bien. Qu'une réaction naturelle au suicide, c'est la culpabilité ("j'aurais du pouvoir l'aider"). Que comme je le pensais, l'inceste n'est pas seulement l'origine de dépressions, de problèmes d'estime de soi, de Syndrome de Stress Post Traumatique, d'addictions et d'une myriade d'autres problèmes psychologiques. Il tue, aussi. Combien de morts, pour un problème dont on parle si peu ?
Lorsque c'est arrivé, j'avais déjà compris que l'inceste (les violences sexuelles en général, d'ailleurs) ne sont pas une histoire de sexe. Ce sont des histoires de violence. Mais ce que j'ai compris à ce moment là c'est que les violences sexuelles ne sont pas non plus une histoire de genre, d'oppression des hommes sur les femmes, ou de victimisation des femmes par les hommes. C'est une histoire de différentiel de pouvoir : le plus fort, ou la plus forte, utilise son pouvoir pour exploiter un ou une plus faible. On retrouve du coup les victimes chez ceux qui sont en position de faiblesse : culturellement, les femmes plus que les hommes, mais aussi les enfants des deux sexes. Et les abuseurs existent des deux côtés, aussi.
J'ai trouvé très difficile (mais possible !) de me remettre de mon passé de victime d'inceste. J'ai créé un blog pour parler de ce que j'ai appris de ce long chemin de guérison. Mais j'ai une admiration particulière pour les hommes survivants. Pour eux c'est encore plus compliqué d'être entendu, d'être cru, d'être aidé. Que la force soit avec vous !
Bonjour Soleil222, comme le dit le modérateur ou la modératrice je ne peux pas mettre le lien direct vers mon blog, c'est contraire à la charte du site.
Mais si cela t'intéresse tu peux le trouver avec un moteur de recherche: son nom est "Nos cicatrices et nos victoires".
Bon courage à toi
Pumkin / Nathanaelle
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Quelle est ton blog ?
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Toutes les situations d’inceste sont affreuses et aucune graduation des unes par rapport aux autres n’est à faire, mais il est vrai que comme vous le décrivez bien, certains cas apparaissent stupidement à beaucoup moins légitimes que les autres et doivent supporter ce regard qui tend à minimiser ou atténuer ce qu’ils ont enduré. Quoi un garçon (un enfant, pas un homme adulte, et quand bien même) est abusée par une fille, une femme ! La belle affaire …
Merci d’avoir publié votre témoignage qui a un fort écho pour moi et surtout dont l’éclairage devrait être largement partagé, oui cela existe également et est tragique. Ce que vous décrivez est affreux et vous avez eu l’honnêteté et la force de le raconter.
La légitimité de se plaindre n’est malheureusement pas évidente car très difficile, puisqu’elle n’apparait pas « acceptable » à beaucoup, et l’écoute des faits dérange trop … alors la reconnaissance … une gêne et une violence inacceptables pour celui qui reçoit !!! Un comble ! Ceux qui refusent la réalité de l’inceste et la nient en n’acceptant pas son témoignage, participent à créer et amplifier l’injustice de son existence, par l’ignorance, le secret, par lâcheté, ils s’en rendent donc complices. Mensonges, affabulations, délires et autres horreurs reprochées à la victime sont brutales et destructrices pour celui ou celle qui les subissent, mais tristement classiques ; la faiblesse (bassesse …) du refus de l’écoute et de la reconnaissance est une violence supplémentaire à encaisser.
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