J'ai 52 ans, et je souffre d'amnésie traumatique.
Vers l'âge de 30 ans, on m'a diagnostiquée une DIP (dépression infantile précoce) qui n'avait jamais été traitée. Je consulte des psychiatres depuis mes 25 ans avec quelque pauses. En 2003, lors d'une séance en hypnose Eriksonienne, il m'est apparu une lumière rouge (mon bourreau était photographe et la lumière indiquait l'interdiction d'entrer dans le labo) juste au-dessus de moi au fond du long couloir, puis mon corps s'est refermé et mes jambes se sont repliées sur mon ventre, et j'ai ressenti une forte douleur dans mon bas ventre. C'est à partir de cette séance que j'ai commencé à faire des liens entre mon mal-être quasi quotidien (malgré un travail que j'aimais, des enfants splendides et des relations sympathiques, sans pour autant n'avoir jamais eu le désir de m'attacher à mes "ami(es)") et un éventuel trauma subi dans mon enfance. De cette période je n'ai presque aucun souvenir. Quelques bribes ici et là et ma mémoire est à peu près "fluide" après mes 11 ans.
Je souffre de dissociation post-traumatique dans des moments importants et dans mon quotidien en général, ce qui me vaut des disputes fréquentes avec mon entourage qui dit que je suis toujours dans la lune ou que je ne les écoute pas. Pourtant je ne me souviens pas. J'ai continué ma vie bon an, mal an jusqu'en 2017 où j'ai fait un burn-out qui me vaut une invalidité depuis. Et je n'ai toujours pas repris mon travail, mais je vais de mieux en mieux depuis que j'ai accepté de prendre un traitement. Ma famille souffre de mon état et ce serait tellement plus simple pour tout le monde si je n'étais plus là, mais je tiens bon. Depuis 3 ans, les souvenirs sous forme de flashs apparaissent à leur rythme. De 2 ans à 11 ans, je partais chaque mois de juillet avec ma grand-mère chez sa soeur sous le joug de ce monstre, le cousin de ma mère. Je n'ai toujours aucun souvenir de ces périodes de ma vie, des mois de juillet jusqu'aux mois de décembre au moins, puisque je ne sais plus les Noël, les rentrées scolaires, les vacances d'août avec papa, maman, et mon frère, ni même le lapin de Pâques.
Lorsque j'ai enfin compris, je lui ai écrit et il a nié en menaçant de porter plainte. Il m'a volé mon enfance, il a fait de moi une femme incapable de se protéger de tous les hommes pervers que j'ai pu rencontrer plus tard, une alcoolique abstinente depuis 10 ans !!! Il a détruit les relations avec ma maman, à qui la petite fille en veut encore aujourd'hui de ne pas l'avoir protégée et qui a continué à la confier à sa propre mère durant au moins 6 étés alors qu'elle-même n'était même pas au courant. Des insomnies ou des cauchemars teintés de sang, de sexes, d'excréments pendant plus de 6 ans de ma vie. Une incapacité encore bien réelle à entretenir des relations amicales, où il n'y a que dans ma maison que je me sens en sécurité. Je suis devenue éducatrice spécialisée évidemment, et j'ai craqué et commencé à faire des liens le jour où je me suis occupée d'une petite fille toute aussi jolie que celle que j'ai pu être et qui elle-même était victime. Je n'ai plus été capable d'être une bonne professionnelle après ce transfert. Le pire à mon sens est cette mémoire traumatique qui fait naître un fantasme invivable lors des épisodes d'angoisse. Quelles atrocités a-t-il pu me faire subir si mon cerveau a décidé de tout refouler ? Aujourd'hui je vais mieux sur de longues périodes de quelque mois, mais celles où tout s'écroule sont encore bien présentes. Je m'appelle M. et je vous remercie.