Ma première fois
Ça fait un moment qu’on se connaît
Un peu plus qu’on se côtoie
La confiance s’est installée insidieusement
Au point que j’en suis devenu aveugle
Impossible de penser par moi-même
Comme un petit enfant que je suis
On est fusionnel, forçant l’admiration
Des proches des badauds
Sans que personne n’y voit du mal
Juste du positif comblant l’absence
De papa qui ramène l’argent
Oui c’est beau d’avoir confiance
Mais que quand on peut réfléchir
Notre complicité naturelle
S’est prolongée par des actes normaux
Comme le soin à un enfant, le bain
Acte évident, logique, avant l’indépendance
Moins après, comme nous, sans que je le sache
Tu ne t’es pas arrêtée là
Je ne savais pas que je pouvais dire NON
Bains, douches, au début
Complétés par les entrées dans ma chambre
Sans prévenir, sans frapper, pour mater, surveiller
Je devais dire non mais je ne savais pas
Ne savais pas que je pouvais dire non
Tu as pris mon silence comme un encouragement
A tort car ce n’était pas à moi de savoir
Tu as continué sans que je sache que ce n’est pas normal
Les câlins naturels ont fait place à d’autres
Plus précis, plus intimes, des adultes
Relation qui me détruit gentiment mais sûrement
Me marquant au fer rouge
Tu as poussé le vice jusqu’au bout
Jusqu’à la finition finale pour m’apprendre la vie
Ma mémoire me protège de certains détails
Des détails qui n’effacent pas
Les faits revenus il y a peu
Du plus profond de l’amnésie salvatrice
Quantité négligeable tant les dégâts sont là
Indélébiles comme mes tatouages
Forts comme ma volonté d’empêcher
De telles souffrances aux autres
Aux victimes potentielles par l’association créée
Oui, tu m’as abusé, violé, alors que j’étais impuissant
Comme tous les enfants de mon âge
Le calvaire a duré six ans minimum
De mes 9 ans à mes 15 ans
Peut-être avant, mais mon cerveau
Ne veut me le dire
Il lui a fallu 29 ans
Pour me faire réaliser le drame
C’était en août 2015 que c’est venu
Au cours d’une promenade avec E.
28 ans depuis la fin des viols
Pour avoir une explication plausible
Du néant de ma vie sentimentale
De l’absence de confiance en moi
Dans le privé avec les autres
Et comment, pourquoi, j’ai tenu
En sécurité dans l’enfer de la guerre
Ainsi que ma haine profonde pour les pédophiles
Ou l’immense compréhension que j’ai
Pour les victimes qui ne se sont pas relevées
Ou toutes seules, abandonnées de tous
Qui a fait venir instinctivement
La motivation pour l’écriture libératoire