Bonjour, je ne sais pas trop pourquoi je fais cela au juste. Est-ce un besoin de se libérer, d'évacuer ?
De témoigner, non, j'ai toujours été plutôt discret je pense, jamais très expressif. J'ai aujourd'hui 38 ans, victime d'inceste et viol à des dizaines de reprises pendant une dizaine d'années, à raison de 2-4 fois par semaine. J'ai connu deux auteurs. L'un une fois "uniquement" et le second sur le reste... 3 fois par semaine, 52 semaines ou 54, je ne sais plus à cette heure, fois 10 ans ca fait plus de 1000 fois... cela s'est arrêté quand j'avais 15 ou 16 ans, j'ai réussi à dire stop. Je ne sais pas si c'était du courage ou de la force. Je ne pense pas, je pense que c'est juste mon coeur qui a dit non, que je ne voulais pas, je voulais que ça cesse. Et sans trop insister, il a visiblement compris, et plus rien ensuite. Comme si ce n'était pas réel, pendant des années aucune haine, aucune rancune... Je n'y comprends rien. Allez savoir pourquoi, mais pendant très longtemps j'ai vécu avec tout à fait normalement. Ce devait être en moi comme un mauvais moment, une fatilité, comme si j'avais raté un examen, bon bah c'est comme ça.
Et aujourd'hui, j'ai un fils de 5 ans, une crème, un ange, une nouvelle compagne et son fils. A 4 nous construisons une belle histoire. Mais s'il n'était pas là, si la vengeance était réellement un plat qui se mangeait froid, et si c'était légal, mais quelle vengeance ferais-je ? C'est horrible car chaque jour qui passe est un réel combat de maîtrise de soi et un combat contre l'interdit. Dieu merci pour mes bourreaux, j'ai une famille, et j'ai la notion (bien malgré moi pour ce cas) du bien et du mal. Jusqu'à la naissance de mon fils, mes violeurs, membres de ma famille, n'avaient aucune mauvaise réaction de ma part. On échangeait des nouvelles, comment ça va, on se voyait même. Mais aucune haine, "normal", si je puis dire. Mais à présent que mon fils est né, que chaque jour je revois des flashs des actes passés, mais putain que j'ai envie de les voir souffrir, mourir, non, j'ai envie de les savoir suicidés par remords. Je n'ai pas le droit de me venger, j'ai juste le droit d'avoir envie, j'ai le droit de fantasmer de leurs fins. J'ai même presque envie de les voir connaître les mêmes supplices.
Au début, j'avais pris de leurs nouvelles en leur disant que c'était remonté à la surface. L'un deux avoue, culpabilise, s'en veut.... Et le second aucune réponse, enfin si, il a déclarer que j'avais dû me tromper de destinataire... Soit. Puis j'ai déposé plainte contre les deux, j'étais là encore dans une démarche de pardon, une idée que ça allait passer... avec le temps... Mais aujourd'hui je vois que ça ne passe pas. Je rêve d'un monde utopique où la chasse aux pédos avec un calibre 12 serait une discipline qui compterait 100000 licenciés. Ou peut-être plutôt un fusil à seringue hypodermique. Pour les exposer dans un parc pédologique, comme un zoo, mais là ce serait ces êtres-ci que l'on viendrait dénigrer du regard et sûrement reconnaitre des personnes que l'on a déjà croisées... Les statistiques disent que c'est le cas pour une majorité.
En tout cas aujourd'hui, ce qui est compliqué ce n'est pas de vivre avec le souvenir, c'est comme tout ça guérit en surface. Le pire, l'insupportable c'est de survivre avec le devoir de se contenir, le devoir moral, et le devoir légal. Le devoir de tenir à l'idée de savoir que ces ordures n'ont pas dû goûter qu'à moi.... Ça me rappelle ma série préférée: "DEXTER". Mais je n'ai pas le droit, j'attends, j'espère que la justice jugera la vérité, c'est la seule façon de faire, et je me force à croire que c'est la meilleure pour une reconstruction. Je crois qu'il n'y en aura que le mot, car dans les faits j'ai un doute. Je suis mort ce millier de fois, sûrement le double. Quant à eux, ils vivent, ils profitent de chaque instant, comme une victoire sur le passé lorsque moi, je n'espère qu'une chose : soit pouvoir avancer, soit être emporté rapidement par la mort et guérir définitivement.
Comment avancer ? Comment avance-t'on vraiment ? Pourquoi ai-je vécu 20 ans avec ça sans la moindre séquelle et qu'à présent chaque jour est un combat, une souffrance, une haine, enfin deux...? Je ne sais même pas si mon sentiment est normal, suis-je atteint ? Suis-je normal ? Suis-je dangereux ? Dangereux, non, car je me refuserai toujours l'interdit. Mais putain, comment faire pour vivre le reste de mes jours avec ce sentiment d'être mort ou emprisonné ? Je ne peux même pas devenir alcoolique car ce serait faire payer à mes proches. La drogue? Ce serait pire car immoral, et interdit en plus. Non, je vais faire avec, continuer d'espérer, de penser, d'imaginer, de souffrir, de pleurer.