Echanges avec les non survivants

Bienvenue

I
Isabelle
Inscrit il y a 14 ans / Actif / Adhérent
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Bonjour,

Nous pensons qu'il est important de communiquer entre survivants, proches, professionnels, étudiants... afin que l'inceste soit mieux connu et reconnu ainsi que les conséquences qu'il entraine.

Nous avons récemment ouvert les inscriptions sur ce site aux non survivants concernés par l'inceste afin de pouvoir échanger.

Attention, les sollicitations des survivants pour des recherches, mémoires ou tout autre activité sont interdites. Contacter absolument les administrateurs.


Merci à tous de faire vivre ce lieu d'entraide.
46 messages
P
Paulette
Inscrit il y a 8 ans / Nouveau / Membre
Publié le 12.02.2016 14:31
Bonjour Denis,

Tu peux prendre connaissance de mon témoignage dans "pour faire connaissance " "Paulette qui aime très fort un survivant".

Ce que je peux rajouter, c'est qu'il a fallut que je fasse aussi un "gros ménage" dans ma propre histoire, parce qu'il y avait de gros échos de souffrance commune dans notre relation, et c'est quand moi j'ai pu dénouer certaine choses à l'intérieur de moi que mon compagnon et moi même avons pu nouer une nouvelle relation (c'est tout récent).

Si je peux tenter un résumé ultra concis,
- il m'a fallut bien faire la séparation entre ma souffrance et la sienne, ne plus souffrir avec lui, même si je peux souffrir pour lui.
- Devenir aussi capable en conséquence de me protéger quand c'est nécessaire pour moi.

La route peut paraître longue et sinueuse, mais quand le chemin est commencé, on vit déjà, je ne crois pas qu'il faut penser qu'on revivra au bout de quelque chose mais pendant quelque chose.

Au plaisir d'échanger avec toi.
Paulette
T
takatitapakite
Inscrit il y a 10 ans / Actif / Membre
Publié le 24.02.2016 09:34
Bonjour Denis j'ais lu ton témoignage en diagonale mais, même comme ça,ton témoignage résonne en moi a mon tour je vais essayer de t'expliquer mon parcours .
PREMIER MARIAGE EN 1990 (AMOUREUX FOU ) premier enfant 1990 ... deuxième enfant 1993... moi travailleur indépendant absent du foyer trop souvent ma femme trop proche de sa mère (sa mère garde nos filles)la famille de ma femme représente un clan fermé tout ceux qui ne veulent pas adhérer a leur fonctionnement sont traités de FOU.
En 1990 j'étais dans un déni total, les flashs qui me tenaillaient n'appartenaient pas a des faits réels mais a MON imagination trop féconde ... Et puis cs gens là sont tellement parfaits... Je me suis séparé de ma première femme en 1995 dévalorisation systématique de l'homme que j’étais insulte baffes dans la g.... Lorsque je voulais "recadrer" mes filles... Je me suis dis a l'époque que je devais sauver ma peau pour rester un homme debout le prix que je paie aujourd'hui est le prix fort ; depuis 3 ans, mes deux filles m'ont tourné le dos elles ont rejoint l'idée que leur père est mort ...Symboliquement c'est peut être une bonne chose pour elles que de pouvoir"me détester et souhaiter que je crève" car leur maman est tellement parfaite .Que dire de tout ça je ne regrette rien de mes choix en 1997 j'ai rencontré une autre femme et nous somme ensembles depuis traversant la vie a deux partageant des passions communes mais aussi nos différences ce qui est certain c'est que je suis debout que mes filles savent qu'elles ont LEUR place pleine et entière dans mon cœur. Partir était la seule solutions car si j'étais rester dans cette relation dans laquelle quoi que je fasse était mal je serais certainement plus de ce monde . Ceci est MON histoire et je voulais te la dire mais partir fut mon choix et je ne voudrais pas par mon témoignage t'influencer en quoi que ce soit dans tes décisions a venir.Ma première femme je l'aime toujours " je m'en protège" mais cela ne m’empêche pas de vivre avec une autre personne dans une relation respectueuse et aimante, l'amour n'as pas qu'un seul visage heureusement.Ma première femme aura servi de révélateur au sujet de mon histoire d'enfant et cette relation m'aura obliger a une introspection avec l'aide de professionnels oui j'ai été abusé oui on m'a étranglé non je ne suis pas FOU à enfermer non je ne suis pas PARFAIT non je ne suis pas un OBSÉÉ SEXUEL même si j’aime les relations consentantes entres grandes personnes qui se respectent.Ma première femme a certainement elle aussi vécu des choses lourdes et difficiles mais sa solution était semble t'il de détruire toute indépendance ,différence m'"objetiser" pour faire de moi un bouc émissaire rôle que j'ai refusé de jouer ...A part ça la vie est belle et c'est tant mieux pardon si c'est trpo long pas assez clair mais je ne suis pas un "prosateur"
A
*Profil supprimé*
Publié le 12.04.2016 16:06
Bonjour,

Isabelle, le titre de cette rubrique m'a posé un problème : les non survivants, dans mon esprit, n'ont pas survécu, donc sont morts, donc difficiles à eux de venir s'exprimer ...

Les proches des victimes sont effectivement dans une situation difficile.
Quand j'ai porté plainte pour ma fille alors mineure, elle m'en a voulu énormément parce qu'elle croyait encore être amoureuse de son frère et qu'elle avait peur qu'il aille en prison. En même temps qu'elle découvrait le mal qu'il lui avait fait ... J'étais donc catastrophée de ce qu'elle avait vécu et meurtrie de ses attaques.

Les victimes, quand elles revivent ce qu'elles ont vécu (retour de mémoire traumatique, sortie du déni), elles refont le même chemin, se débattent comme un animal blessé et qui est là et reçoit les coups de griffes : les proches bien sûr.
Mon conjoint actuel a vécu toute cette période de l'annonce, des démarches, du procès et maintenant du retour de certaines périodes occultées. Dès le début, il a su dire à ma fille qu'être victime ne l'autorisait pas à agresser ses proches, il m'a protégée par ces paroles et a posé des limites à ma fille. Il est un grand soutien pour elle.
Il l'a été pour moi avant encore cela, quand sortie du divorce de leur père, je me débattais moi-aussi pour me remettre de 15 ans auprès d'un manipulateur et sortir de la dépression ... Pas rose tous les jours pour lui. Il est toujours là ...

Par contre, quand on commence un couple, on est deux qui se plaisent à ce moment-là et dans ce genre de crise, on est malmené et surtout, on émerge peut-être différents : est-ce que les deux d'après se reconnaissent encore après ? est-ce que la fatigue de l'épreuve et les coups de griffe ont laissé trop de cicatrices ?
Personne ne sait ... tu n'as pas à jouer les surhommes, juste être honnête avec toi, avec elle, et quand la peine est forte, tu peux la partager, sur le forum par exemple. Si tu résistes, si tu survis au tsunami ... j'espère que vous vous reconnaîtrez, mais qui peut le dire ? pas moi.
Y
Yan
Inscrit il y a 8 ans / Nouveau / Membre
Publié le 13.06.2016 10:36
Bonjour,

Je suis conjoint de victime. J'ai rencontré ma compagne il y'a 18 ans. J'ai su ce qui s'était passé il y'a 15 ans. Je n'ai alors pas su quoi faire, pas su comment l'aider. J'ai sonné à quelques portes, quelques associations. J'ai été seul, bien seul. Je l'aime. Je l'ai toujours aimé. J'ai toujours respecté sa sexualité. Le fait qu'elle ne veuille plus faire l'amour avec moi pendant de longues période, le fait que l'on fasse l'amour une fois de temps en temps. Je la respecte, même si ce n'a pas été facile pour moi, loin de là. Je comprends aujourd'hui ce qu'elle veut dire qu'en elle me dis que le dialogue s'est cassé. J'ai sans doute voulu la préserver. Aujourd'hui, nous sommes au bord de la rupture. Elle me reproche tant de choses. J'ai traversé une longue période de maladie qui m' a mis à genoux. Ceci pendant son début de thérapie. Une thérapie. 20 minutes tous les 15 jours à 70 euros la séance. 5 ans de thérapie. ça l'aide mais comment se re? construire en 20 minutes tous les 15 jours. Je n'ai rien à lui reprocher. Dans aucun cadre. Elle me reproche beaucoup de choses, que je l'ai laissé, que je ne l'ai pas aidé... Je me retrouve dans le témoignage de Denis. Mais c'est vraiment difficile de soutenir quelqu'un qui vous en veut autant. Je ne sais plus quoi faire.
Je fait une thérapie depuis quelques semaines. ça m'aide à reprendre ma vrai place dans notre histoire. Pour elle tout est noir en ce moment.
Nous sommes partis en vacances pendant une semaine. Elle a lu le livre "Vivre en couple après l'inceste" en deux fois. Deux chocs énormes pour elle. Prise de conscience qu'elle avait surement minimisé l'impact, les effets de l'inceste. Sortie complète du dénie. Mais quelle violence pour elle. J'ai réussi à reparler avec elle. Mais je fatigue. Au quotidien elle reste dans le contrôle. C'est comme ça qu'elle s'est construite. Dans le contrôle de tout.
Nous nous donnions beaucoup de marques d'affection. Les ruptures successives dans notre sexualité m'ont certainement fait perdre certain geste de tendresse. J'avais l'impression que des choses revenaient tout doucement, puis, après le nouvel an, décès d'une collègue et choc émotionnel pour elle. Point de rupture. Distance vis à vis de moi. Depuis, j'essaie de retrouver des gestes, mais elle ne laisse rien transparaitre. Elle est devenue de glace vis à vis de moi. Je lui ai dis qu'il fallait qu'elle me montre un minimum ses sentiments pour que je puisse voir si ça lui faisait du bien.
Nous en sommes là. je ne peux me résoudre à laisser 18 années de vie commune, d'une belle vie commune là. Mais je m'épuise.

Yan
A
*Profil supprimé*
Publié le 13.06.2016 17:37
Yan,
Tu as raison de chercher de l'aide pour toi,
parce que tu vis depuis longtemps des choses très difficiles.
Ta maladie était peut-être aussi un signe d'épuisement.
Pense à te préserver, ce n'est pas la laisser tomber,
c'est ta propre survie et éventuellement la capacité de l'aider.
Elle ne veut pas te faire du mal, mais le résultat est le même, il faut te protéger.
J'espère que la lecture et l'échange sur le forum te fera du bien.
J
JJ
Inscrit il y a 8 ans / Habitué / Membre
Publié le 17.06.2016 10:42
Bonjour Yan,

Je pense aussi que prendre soin de toi avant tout est essentiel. Elle ne veut sans doute pas te faire de mal ni te perdre. Elle est seulement dans sa douleur à elle, avec un fort besoin de se centrer sur elle-même pour avancer. Peut-être qu'elle n'a tout simplement pas pleinement conscience de la douleur qu'elle t'inflige. Et le côté "glaçon" dans vos relations intimes ne s'adresse probablement pas à toi, bien que tu en paies les pots cassés. Je partage ci-dessous quelques éléments sur moi, en espérant que cela pourra t'aider un peu ?

Je suis en couple depuis 5 ans. Je suis la femme et la victime. Lui a été pendant des mois le "dommage colatéral". J'ai repoussé chacun de ses gestes, jusqu'à ne plus supporter ses mains sur moi, jusqu'à ne plus supporter sa présence dans le même lit, jusqu'à placer une couette comme un mur entre nous deux quand venait la nuit, et l'agresser chaque fois qu'il passait cette frontière. Cela a duré pendant des mois. Et puis il m'a exprimé son mal-être, et j'ai enfin pris conscience de l'énergie que je mettais à me reconstruire, et des conséquences sur notre couple et sur sa personne. Il se sentait rejeté, moche, mal-aimé. Difficile d'être repoussé dans chaque signe de tendresse. Et moi je me suis effondrée.

Ce qui nous a aidé, c'est que mon thérapeute m'a demandé de dresser une liste complète de ce que je pouvais faire facilement, difficilement, et ne pas faire dans notre relation de couple. Allant de l'aspect psychologique "me confier" aux détails de nos relations intimes "sa main sur mon cou", et de notre sexualité "positions possibles ou non". Et j'ai pu travailler avec lui chaque geste qui posait problème à l'aide d'exercices. Mon ami était dans la confidence, je lui disais "je dois faire un exercice, tu dois mettre ta main derrière ma tête", et pas à pas j'ai accepté la sécurité et la douceur que ses gestes m'apportaient. Jusqu'à ce que nous retrouvions une complicité à tous les niveaux. A cette époque, le thérapeute avait d'ailleurs proposé de venir en couple à une séance, pour travailler à deux. J'avais refusé. Mais mon compagnon était partant si cela pouvait nous aider.

Et P.S. : moi c'est 30 min tous les 15 jours en théorie, sachant que j'expédie mes séances en 10 min ou 20 min max... trop difficile pour moi de faire plus longtemps. Et pourtant cela me reconstruit énormément !
Y
Yan
Inscrit il y a 8 ans / Nouveau / Membre
Publié le 17.06.2016 12:45
JJ,

Merci pour ton message. Oui, ça m'aide, ça m'aide beaucoup. Je prends de plus en plus conscience que nous sommes à une période charnière de notre vie à deux. Je pense qu'elle est complètement perdu en ce moment, que ses sentiments se mêlent entre amour et colère, qu'elle me rejette mais j'espère resté un élément stable dans sa vie. J'ai peur qu'elle s'en aille, peur qu'elle se retrouve seule. Que deviendrait t-elle? Qui pourra l'aider?
Finalement, nous avons eu trois vies :
- la rencontre et 4 belles années passées ensemble,
- l'annonce de l'inceste et 10 ans d'une vie difficile pour elle mais aussi pour moi, mais une vie toujours aussi pleine de belles choses.
- la thérapie, au moment ou je suis tombé malade, et jusqu'à aujourd'hui, plus sombre, et de plus en plus difficile pour elle, pour nous.
Une quatrième, je l'espère, nous attend.
Cependant, je suis à bout de force et j'ai décidé d'aller voir un médecin pour prendre des antidépresseurs. J'aurais du être plus fort, parfois m'opposer à elle, lui dire qu'elle me faisait mal par ses paroles. Ce n'est pas dans mon caractère. Il faut que je pose des limites, sinon, nous ne nous en sortirons pas.
Samedi, nous allons au groupe de parole à Paris. J'espère que ça nous fera du bien, qu'elle se rendra compte qu'elle peut avoir du soutien, un immense soutien de votre part, à toutes et à tous. Je regrette amèrement de ne pas avoir découvert l'association avant.

Merci,

Yan
J
JJ
Inscrit il y a 8 ans / Habitué / Membre
Publié le 17.06.2016 21:46
Alors bon courage à vous deux, l'équilibre des couples est tellement subtil et fragile. D'autant + quand une personne dans le couple est aussi ambivalente que les personnes comme nous peuvent l'être. Une caresse qui passe le matin peut ne plus passer le soir. Un geste, un regard, une envie.

Je pense que prendre soin de toi va t'aider, et va vous aider. Je pense que tu n'as absolument rien à te reprocher. Tu n'as pas à te montrer différent de qui tu es. 18 ans de vie à tes côtés, c'est qu'elle ne cherche pas un autre "toi" j'imagine !

Je ne participe pas encore aux groupes d'AIVI. J'ai fait une fois il y a 2 ans un groupe de parole d'une autre association. Je me souviens que cela avait été bouleversant. Chaque parcours est unique, mais j'ai l'impression qu'il y a un point commun ici, c'est qu'après un pas en avant vient le contre-coup, et les progrès précèdent bien souvent des phases où on peut tomber bas. Très bas. Je ne doute pas que le groupe l'aidera. Mais je pense qu'il est important que tu te prépares à une phase peut-être un peu difficile les jours qui suivront.

N'hésites pas à nous tenir au courant
A
*Profil supprimé*
Publié le 17.06.2016 22:18
Oui, les témoignages dans ce sens sont nombreux : après un groupe de parole ou un autre acte très positif, il y a un allègement considérable de se sentir compris, de ne pas être seul, ne pas être fou ... et ensuite, un retour seul assez terrible, un contrecoup comme un retour en arrière éprouvant, comme si l'énergie positive ressentie disparaissait et que le négatif était à nouveau là plus terrifiant.
Se confier dans les hauts et dans les bas, ça aide ...
I
Isadora
Inscrit il y a 7 ans / Actif / Membre
Publié le 20.06.2016 11:43
Bonjour Yan,
Bonjour à tous,

Merci pour tes témoignages si précieux à tous. Je te rejoins sur ce point , je regrette de ne pas avoir connu ce site et cette association plus tôt. Quel soutien incroyable, quelles rencontres! On peut aussi un peu aider? c'est à peine croyable. Quant à ma transformation? Elle est inimaginable, inimaginable!

Je pense que l'on n'aide la personne qui souffre, au plus, que lorsque l'on prend conscience que l'on ne peut pas l'aider. On ne peut pas tout faire. Ce n'est pas possible. On ne peut être à la fois le conducteur de la locomotive et la vache qui regarde passer le train. Nous sommes dans des "postures" différentes, nous avons aussi des "statuts" différents. On ne peut sauver. Il faut en faire notre deuil, c'est horrible. Tu es l'époux d'un couple, c'est déjà un good job. On en peut être en plus, la mère, le père, le frère , la soeur, le psy, le masseur, le panseur... Homme ou femme nous ne pouvons être la Déesse Shiva de l'autre.

Admettre que l'on ne peut sauver, c'est créer le sas nécessaire à la survie de l'un et de l'autre. Un petit espace libre, un petit no man's land, une petite zone de marge... Décidément Van Gennep m'est d'un grand secours. je vais y revenir. Dans cet espace libéré, chacun peut y trouver un second souffle , une place libre pour chacun. Ces espaces permettent de démêler les souffrances, ou tout au moins de ne pas les emmêler plus encore. A chacun son écheveau.

Je me reconnais , même si c'est déplacé dans le temps, même si cela ne s'est pas manifesté comme ça, dans les souffrances de ton épouse. L'annonce ou prise de conscience ou appelle cela comme tu veux c'est un tsunami, c'est l'éruption du Vésuve. Que doit faire l'entourage? Se mettre à l'abri pardi!. C'est curieux que personne ne voit que c'est un tapis de bombes qui s'abat sur nous et nos proches... Ces chants de l'âme, en tout cas les miens, sonnent souvent comme des hurlements de sirènes. Planquez-vous, bon sang!

Il faut donc laisser le déminage à des spécialistes, et il faut trouver les bons; sexologue, victimologues, des techniques croisées, car oui il faut agir, le temps passe, la vie n'est pas éternelle, il y a urgence. Urgence de vivre. Pour vous deux.

Je crains fort, à la lecture des témoignages que notre société soit très gauche et n'aie que peu de spécialistes pour ce genre de déminage spécifique. D'où je le répète l'importance capitale de ce site et de cette association.
Je vais développer maintenant deux aspects :

1- le premier est que la victime puisse trouver un mode créatif pour reconnecter le petit être. Cela permet de réduire l'impact du traumatisme. Je te donne un exemple: je suis chanteuse d'opéra, et la première fois que j'ai joué à l'opéra, j'ai ressenti nettement que le jeu de scène "était" les jeux que je n'avais pas fait enfant. Je ne jouais pas mon rôle, j'étais l'enfant qui s'amusait dans sa chambre. Le metteur en scène , qui a saisi cela tout de suite, disait que j'étais "une bombe" sur scène. Sur scène j'étais chez moi, comme jamais je ne pouvais l'être dans la vie. La scène m'a donné la vie. C'est beau pour moi, de vous dire cela aujourd'hui. D'ailleurs, la première fois que je suis sortie de scène, je venais de faire La voix humaine de Poulenc, mes premiers mots furent: "je suis née". En conclusion il ne faut pas, même à un niveau amateur, négliger le formidable pouvoir de l'Art. On devrait expliquer cela à nos abrutis de politiques qui n'ont de cesse de vouloir fermer les conservatoires... Quelle bande de truffes ceux-là!

2- Pour revenir aux états de marge de Van Gennep, le tsunami que j'évoque provoque le "départ" et l'état de marge. J'ai pas le temps de développer hélas. Mais pour faire court, dessine un grand rond , notre société, et dedans des petits ronds, les métiers, ou enfants adultes , naissance, mort, maladie, etc... enfin toutes les "catégories" de la vie que tu veux. le passage c'est "passer" d'un rond à l'autre. Dans la société traditionnelle ( que nous n'avons pas renié que cela plaise ou pas...), c'est dans le passage que réside le danger car l'on peut "perdre" un de ses membres. C'est pour cela que l'on crée- dans la société traditionnelle- , des "rites de passage" , censés protéger la personne en voyage ( de l'enfant à l'adolescent, de la jeune fille à la femme mariée, les métiers, les études etc...) . Dans nos sociétés on a remplacé avec rien, et c'est pour cela que par exemple, face à la mort la société moderne est totalement désemparée et angoissée de perdre ses membres. L'on n'a de cesse aussi de recréer d'autres rites. Face à autre chose que la mort c'est pareil. Enlever les protocoles de réparation, c'est bien si l'on veut, mais les remplacer par rien, c'est pire.
Ainsi, du rond "société des gens ça va merci", au rond "société des gens incestués-ça pourrait aller mieux ouais bon", il y a un petit voyage pas piqué des hannetons, ce fameux "passage" ou "état de marge", qui fait changer "d'état". Ce voyage, seuls les gens concernés le font. Le tsunami du voyage seuls eux les vivent. Les "autres" restent sur la berge, avec les mouchoirs, "bon voyage ma cousine!!!". Le positionnement est donc capital, j'espère que tu me comprends , toi tu es sur la berge. Par contre , pendant le voyage, le voyageur est seul, il est dans le no man's land, et c'est là l'horreur. C'est l'angoisse du "mais où on va arriver bordel! ", du " je suis terrifié d'avancer", du "je vais en mourir", et surtout " je suis seul " , mais aussi, " je veux pas y aller!!". Tu ne peux être Orphée, le passeur qui va chercher Eurydice (là au royaume des incestués...) , et tu ne vas pas non plus perdre ton épouse. Car dans l'autre rond, je suis là, et d'autres aussi. On l'attend.

C'est pour cela que je pense que les voies psychologisantes, que je respecte , sont des voies sans issue pour ce type de traumatisme, car elles mettent en avant l'individu, ce qui est bien mais ne résout en aucun cas le problème de mes "ronds", le problème du nouveau groupe dans lequel il va bien falloir s'intégrer malgré la honte et le dégout mais qui en même temps apaise le " ça fait du bien de savoir que d'autres sont comme moi" le  " ça fait du bien d'être arrivé quelque part " . Le regard anthropologique , en regardant de façon différente les modes de fonctionnement des petites cellules qui constituent notre société, proposent des modes de réparations, comme les victimologues d'ailleurs dans la globalité du groupe, donc en renforçant la notion d'appartenance à quelque chose, et donc de renforcer notre appartenance à notre humanité. Ou comment ne plus se sentir E.T. tombé d'une planète. CQFD.

Ce petit texte, sans doute trop long, c'est pour toi Yan et ton épouse, sans doute parce que j'ai conscience de la chance de vous avoir rencontrés tous les deux. Vous êtes de "très belles personnes", pour te citer.

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