Je suis bousculée par ce qui se passe actuellement. J'ai été victime d'inceste de la part de mon père de 12 a 17 ou 18 ans environ.
J'ai appris plus tard qu'un de mes frères a aussi été victime. L'agresseur est mort d’un cancer lorsque j'avais 20 ans. Depuis, j'ai parlé. Toute la famille et mes proches sont informé et ils m'ont crue. J'ai une vie équilibrée à tous niveaux : un époux aimant et au courant tardivement certes, 3 grands enfants qui vont bien, un métier que j'adore. Je suis sage-femme formée avec un DIU sur la prise en charge des violences faites aux femmes (pas de hasard).
J'ai beaucoup de mal à parler de ce que j'ai vécu. Non en fait, je ne souhaite pas en parler : cet innommable, cette douleur dans le regard des autres que j'aime... je ne veux pas. Je suis bousculée, car j'entends parler de consentement, de liberté sexuelle... L'inceste n'a rien à voir avec cela, mais avec le pouvoir. Le pouvoir d'une personne sur plus vulnérable que soi et qui a une place, une posture d'autorité et normalement de protection, qui en abuse quelque soit l'âge de la victime. C'est une question de posture pas de sexualité. Et c'est destructeur d'être manipulée par une personne qui devrait vous protéger. Ce que je ne connaîtrai jamais : c'est la place d'un homme qui me protège sans condition et sans enjeu de sexualité.
J'ai perdu la découverte par moi-même de la sexualité et cela a toujours des conséquences sur ma vie actuelle. C'est une douleur sans fond quand je mesure ce que j'ai perdu et ce que cela implique pour mes proches. Mais je vais bien, je me suis fait aider, je suis aimée et en sécurité. Juste que cela gratte un peu plus en ce moment. Et puis j'ai un questionnement : si j'avais parlé ado : comment aurais-je vécu la destruction de la famille, est ce que j'aurais été soutenue ainsi que ma famille ? Finalement cela n'aurait-il pas été plus grave pour moi de porter tout cela ? Est-ce que je ne m'en sors pas mieux vu qu'il est mort quand j'ai eu 20 ans ? Parler à aussi un prix : il faut être suffisamment fort et en sécurité pour que cela en vaille le coup. Si j'avais parlé, j'aurais protégé mon frère peut-être... mais j'étais une enfant. Ce que se passe actuellement vient remuer un fond de culpabilité de ne pas avoir parlé à temps .... Merci de m'avoir lue.
Merci profondément pour votre témoignage. Bien à vous.