Incestes mère/fils et grand-père/petit-fils : fortes confusions, faibles limites

Témoignage Publié le 05.09.2016

Incestes mère/fils

et grand-père/petit-fils : fortes confusions, faibles limites

Septembre 2016

Bonjour.

Je souhaite déposer le témoignage de mon enfance et de mon adolescence au sein de ma famille incestueuse.

Un acte de libération définitive

Actuellement âgé de 51 ans, je suis passé ces quatre dernières années par une étape capitale consistant à me reconnaître comme une victime. Ce témoignage écrit n’est toutefois pas l’expression d’un positionnement de ma part comme victime, il est au contraire un acte de libération définitive de ce statut, et par là même, il me délivre de mon passé. Je m’apprête maintenant à vivre pleinement, et pour cela j’abandonne le confort mental de pouvoir garder en réserve une attitude de victime.

J’ai placé mon témoignage sous la rubrique « inceste mère/fils » car, d’une manière qui m’est évidente, la relation incestueuse que ma mère et moi avons eue est celle qui m’a le plus affecté structurellement, plus que les sévices sexuels de mon grand-père que j’exposerai également, et plus que la maltraitance psychologique et physique de mon père. Je n’ai pas classé ce témoignage sous la rubrique « viols et incestes multiples », parce qu’une telle rubrique évoque selon moi plus de deux personnes impliquées dans les sévices sexuels, ce qui n’a pas été mon cas.

Ce témoignage est anonyme : mes parents ont subi de fortes souffrances en leur temps, et se sont défendus à leur manière contre des angoisses dont je suis certain qu’elles ont été terribles. Malheureusement, leur auto-protection les a conduits par leurs comportements à projeter et à passer à leurs trois fils, dont je suis l’aîné, la plupart de ces souffrances et angoisses. Les défenses extrêmes et très rigides de mes parents pour sauvegarder leur ersatz d’équilibre les empêchent d’accueillir mes mots et les poussent au déni. Par exemple, j’ai écrit une lettre à mon père, dans laquelle je dénonce les agissements de son propre père sur moi. Selon ses dires, je suis devenu fou, ce qui ne le surprend pas puisque j’ai été un enfant instable… Voilà comment on retourne une situation : ma graine de folie était déjà là puisque j’étais instable étant enfant, alors que si effectivement j’avais un comportement instable, c’était en raison de ce que je vivais à ce moment-là. Je pense, en tant qu’homme qui s’assume et n’a plus besoin de ses parents pour vivre ni matériellement ni affectivement, qu’il est inutile de les faire souffrir. Je suppose que mes paroles pourraient les détruire, renforcer leur déni ou les rendre agressifs. Je ne souhaite aucune de ces trois choses, je n’ai pas besoin de cela pour progresser. Je suis décidément tourné vers la lumière.

La mémoire m’est revenu à l’âge de 47 ans

Je vais décrire les événements dysfonctionnels principaux que j’ai vécus entre l'âge de 3 et presque 12 ans, dont la majorité des souvenirs a été refoulée de ma conscience durant plus de 35 ans. La mémoire a commencé à me revenir avec une violence inouïe à l’âge de 47 ans. À la fin de ce témoignage, je décrirai brièvement les effets négatifs de ces épreuves sur mon comportement général en tant qu’adolescent et adulte. Mon but étant ici de terminer de me libérer d’un passé qui m’a pourri la vie jusqu’à aujourd’hui, je ne vais me focaliser que sur les événements les plus négatifs de mon enfance.

Voici le moment d’énoncer les faits. Je ressens chaque mot, chaque lettre que j’écris, comme un envol déchirant vers la liberté. C’est un arrachement de tout mon être, qui s’accroche désespérément une ultime fois à l’enfer intérieur de la honte et de la culpabilité absolues, éprouvées durant presque toute ma vie. En écrivant ce qui va suivre, je casse la dernière chaîne de l’horreur mentale et me « condamne » à être libre… condamnation que j’ai décidé d’assumer entièrement et dont, en fin de compte, je suis plus qu’heureux même si, enfin détaché de mes chaînes, je me confronte à l’inconnu !

C’est grâce à ma thérapie EMDR, suivie jusqu’à il y a quelques mois, que j’ai pu trouver la force de replonger dans les sensations et émotions de ces souvenirs pour pouvoir mieux les décrire. Et c’est grâce à ma thérapie psychanalytique que j’ai pu reconnaître les liens entre les différents événements, prendre conscience des chaînes pathologiques intergénérationnelles de ma famille et, découlant de cela, briser à mon niveau une grande partie de ces chaînes.

Presque tous mes souvenirs traumatiques ne sont basés que sur des émotions et des sensations physiques dévastatrices, assez peu sur des images et encore moins sur des paroles : en ce qui concerne les paroles, c’est normal, quasiment rien ne se disait dans la famille, même (surtout) durant les passages à l’acte sexuel. J’attire votre ATTENTION sur le fait que ce témoignage comprend des DESCRIPTIONS TRÈS CRUES, à l’image de ce qui a été vécu.

À 3 ou 4 ans, avec ma mère  : ma mère s’est masturbée au moins une fois avec ma main droite. Je sens encore sa prise autour de mon poignet et de mon coude, le contact de trois de mes doigts sur son clitoris, peut-être plus avec l’annulaire. Aucune image, juste des sensations. Bizarrement, depuis des années j’ai régulièrement de l’eczéma, spécifiquement sur l’annulaire et de temps en temps à un endroit précis du poignet. Cela, ce sont mes mots et remarques d’adulte.

Enfant, j’ai ressenti une grande confusion, que je peux retranscrire en mots, mais qui sont en fait un univers d’émotions entremêlées bien plus que des mots. Imaginez ces phrases successives, mais posées toutes en même temps sous forme d’émotion pure : c’est mal, c’est mal, c’est mal ! C’est tout mouillé comme du pipi ? Maman me dit que c’est sale de toucher le pipi, c’est très mal, je ne devrais pas toucher ! Je vais être puni ! On dirait que maman a mal, je ne sais pas ! JE NE VEUX PAS DISPARAÎTRE, J’AI PEUR ! 

Assemblez tout cela et vous avez un sentiment dévastateur de confusion absolue et d’angoisse, sur lequel vous êtes incapable de mettre des mots tellement cela vous dépasse. À nouveau avec mes mots d’adulte, cette impression d’avoir une partie de l’avant-bras coupé, que tout mon être va disparaître, une peur viscérale d’être anéanti sans que je puisse rien y faire, cela me rend inerte, comme anesthésié, mon corps n’est plus à moi, je ne le contrôle plus. Une anti-vie : maman m’a mis au monde et maman me reprend, c’est à l’opposé de l’élan de la vie.

Une autre impression née de cette expérience, mais qui a mis plusieurs semaines, mois ou même années à se construire : c’est tout dur, maman a un petit robinet comme moi mais dedans ? Malgré tous les souvenirs qui seront décrits plus bas, l’épisode que j’ai vécu à 3 ou 4 ans est sans doute celui qui m’a le plus profondément empêché de me structurer pour les dizaines d’années suivantes.

Adulte, je travaille depuis 4 ans à une (re)construction saine, mais ce qui compte, c’est que je suis en train d’y arriver. Enfant, je n’avais aucune chance de comprendre, encore moins de réussir à m’en sortir. Mes parents étaient ceux qui auraient dû pouvoir m’apporter un modèle de structure saine sur lequel j’aurais pu m’appuyer, un enfant ne peut pas l’inventer seul. Ce jour-là, j’ai servi à ma mère de jouet sexuel.

De 3 à environ 12 ans, concernant mon père  : mon père est souvent absent de la maison, parfois durant plusieurs semaines. Mais lorsqu’il est là, il lui arrive, sans que je puisse prévoir quand cela va arriver, de se mettre instantanément dans une colère noire contre moi (ou contre l’un de mes deux frères). Dans ces moments-là, il perd le contrôle de lui-même et me donne des fessées, le plus fort et le plus longtemps qu’il peut, jusqu’à ce que ça lui fasse trop mal à la main, il me l’a clairement dit à la fin de certaines des raclées : « là je suis obligé d’arrêter parce que ça me fait mal à la main ». Je me souviens de l’une de ces fois où je suis allongé sur le ventre, il me donne des fessées sur mon lit, c’est interminable. Malgré mes contorsions et mes hurlements pour tenter de me libérer de son emprise, d’une seule main il me bloque les bras pour que je ne puisse pas me protéger, pendant qu’il me frappe avec l’autre. Je me souviens également d’une fois où il me court après dans toute la maison pendant que j’essaie d’échapper à « la fessée ». Il finit par me rattraper alors que je viens de me réfugier sous mon lit, d’où il me sort en me tirant par les pieds pendant que je hurle en pleurant. Évidemment, la fessée qui suit n’en est que plus forte. Mon père a parfois parlé d’acheter un martinet, mais il ne l’a jamais fait.

De mon enfance à il y a quelques années, concernant mon père  : c’est vraiment très simple, mon père ne m’a jamais reconnu comme un être humain ayant sa propre existence, il m’a toujours dévalorisé (tout en s’en défendant) et m’a toujours bien fait comprendre à quel point je ne vaux rien et n’arriverai jamais à rien, tout en me disant « tu as des capacités, mais… ». De plus, il a été adepte de la condition implicite : « je te donnerai mon affection si… », sans qu’il soit jamais possible de l’obtenir. Pour illustrer ce que cela signifie, prenons l’exemple classique des notes scolaires : la condition était « tu auras mon affection (ou ma considération, etc.) si tu as de bonnes notes ». Si j’avais 11/20, ce n’était pas une bonne note. Avec 18/20, je m’entendais ironiquement dire « c’est bien, ce n’est pas trop tôt !... mais où sont les deux points qui manquent ? ». À 20/20, mon père me disait : « Ah quand même ! Mais dommage que les notes précédentes te fassent descendre ta moyenne. Ton 20/20 ne sert à rien ». Ainsi, j’ai passé ma jeunesse et au-delà à espérer être reconnu et apprécié de mon père qui, de toute façon, ne savait exprimer que de la colère et des sarcasmes. Maintenant que je suis détaché de lui et que je lui ai raconté une partie de ce que je suis en train d’écrire ici, il me prend pour un fou.

De mon enfance à 24 ans (âge auquel j’ai quitté ma famille), comportements généraux concernant ma mère  : de manière générale et paradoxale, ma mère m’a surprotégé et rejeté à la fois, durant toute mon enfance : anxieuse, elle avait peur en permanence que le pire m’arrive et cherchait à m’en préserver, ce qui m’étouffait, mais également, elle ne m’apportait de la tendresse que quand ELLE avait besoin de la mienne, pas quand moi j’avais besoin de son affection. Dans ce sens-là, je dirai que je lui ai servi de « nounours ». De plus, sans tenir aucun compte du fait que je sois présent ou pas, ma mère a toujours pénétré dans ma chambre sans prévenir, sans même toquer, mais jamais la nuit. Jusqu’à l’âge de 15 ans, ma porte n’a pas eu de clé : que maman soit entrée ainsi aléatoirement tout ce temps a presque été normal pour moi. Je vois encore la porte s’ouvrir d’un coup, ma mère agitée marmonne en entrant d’un air préoccupé, pour passer l’aspirateur, ou ranger des vêtements dans l’armoire, etc. Le moindre respect de mon besoin d’intimité a tout bonnement été inenvisageable pour elle, je pense que ma mère n’a même pas été consciente de ce besoin. De même, jusqu’à l’âge de 14-15 ans, elle entrait dans la salle de bain comme elle voulait, toujours très affairée, pendant que j’étais dans la baignoire : par exemple, elle déposait quelque chose dans l’armoire à pharmacie, puis ressortait. Malheureusement, comme il sera vu plus bas, elle a fait bien d’autres choses avec moi dans ce lieu en principe privé. Enfin, ma mère me "gâtait", il me suffisait de demander quelque chose, par exemple une maquette, d'une certaine manière un peu insistante, pour l'obtenir. Il lui était impossible de résister ou d'être ferme.

De 4 à 8 ans et demi, avec ma mère  : c’est ma mère qui m’a lavé durant toute cette période. Sa phrase fétiche : « Il faut bien nettoyer le petit robinet ». Voici par ailleurs une scène qui s’est passée presque à chaque fois : je suis debout, maman me lave en me frottant énergiquement avec des gestes très saccadés, ça me ballote dans tous les sens pendant qu’elle me retient d’une main par le bras. Tout en faisant cela, elle me râle dessus : « mais arrête de bouger, là ! ». Moi, je me demande comment elle veut que je m’arrête de bouger, c’est elle qui me secoue ! Mais je ne lui dis rien, je sais que ça ne sert à rien. Je peux ajouter que lorsque j’étais malade, ma mère me mettait systématiquement des suppositoires. Je détestais cordialement cela et les rejetais aux toilettes dans les cinq minutes qui suivaient, ce qui l’énervait.

À 7 ans, avec grand-père et ma mère  : c’est un jour ensoleillé, je suis debout dans le salon à la gauche de grand-père, contre le bras d’un fauteuil dans lequel il est installé. Sur ses genoux il y a mon livre d’école ouvert, celui qui a une couverture cartonnée avec un cerisier ou un pommier et deux enfants qui s’amusent à son pied. Je suis heureux de montrer à grand-père comment je lis, je lui montre du doigt des syllabes, que j’assemble avec fierté. Maman est dans la cuisine, j’entends des bruits de vaisselle. Moi, je dois être en pyjama, parce que je me rappelle que je ne porte pas de slip. À un moment, je sens la main de grand-père se fixer fermement sur mes fesses comme s’il s’en emparait, directement à l’intérieur du pyjama. Je suis immédiatement pris d’un sentiment très fort de malaise, mais confus, indéfinissable, et j’aimerais soudain être ailleurs. Mais je ne remue pas, à la place tout mon esprit se fige sur mon livre, c’est devenu très important, il n’y a plus que lui qui compte. Je ne sais pas combien de temps cela dure, mais je finis par m’apercevoir que maman n’est plus dans la cuisine et qu’elle nous voit depuis l’entrée du salon. J’attends qu’elle fasse ou dise quelque chose qui va me rendre tout plus clair, j’ai juste besoin que ce soit plus clair, pour savoir ce que je dois ressentir, parce que grand-père, lui, laisse sa main sur mon derrière. Mais maman ne dit rien, rien du tout. Elle finit par retourner à la cuisine. C’est ainsi que grand-père m’a utilisé pour prendre le pouvoir sur ma mère, pouvoir qu’il a eu sur toute la famille. Ce jour-là, j’ai servi d’outil à mon grand-père.

Avec grand-père

De 8 ans et demi à 10 ans, avec grand-père  : mes parents vivent à l’étranger et m’envoient vivre en France chez mes grands-parents paternels au lieu de me garder avec eux parce que, selon mon père, je suis « un enfant difficile ». Ma famille revient en France quand j’ai 9 ans et demi pour la naissance de mon deuxième frère. Cependant, tout en allant dans ma famille certaines fins de semaine, je continue d’habiter chez mes grands-parents jusqu’à notre départ pour un nouveau pays 6 mois plus tard.

Souvenir 1  : il fait nuit, je suis dans ma chambre, contiguë à celle de mes grands-parents. Un sentiment d’alerte me sort de mon sommeil, à moins que je ne sois déjà réveillé. Soudain, au son discret de la poignée de porte qui pivote lentement, une terreur glaciale me prend en étau. Je sais que grand-père va entrer.

Souvenir 2  : je ne peux évidemment pas savoir combien de fois cela s’est passé en un peu plus d’un an, mais grand-père a pris l’habitude de venir la nuit dans ma chambre pendant que je « dors ». Je me rappelle ses visites nocturnes uniquement sous forme de sensations physiques et d’émotions : tout se passe toujours dans le noir et en silence, avec grand-mère qui dort dans la chambre juste à côté. Il s’agit toujours du même style de comportement, avec des variantes selon que je dors sur le ventre, sur le dos ou sur le côté quand il arrive. Je soupçonne que mes souvenirs, qui ne sont que partiels, se sont entremêlés pour faire une sorte de « moyenne » : dès que grand-père se retrouve dans ma chambre, je sais avec certitude que ce qui se passe est mal. Il est près de mon lit et promène très lentement sa grosse main sur mon ventre et mon torse nus, sans appuyer. Je pense qu’il a auparavant relevé ma chemise de pyjama et baissé mon pantalon, même si je ne m’en souviens pas. Son autre main recouvre tout mon bas-ventre, elle touche mon « petit robinet ». Dans un autre souvenir, il me caresse les fesses de plus en plus vers l’intérieur et finit par m’effleurer plusieurs fois l’anus, c’est horrible. Plusieurs choses se passent à la fois dans mon esprit pendant ces événements : toute mon attention est concentrée sur la moindre sensation pour essayer de comprendre ce que grand-père fait et pourquoi ; j’essaie d’y trouver du sens, désespérément. Mais mes pensées se figent, je suis en complet désarroi, c’est comme si je ressentais toutes les émotions du monde en même temps sans pouvoir en dégager aucune.

J’ai aussi extrêmement peur que grand-père découvre que je ne dors pas vraiment, je comprends instinctivement que je DOIS être endormi, c’est vraiment plus important que tout le reste. En fait, je sens bien qu’en me touchant si doucement, il ne veut pas que je me réveille. De plus, autant j’ai un sentiment de révulsion totale lorsque grand-père me frôle l’anus, autant, quand il me caresse le « petit robinet », mon corps en redemande, même si moi je ne veux pas car je sais que c’est très mal.

À ce moment-là, s’il voyait que je ne dors pas, grand-père SAURAIT que mon corps apprécie ce qu’il est en train de faire avec mon pénis, et ça je ne peux pas l’admettre ! Alors, tout mon être « dort », quoi que grand-père fasse, de cette manière c’est comme si je ne savais pas ce qui se passe.

Lorsque je me retrouve seul, je me sens confusément coupable.Une nuit, grand-père fait une exception à son rituel : sous le drap qui me recouvre, il se met à malaxer légèrement ma main droite avec ses deux mains, comme s’il voulait la « sentir ». Puis, il la sort de sous le drap et, même avec mes yeux fermés, je sais qu’il l’amène à l’intérieur de son pantalon de pyjama. Je ne me souviens pas des détails, comme par exemple la texture de sa peau, car toute ma vie est concentrée sur ce qu’il est en train de faire. Par contre, je me rappelle très bien qu’il me maintient les doigts ouverts et me fait faire des va-et-vient avec ma paume sur son très gros pénis en érection, il me guide en gardant sa main sur le dos de la mienne. Je ne sais pas comment je sais que c’est son pénis que je touche, mais je le sais, et je me sens instantanément mal : JE touche, MOI, le pénis de grand-père ! À un moment, la main de grand-père couvre la mienne autour de ses testicules, puis il me fait revenir à son pénis. Je n’ai aucun muscle qui bouge, il est vital pour moi qu’il sache que je dors, en fait je n’ai que cette pensée : je dors, je dors, je DORS ! Mon corps est tétanisé au point que, lorsque grand-père relâche la pression sur ma main, celle-ci reste sur son pénis, figée pour ce qui semble une éternité à l’endroit où il l’a laissée. Comme ça, il croit que je suis en train de dormir.

Ce n’est qu’avec mon esprit d’adulte que j’ai compris que, bien au contraire, en laissant ma main sur son pénis comme je l’ai fait, je lui ai montré que je faisais semblant de dormir. J’ai compris qu’être endormi ou non n’aurait fait aucune différence, pour grand-père seul comptait son plaisir et mon silence implicite.

De plus, il y a ce sentiment horrible que c’est MOI qui ai touché mon grand-père, l’idée que c’est LUI qui m’a fait toucher son pénis ne m’est pas venu un seul instant en tête. Je me suis senti être un monstre en prenant sur moi-même SA culpabilité.

Une honte sans nom pendant plus de 35 ans

De façon plus générale, à chaque fois que grand-père m’a fait jouir de ses caresses, et au-delà de la confusion absolue ressentie alors même que l’acte était en train de se produire, « dormir » à tout prix a été mon moyen de survie à ce conflit intérieur destructeur et sans résolution possible. Enfant, la conséquence de ce que j’ai éprouvé est devenu avec le temps une Honte sans nom, qui a perduré durant plus de 35 ans. Elle a failli me tuer. C’est également lors de ces événements que j’ai commencé à séparer mon corps et mon esprit en deux parties littéralement indépendantes. Lors de ces nuits, j’ai servi d’objet sexuel à grand-père.

Souvenir 3  : au moins une fois, après l’école, grand-père m’a mis la main dans mes sous-vêtements pour sentir mon pénis. Un jour il l’a fait pendant qu’il m’aidait en arithmétique. Je me vois encore debout près de lui à son bureau, sa main tripotant mon pénis à l’intérieur de mon short. Il y a ce gros « X » sur mon cahier pendant qu’il m’explique la preuve par 9, qui sert à vérifier la justesse du résultat d’une multiplication. De manière plus générale, il m’arrivait d’être debout entre les jambes de grand-père pendant qu’il était assis sur une chaise du salon, même en présence de grand-mère. Il me pressait alors presque insensiblement contre lui, je savais que ça lui faisait plaisir, mais je me sentais toujours gêné. Grand-mère, elle, ne se doutait de rien.

Souvenir 4 : Il s’agit d’un souvenir morcelé, mais dont certains détails sont très précis. Peu à peu, j’ai pu remettre les éléments ensemble et dans l’ordre. Je ne sais pas pourquoi, ce souvenir est très fortement associé à l’odeur indéfinissable de ma chambre à ce moment-là. Il fait jour, je suis debout dans ma chambre, tout nu devant grand-père. Très délicatement, il caresse en le frôlant mon « petit robinet » devenu tout raide. Sans le moindre doute, même si ce qui est en train de se passer est très mal, ce que mon corps ressent me plaît beaucoup. Je crois que grand-père m’aime, parce que dans ses yeux je peux voir une grande tendresse, et il est doux. Au bout d’un moment il s’assoit sur mon lit, il me masturbe toujours doucement. Je reste immobile. J’ai peur qu’il s’arrête si je bouge, mais en même temps je voudrais qu’il cesse, car j’ai honte d’apprécier ce que je ressens physiquement et de vouloir que ça dure. Je me sens tout autant coupable de me sentir honteux, parce que je vois bien que grand-père est gentil. Je reste ainsi paralysé par cette lutte intérieure énorme : je voudrais tellement qu’il cesse et qu’il continue à la fois. De toute façon, je suis comme un pantin, grand-père peut faire ce qu’il veut de moi, ce que je ressens n’a aucune importance.

Les choses évoluent alors : tout en me caressant d’une main, il met un doigt dans mon derrière, ça fait comme un suppositoire, je n’ai pas mal mais je déteste ça. À l’intérieur, j’ai l’impression d’avoir un petit animal qui bouge. Maintenant, je n’y comprends plus rien et j’ai peur, le regard de grand-père a changé d’une manière bizarre. Quand il cesse de me masturber et qu’il enlève son doigt, il me dit qu’on va faire autre chose : « ça va te plaire », m’annonce-t-il. Sa respiration est laborieuse, peut-être parce qu’il est malade. Il se déshabille, enlevant d’abord ses bretelles presque noires, puis sa chemise à larges carreaux sur fond blanc ; il n’a pas de chemise de corps. Je vois des taches sur la peau du ventre de grand-père. Il baisse ensuite son pantalon gris foncé, mais il ne l’enlève pas, il le garde à ses chevilles. Soit il n’avait pas de caleçon, soit il l’a baissé en même temps que son pantalon. J’ai très peur. Je sais que je vois pour la première fois le pénis de grand-père, mais je n’arrive pas à m’en souvenir, ni s’il est en érection ou non. Je me souviens juste de mon angoisse à sa vue. Il me fait mettre à quatre pattes sur le lit et m’aide à me placer comme il faut sur le lit, sur mes genoux et mes coudes. Mon cœur bat la chamade, je ne vois que les draps blancs de mon lit, je suis incapable de faire le moindre mouvement tellement je me sens dans du coton. Au contact du bas de mon dos, il y a ce que je crois être le ventre de grand-père. Ma position a changé, je ne suis plus sur mes coudes mais sur mes bras, ma tête repose de côté sur les draps. Tout devient très confus car mon corps et mon esprit sont comme anesthésiés, mes souvenirs sont flous. Simplement, je sens soudain une douleur atroce dans mon derrière et je me mets à hurler de toutes mes forces ! Cette douleur devient tout mon univers, le temps n’existe plus, grand-père continue de me faire mal et ça semble une éternité. Quand il s’arrête enfin, il s’excuse en me disant doucement « je ne voulais pas te faire de mal ». Puis, il ajoute immédiatement : « arrête de pleurer et va prendre une douche !». Je suis déjà nu alors j’y vais comme ça, sans mettre de vêtements. Pendant que je me lave, je vois, le long de l’émail blanc de la douche, de légères volutes rouges qui coulent entre mes jambes, je comprends que c’est du sang. J’ai le sentiment que je vais mourir et j’ai très peur, mais je ne peux rien dire à personne. Grand-père ne m’a sodomisé qu’une seule fois, sans doute en raison de mes hurlements qui lui ont certainement coupé l’envie « d’aller jusqu’au bout » et de recommencer. Son plaisir ne consistait à mon avis pas à me faire souffrir physiquement, mais simplement à jouir de moi comme objet sexuel silencieux et docile, incapable de dire « non ».

Souvenir 5  : il s’agit d‘un événement nocturne vécu de manière très confuse et décousue, mais extrêmement forte, seuls certains éléments clés sont très précis. Ce souvenir est basé sur mes sensations physiques et une succession parfois très rapide d’émotions dévastatrices, alors que j’ai les yeux fermés, toujours avec ce sentiment vital qu’il « faut que je dorme », que c’est plus important que tout. Quelque chose, dans ma bouche, gonfle et ouvre de plus en plus ma bouche ; je n’aime pas l’odeur, c’est sale. C’est le pénis de grand-père… C’est trop enfoncé. Sans bouger, car je dois absolument « dormir », ma langue fait instinctivement des mouvements de régurgitation pour essayer de me libérer de ce que j’ai au fond de la gorge. J’ai envie de vomir, mais si je vomis je meurs, parce que c’est bouché. Je ne dois pas vomir... Je crois que ça s’est plus enfoncé, je ne peux plus respirer. Tout va alors très vite, en fait tout se passe en même temps : je sais que je suis en train de mourir. Je suis terrifié. Mon esprit appelle grand-père à l’aide. Papa doit me sauver, maman ! J’ai des petites voitures, j’en ai plein, j’y pense parce que j’aime bien la sensation de les faire rouler sur le sol… Mon corps panique et se débat, mais je ne m’en souviens pas, mon esprit est parti… Je vois mon vomi que grand-mère nettoie par terre sans rien dire... Je suis en pleurs, mes grands-parents m’expliquent que ce n’était qu’un cauchemar. Moi, je suis enfermé en moi-même, terrorisé par une peur de mourir, que je suis obligé de garder en silence. Pendant que grand-mère nettoyait, grand-père était habillé, donc je suppose qu’il avait eu le temps de cacher son crime avant son arrivée.

Ce n’est que beaucoup, beaucoup plus tard, que j’ai compris que grand-mère savait ou avait deviné ce qui ce passait entre grand-père et moi. Si elle ne s’était vraiment doutée de rien, elle n’aurait sûrement pas insisté sur le fait que j’avais eu un simple cauchemar, alors qu’elle venait de nettoyer ce que j’avais vomi ! Elle ne voulait pas savoir, ou bien elle ne pouvait pas se permettre de savoir, faire face aurait sans doute été beaucoup trop dangereux pour elle, cela aurait bouleversé trop de choses dans la famille, même si cela m’aurait peut-être sauvé.

Une fois adolescent puis adulte, j’ai continué, jusqu’à il y a quelques années, à éprouver parfois cette forte et désagréable sensation physique d’avoir une balle qui augmente de volume dans ma bouche, à tel point que celle-ci s’ouvrait réellement, je ne m’en rendais pas compte immédiatement. Il est possible que cela ait été une réminiscence de la sensation du pénis de grand-père entrant en érection dans ma bouche à l’âge de 9 ans.

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Mise à jour 1 mai 2017 : Il y a environ deux semaines, j'ai pu comprendre et éprouver ce qu'il y avait derrière la terreur que j'ai ressentie pendant que j'étouffais. La terreur était un mot trop vague, et je l'ai d'ailleurs confondu avec la panique paralysante qui a devancé cette terreur, dans le sens où il s’est agi de la panique du corps figé, sidéré, mais qui a un espoir de sortir de sa situation tout en ayant extrêmement peur. La terreur est ce qui a suivi, et elle correspond exactement au désespoir absolu, à l’inéluctabilité d’un abandon total et insoluble.

Cela m'a d'abord amené à réaliser que, de ma position d'enfant de 9 ans, une personne qui m’aimait et qui me protègeait me faisait mourir volontairement. De là, j'ai compris que mon grand-père me haïssait plus ou moins consciemment, au point de vouloir me détruire physiquement. Si, dans la chambre à côté, ma grand-mère n'avait pas été alertée par le bruit que j'ai fait en me débattant, mon grand-père ne se serait pas arrêté, il m'aurait étouffé jusqu'à la mort. De même, si nous avions logé dans une maison isolée lorsqu'il m'a sodomisé, il aurait continué son acte jusqu'au bout malgré mes hurlements. Lorsque j'ai commencé ce témoignage, je croyais que grand-père ne m'aimait pas spécialement ou qu'il était indifférent à autre chose que son plaisir sexuel, mais non, au moins une partie de lui ressentait à mon encontre de la haine... et cela explique tellement de choses, des pièces de puzzle se mettent en place, peut-être serai-je en mesure d'écrire à ce sujet plus tard. 

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Souvenir 6  : comme chaque jour après l’école, je rentre seul chez mes grands-parents. Tout en marchant sur le trottoir, j’ai toujours le même tic : sans pouvoir m’en empêcher, je cogne et je frotte en permanence le bout de mes chaussures sur le sol, à tel point que grand-mère doit m’en acheter une nouvelle paire toutes les deux semaines. Une fois dans la cour de l’immeuble, j’avance en regardant par terre les dessins géométriques que forme le pavement, avec ses carreaux rectangulaires placés en quinconce. Aujourd’hui, je suis en train de rêver aux bonbons, au chocolat chaud que j’aurai une fois rentré, aux jeux auxquels je jouerai avec mon copain... soudain, un monsieur marche tout près de moi, à la même vitesse, il a d’immenses souliers noirs. Je sais immédiatement que quelque chose ne va absolument pas. Je le sais, c’est tout. Mon univers entier devient cette simple paire de chaussures menaçantes près de moi. C’est si intense que je me sens complètement terrifié. Puis, de dessus ma tête, la voix de l’homme me demande : « Bonjour, quel est ton nom ?...Tu es tout seul ? ». Je ne réponds pas, je ne m’enfuis pas, je ne ralentis pas, je ne fais absolument rien qui puisse le laisser penser que je l’ai entendu. Il n’y a que les battements de mon cœur, un cœur de petite souris prise dans des griffes de chat. Après une minute, ou une éternité, les chaussures et la voix s’éloignent… Je suis sauvé. Paradoxalement, sans les événements que j’ai vécus avec grand-père, peut-être n’aurais-je pas été figé par la peur, peut-être aurais-je répondu, sans méfiance. On ne peut qu’imaginer ce qui se serait alors passé...

Avec ma mère

De 9 ans et demi à presque 12 ans, avec ma mère  : avant que j’aille loger chez mes grands-parents à l’âge de 8 ans et demi, c’est ma mère qui me lavait. Lorsque je suis revenu vivre avec ma famille à 10 ans, elle a repris cette activité. Mais, en ce qui me concerne, deux éléments ont changé ma perception de cette occupation maternelle : d’abord, j’avais pris l’habitude de me laver seul chez mes grands-parents. Ensuite, j’étais déjà passé de nombreuses fois « entre les mains » de grand-père lorsque ma mère s’est remise à me laver dans mon bain.

Le souvenir suivant se déroule je pense à l’âge de 9 ans et demi, alors que je rends visite à ma famille. Je suis assis dans mon bain, l’eau m’arrive à la taille. Avec ses mains très douces, maman me savonne lentement le haut du corps, je me sens infiniment bien. Puis, elle me demande de me lever, je n'en ai pas envie car je voudrais que cela continue pour toujours, je crois que jamais je ne l’ai sentie aussi détendue, elle qui a d’habitude des gestes plutôt expéditifs en me lavant. Mais je me lève quand même, les pieds dans l'eau. Maman continue de me savonner, le bas du corps cette fois : cuisses, jambes, fesses, pelvis, toujours doucement. Pendant qu’elle me savonne les fesses et le « petit robinet », je commence à me sentir bizarre… une érection se forme, mon corps réagit de la même manière qu’il le fait avec grand-père, avec ce plaisir que je connais bien, qui deviendra bientôt honteux au-delà de toute expression. Mais maman continue simplement à me caresser. Maintenant j’ai la certitude que ce qui se passe est comme avec grand-père. J'ai plusieurs sentiments simultanés, très violents et contradictoires : c'est mal, mais si c'est avec maman c'est que c'est autorisé, mais je vais être puni parce que c'est mal... je n'y comprends rien… je suis dans une confusion totale… Ensuite, maman m'essuie partout avec une serviette, toujours lentement, ce à quoi mon corps répond encore une fois. Tel que je le perçois maintenant, lors de ces événements, ma mère me féminisait en quelque sorte : elle devenait une petite fille et moi sa poupée. D’autres fois, lorsqu’elle venait chercher mon affection, je lui servais plutôt de nounours. Dans les deux cas, je n’étais pour ma mère qu’un jouet, dont je suis sûr qu’il comblait un énorme manque. Une fois qu’elle se sentait rassasiée, elle me plantait là sans prévenir, me laissant sur ma propre soif de tendresse. Je restais alors seul au monde, face à un vide sans fond et à un horrible sentiment d’abandon.

À un peu moins de 12 ans, avec ma mère  : L’événement suivant a marqué la fin subite des masturbations que ma mère exerçait sur moi lors de mes « bains ». Ce souvenir morcelé comprend certains détails précis. Debout près de la baignoire, je suis nu avec une serviette sur mes épaules. Maman vient de me faire sortir du bain, elle porte sa robe sans manches, assez courte, aux motifs pastel. Accroupie ou à genoux devant moi, sa tête arrive un peu au-dessus de mes hanches… Ses mains et ses bras nus explorent mes fesses et le pourtour de ma taille, ondulent à l’intérieur de mes cuisses, à la façon écœurante d’une pieuvre dont les tentacules m’envahiraient peu à peu. L’odeur de maman, subtile et pesante, restera en moi, liée pour toujours à cette expérience... Je me sens tellement mal, tout n’est que confusion, je lutte de toutes mes forces pour aller mieux. Je ne trouve aucune solution, c’est insupportable… Je reste là en face d’elle, pétrifié, mon cerveau s’est enrayé sur une même pensée absurde qui tourne inlassablement dans ma tête : « La salle de bain est trop petite. Maman ne serait pas obligée de faire ça si la salle de bain était plus grande ! ». J’ai complètement perdu la notion du temps… D’une main, maman me caresse le bas du dos, de l’autre elle effleure mon pénis et fait jouir mon corps pendant que mon esprit agonise, jusqu’au déchirement intérieur qui nous séparera, moi et mon corps, pour les dizaines d’années à venir. Maintenant je suis ailleurs. Ma tête sait que je sens les mains de ma mère, mais ça se passe très loin de moi. Bientôt, de là où je suis, je constate que mon corps, cet autre, ressent quelque chose qu’il n’avait encore jamais éprouvé, une véritable explosion de lumière : il s’agit de la première éjaculation de ma vie. Soudain, mon pénis projette une giclée de liquide qui atteint le visage de maman, aussi surprise que moi. Elle écarquille les yeux, choquée. Aussitôt, une Honte absolue me transperce, je ressens immédiatement une culpabilité monstrueuse, qui me consumera, heure après heure, durant 40 ans.

Ma mère, ayant besoin d’un petit garçon/fille-poupée et non d’un homme, ne m’a plus jamais masturbé après cet événement, mais le mal était déjà fait. En revanche, elle m’a lavé les cheveux dans mon bain jusqu’à l’âge d’environ 14 ans. Son contact sur ma peau pendant le shampoing me provoquait parfois une érection. Dans ces moments-là, je me penchais en avant afin de me cacher le plus possible. Lorsque j’avais droit au bain moussant, je faisais souvent en sorte que la mousse recouvre la totalité de la surface de l’eau, ce qui me permettait d’avoir le plaisir coupable de garder mon érection sans qu’elle s’en aperçoive. Je pense que ma mère a complètement cessé de me laver quand ma voix s’est mise à muer ou que le développement de mon système pileux est devenu trop apparent pour elle.

Toutes les expériences qui ont été décrites plus haut sont bien sûr reliées à une dynamique familiale globale dont il m’a été extrêmement difficile de me sortir. Quoi qu’il en soit, voici, exposées succinctement, ce que je pense être les conséquences (j’en oublie peut-être) de ces sévices sur ma vie :

À partir de l’âge de 14 ans, j’ai été pris de pulsions suicidaires. Je m’anesthésiais en inhalant de l’éther ou du chloroforme « fait maison », et je « m’amusais » de temps en temps à me bloquer les carotides, cherchant la perte de connaissance. La source de ces pulsions était un sentiment de culpabilité tel qu’il me donnait le sentiment de ne pas avoir droit à l’existence, ce sentiment me poussait à punir en moi le monstre que je croyais être. Je me souviens avoir prié Dieu très fort, à l’âge de 16 ans, de m’empêcher toute ma vie de me rendre heureux, car je m’en croyais indigne. Ce vœu a presque été accompli, mais voilà : maintenant, à 51 ans, je suis digne de ce bonheur !

Dès l’âge de 16 ans, j’ai découvert les plantes hallucinogènes. Beaucoup y sont passées (datura, amanite tue-mouche, graines d’ipomées…), mais avec peu d’hallucinations à l’arrivée… heureusement d’ailleurs, car mes quelques « succès » ont été terrifiants pour moi.

De temps à autre, je m’enivrais également à la limite du coma éthylique avec du vin cuit, visant toujours la perte de conscience.

À partir de mon adolescence, sans doute même avant, j’ai souffert d’un extrême manque de confiance en moi, je me dévalorisais et me sous-estimais systématiquement.

Assimilation de la sexualité à quelque chose de terriblement mal, ainsi que confusion totale entre affection et sexualité. En conséquence, une fois devenu adolescent, je n’ai plus supporté le contact physique avec autrui. Par exemple, il m’a fallu 10 ans pour réussir à simplement serrer une main sans en avoir des sueurs froides. Depuis l’âge de 14 ans, j’ai assimilé tout contact physique à une agression sexuelle, que ce soit venant de moi ou d’autrui.

Masturbation compulsive (jusqu’à 8-10 fois par jour), sentiment de honte à l’appui.

Également à partir de mon adolescence, 99,9% de mon énergie a passé à essayer de survivre à mon mal-être permanent. Cela a duré jusqu’à ce que je m’écroule à l’âge de 47 ans, me forçant à entamer une thérapie sans laquelle je ne serais plus de ce monde. Cette énergie colossale consacrée à ma survie m’a empêché d’être performant ou de développer des apprentissages qui, pourtant, me passionnaient.

Découlant du point précédent, grande difficulté à me concentrer plus de quelques dizaines de secondes ou courtes minutes consécutives. Ce n’est qu’à l’âge de 47 ans, lorsque j’ai commencé mes études de psychologie tout en suivant une thérapie, que j’ai peu à peu réussi à acquérir une capacité de concentration.

Enfant, parfois harcelé à l’école. Adolescent et adulte, renfermement sur moi-même et difficulté à socialiser.

À partir de 18 ans, bronchites asthmatiques récurrentes. J’ai pris des antibiotiques toutes les deux ou trois semaines jusqu’à l’âge de 35 ans, âge auquel elles ont disparu d’un coup, après un début de prise de conscience sur ma dépendance à « l’autre ».

Asthme depuis l’âge de 18-20 ans, qui s’est énormément calmé depuis que j’ai 40 ans, mais dont il reste tout de même des traces. Eczéma récurrent sur certaines parties du corps depuis l’âge de 25 ans.

Hémorroïdes, (étant donné mon âge, il est possible que cela soit normal). Difficulté à dormir suffisamment.

RÉSUMÉ CHRONOLOGIQUE DE MA PROGRESSION INTÉRIEURE :

J’ai miraculeusement réussi à me marier (depuis 24 ans) avec une femme merveilleuse qui a pu voir et aimer la personne que j’étais réellement sous mon mal-être, et me soutenir dans les moments les plus difficiles. Nous avons eu deux enfants, maintenant adultes, qui s’épanouissent. Même s’ils ont leur part d’efforts à faire, je suis certain qu’ils réussiront à terminer le travail que j’ai entamé, de « cassage de chaînes familiales dysfonctionnelles ». Ma femme et moi nous sommes adaptés l’un à l’autre, tout au long de nos profondes prises de conscience respectives.

Prise de conscience progressive (sur plusieurs années) que j'ai été un objet, un outil, un jouet.

Parallèlement à cette prise de conscience, acceptation progressive que je suis une victime de ce que j’ai vécu par le passé.

Prise de conscience de mon « mur de froid », qui m’a empêché d’accepter et de ressentir l’amour de l’autre, de peur de le perdre dès que je l’aurais accueilli. Abaissement de ce mur de protection que je m’étais construit.

Prise de conscience que je suis un être humain et non un objet/outil/jouet.

Prise de conscience que j'ai un corps physique qui ressent, acceptation de mon corps comme étant le mien, acceptation et accueil de mes sensations physiques et sexuelles. J’habite à nouveau mon corps en le réunifiant avec mon esprit.

Prise de conscience que je ne suis plus une victime, je suis une ex-victime.

Prise de conscience que je suis un adulte (responsable) et non un enfant (dépendant).

Prise de conscience que je suis un être sexué masculin, un homme.

Prise de conscience que j’ai autant le droit d’exister que n’importe quel autre être humain.

Progressivement (sur plusieurs mois), prise de conscience de la distinction entre sexualité et affection.

Prise de conscience que je peux accepter de recevoir de l’affection de la part d’autrui sans que cela ait une signification sexuelle. Je commence à m’autoriser à recevoir cette affection.

Prise de conscience que je ne suis pas obligé d’envisager la sexualité pour donner de l’affection, que celle-ci peut se donner autrement. Cela m’amène peu à peu à m’autoriser à donner de l’affection. Je suis encore en train de travailler sur cette étape à ce jour.

Parallèlement au point précédent, prise de conscience que mon statut « d’ex-victime » me permettait jusqu’à maintenant de me réfugier parfois à nouveau dans le statut de victime, en particulier dans des moments de tristesse, de doute, de stress…

Grâce à ce texte, je renonce complètement à l’utilisation du statut de victime me concernant, ce qui ne m’empêche pas de me souvenir des événements que j’ai décrits. Je suis maintenant simplement une personne qui a un passé, et je continue à me construire dans le présent du mieux que je peux. J’ai une passion pour tout ce qui est expression de l’élan de la vie, ainsi que pour la compréhension du fonctionnement de l’esprit humain. Je reste toutefois conscient de ma difficulté à me détacher de ce nouveau statut-label-étiquette d'ex-victime, qui tend à renforcer mon identité de façon sclérosante, tout tournant alors autour de ce statut. Cette difficulté vient peut-être du fait que sans ce label qui me "définit", je surplombe un vide angoissant. J'ai beau savoir intellectuellement que je ne suis pas qu'une ex-victime mais également un homme riche intérieurement, qui peut apporter tant de choses autour de lui, mon esprit trouve tellement réconfortant de se sentir ex-victime et de s'en tenir à cela, en particulier dans les moments de stress. L'idéal serait alors peut-être d'avoir le courage et la force de renoncer à tout label qui me définirait...

Prise de conscience que je suis un père, qui doit, qui veut, qui peut servir d'étayage à mes enfants maintenant jeunes adultes… et qui le fait, de manière à ce qu’ils puissent devenir pleinement autonomes.

Je pense que l’une des choses principales qui m’ont aidé à me sortir de l’enfer, et surtout, à ne pas le reproduire, a été la conscience aiguë que j’ai toujours eue du caractère unique et de la légitimité de l’existence de chacun, ce qui m’a permis de ne pas transformer les autres en objets, jouets ou outils comme je l’ai été. Au lieu de cela, j’ai fort « heureusement » toujours préféré retourner ces souffrances et angoisses contre moi-même. Dorénavant, je suis en train de terminer de me libérer de ce mal-être, ce texte faisant partie de ce processus de libération. J’ai encore du travail à réaliser, j’en suis bien conscient, mais, comme je l’écrivais au début de ce texte, je m’autorise maintenant à vivre pleinement, à Vivre !

Je suis maintenant également très conscient que mon éducation dramatiquement insécurisante et dysfonctionnelle durant laquelle je n'étais en fin de compte qu'un objet, a été à l'origine d'angoisses parfois terribles durant ma vie. Ce sont des angoisses d'être absorbé par le néant, d'être totalement abandonné par l'univers, parfois de tomber intérieurement en morceaux, quasi physiquement tellement cela a été fort. Ces angoisses sont toujours là, tapies, prêtes à rejaillir plus ou moins violemment lors de certaines circonstances pouvant paraître anodines. Je suis en train d'apprendre à accepter cela, moi qui espérais tellement pouvoir "résoudre" une fois pour toutes mes problèmes. Mais je pense que savoir accueillir telles quelles les conséquences de traumatismes fait partie d'une vie d'adulte accompli, sans toutefois que cet adulte cherche à renier les blessures toujours sensibles de l'enfance. Les conséquences des traumatismes apparaissent même lorsque ceux-ci sont enfin rangés dans leur tiroir "passé" et qu'ils ne sont plus revécus sans fin de manière cauchemardesque dans le présent.

Certaines émotions, en apparence dévastatrices lorsqu'elles surgissent, peuvent résolument être tournées en formidables avantages, comme par exemple une profonde compréhension de soi-même et d'autrui, ou bien encore un sentiment de vie intense dans laquelle rien ne semble fade, tellement la souffrance, lorsqu'elle s'apaise enfin, nous laisse apprécier la beauté d'un simple brin d'herbe... En ce qui me concerne, je comprends que la souffrance, après m'avoir laissé pour mort, a en fait été l'expression d'un élan de vie. Je m'en suis servi de mon mieux, et je m'en sers encore lorsqu'elle apparaît, comme d'un moteur pour franchir le "creux des vagues" et aller vers tout ce qui est de plus positif en l'être humain.

Pour terminer, l’un des objectifs de ce témoignage est d’aider autrui à comprendre à quel point l’inceste a pour conséquence de ravager la vie de tout individu l’ayant subi. J’espère y être au moins en partie parvenu.

Merci.

Nous en parlons
V
Vika
Publié le 01.03.2017
Inscrit il y a 8 ans / Nouveau / Membre

Merci pour ce témoignage. Je suis tombé sur ton très beau poème d'un an avant la sortie du déni, du coup j'avais envie de lire ton récit. Comme tu le dis, il aide à mieux comprendre, ce que les personnes dont je fais partie vivent et ont vécu. Des "parallèles", comme le fait de sortir de son corps. Ou la "honte", la "culpabilité", semblant venu de nulle part mais néansmoins senti par tant de victimes...Je reste impressionnée par ta capacité d'analyse, et te remercie de me donner des indices avec ton témoignage pour mieux démêler mon histoire. Je te souhaite bon courage!

M
Manon34
Publié le 04.11.2016
Inscrit il y a 9 ans / Nouveau / Membre

Merci pour ton témoignage et ton immense courage...ça a du être très difficile de te remémorer et écrire tout cela :sigh: ce que tu racontes est terrifiant..pourquoi tant d'adultes utilisent leurs gamins comme des objets? Ça me donne la nausée, c'est totalement inacceptable et condamnable ! J'espère qu'un jour la prescription ne sera plus appliquée pour tout ces crimes immondes. Je te souhaite bon courage et aussi a ta famille, merci de nous avoir confié ton témoignage..